Un de mes potes. artiste de talent autant que de métier, m'a écrit récemment une longue lettre à propos de l'annulation du spectacle SLAV.
Dans cette lettre, il reprenait ni plus ni moins les mêmes arguments que j'aurais eus moi-même il y a cinq ans. La rectitude politique et le concept d'appropriation culturelle véhiculés par les guerriers de la justice sociale mènent à la lourdeur de nos rapports sociaux, ici et maintenant. Tant et si bien qu'il conclut sa missive par cette dernière phrase: j'ai l'impression que ma civilisation est en ruines.
Je l'ai félicité pour sa dernière phrase. Pas pour être baveux. Mais parce qu'elle résumait tout.
Cette civilisation est effectivement en ruines et il faut être aveugle pour ne pas le constater.
Simplement de voir Trump à la tête des États-Unis et on ne doute pas un instant que cette civilisation ne produise plus rien de bon. Elle s'enfonce dans la fatuité et meurt les veines pleines de gras trans. C'est un mourant qui est au pouvoir.
Tous les symboles de cette civilisation sont en décrépitude et ce ne sont pas quelques slogans électoraux qui vont y changer quoi que ce soit parce que c'est la culture qui modèle les esprits, pas les politiciens véreux et corrompus.
C'est la fin de cette civilisation.
Comme ce fût celle des Blancs d'avant l'apartheid suite à l'accession de Nelson Mandela à la tête de l'Afrique du Sud. Tout ce que les Blancs avaient pensé des Noirs jusqu'à ce jour-là s'est subitement effondré comme un château de cartes. L'ancien régime de ségrégation était maintenant conspué par le monde entier et les Blancs durent faire du chemin en peu de temps pour ne pas être eux-mêmes engloutis par l'Histoire.
Bref, les guerriers de la justice sociale avaient eu raison.
Ils étaient en fait des militants des droits civiques...
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J'ai beaucoup changé au cours des dernières années.
J'ai eu un temps un discours relativement frileux et islamophobe. J'en voulais à la rectitude politique. Je maugréais contre les biens-pensants. Mon anticléricalisme exacerbé me faisait voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Je manquais de sagesse et d'envergure intellectuelle. J'ai fait du chemin. Mon guide a été l'empathie. Une manière de se mettre dans les bottines des autres et de suivre leur histoire pour mieux les comprendre. Ce guide-là m'entraîne un peu partout et il est possible que mes «récits de voyage» soient encore maladroits et teintés de propos d'une civilisation qui n'existe plus, en l'occurrence la mienne. Il se peut que j'aie l'air de Kevin Costner dans Il danse avec les loups. J'ai beau aimé les Sioux qu'il serait présomptueux pour moi que de parler en leur nom comme si on leur avait arraché la langue...
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SLAV a été annulé. On avait avisé les créateurs de ce spectacle qu'il y avait un problème avec le manque de représentativité des Noirs dans un show consacré à l'histoire de l'esclavage des Afro-Américains. Les créateurs sont passés outre à cet avis et ont dû faire face à une poignée de manifestants. Du coup, la Toile s'est enflammée. SLAV était présenté dans le cadre du Festival de Jazz de Montréal, un festival consacré à la musique afro-américaine... Les Afro-Américains y ont vu un affront. Pas les Québécois. Ni les Afrikaners.
L'an dernier, CBC a dû retirer de sa programmation Canada: The Story of Us, une série consacrée à l'histoire du Canada. Les Français y étaient sous-représentés. De plus Samuel de Champlain avait l'air d'un gros crotté alors que les officiers britanniques étaient toujours très propres et élégants. Racisme systémique? Allez savoir. CBC s'est excusé et le show a été annulé. Tous les Québécois en furent ravis.
Vous voulez encore que je vous parle de l'annulation de SLAV?
Le Festival de jazz a annulé SLAV.
L'Assemblée Nationale du Québec n'a même pas eu à intervenir comme l'an dernier...
La censure artistique, c'est lorsque l'État intervient pour interdire la diffusion d'oeuvres d'art.
Autrement, business as usual.
Mauvaise décision d'affaires.
On retire le show.
Va nous faire perdre du cash ailleurs mon chum.
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L'empereur est nu!
C'est un enfant qui l'a remarqué.
Cet enfant est Noir.
Déjà, on en oublie que l'empereur est nu.
On en veut aux Noirs de ne pas apprendre à leurs enfants à se taire et à se comporter correctement en public, parmi notre majorité pas si silencieuse qu'on le prétend.
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Vous vous souvenez du film The Color Purple?
Oprah Winfrey y tient le rôle d'une pauvresse qui se fait incarcérer pour avoir résisté au cours d'un incident raciste. Elle a même balancé un coup de poing au maire de la ville, imaginez-vous donc! Le maire, un Blanc aux idées libérales et progressistes envers les personnes dites de couleur... Non mais quelle ingrate!
Sa femme, qui partage les mêmes idées et la même couleur de peau, paie la caution de la «négresse» (sic!) et la prend pour bonniche sous ordre du tribunal.
La pauvresse doit torcher la femme de celui qui l'a foutue injustement en prison.
Elle n'a jamais de congé. Elle est maintenant borgne et tout croche à force de s'être faite frapper dessus.
Par contre, la femme du maire a des idées libérales et progressistes envers les personnes dites de couleur.
Elle fait même la promotion de spectacles qui parlent de l'histoire des Noirs.
Mais pas question qu'elle s'assoit aux côtés d'un Noir -à moins que ce soit sa servante...
Il y a des limites à ce qu'une civilisation peut supporter...
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C'est la fin de cette civilisation.
Toutes les églises sont fermées et en ruines.
Nous ne sommes plus seuls sur cette planète.
Nous sommes maintenant tous et toutes sur la même planète, en même temps, tout le temps, et pour toujours.
On peut faire semblant de retenir l'effondrement de cette civilisation, de vivre encore dans le déni de la réalité.
Notre pensée aussi est en train de se décoloniser.
L'histoire qu'on m'a enseignée ne ressemblait déjà plus à celle que l'on a enseignée à mes parents.
Celle que l'on enseigne diffère déjà des mythes véhiculés par nos propres leçons d'histoire.
Bien des murs et bien des frontières continueront de tomber. Et c'est tant mieux.
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J'adore le film Apocalypto.
C'est Mel Gibson qui l'a réalisé. Cela se passe au Mexique, chez les Mayas, à minuit moins une de l'arrivée des Espagnols.
Il aurait pu mettre un Blanc au sein de cette histoire. Un conquistador repentant qui ne veut plus tuer des Indiens. En faire un genre de Il danse avec les loups, un Blanc qui sauve les Sioux qui occupent une place très discrète dans le scénario... Tant et si bien que Richard Desjardins aurait pu dire qu'ils forment un peuple invisible. Invisible dans nos propres yeux, cela dit.
Apocalypto a été tourné en langue maya yucatèque et ne met en scène que des acteurs d'ascendance autochtone.
Bien que ce film ait été produit par un Blanc, il s'en dégage une authenticité et une forme d'empathie qui méritent d'être soulignées.
Aucun Maya n'a demandé à ce que film soit banni des écrans.
Comme quoi, quand c'est bien fait, il n'y en a pas de problèmes.
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