Le PQ c'est comme un vieux qui est convaincu que le charleston est encore à la mode. Certains l'écoutent encore avec politesse. Comme s'ils craignaient que le vieux ne s'effondre en exécutant sa dernière danse. On le ménage. On lui laisse danser le charleston. Puis on tasse les meubles et on avise les inconnus qu'il n'a plus tout à fait toute sa tête. Ou bien qu'il est encore saoul, comme d'habitude.
Évidemment, le vieux n'aime pas ça. Il se sent victime d'âgisme. Il demande que la loi oblige tout le monde à danser le charleston. «Le baladi et la bossa nova, ce n'est pas pour Nous», prétend le vieux. Et tout un chacun se regarde en se demandant pourquoi ce Nous n'a rien à voir avec soi-même. Pourquoi ce Nous fait si vieux.
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Martine Ouellet dénonce la montée de la «gauche religieuse». La cheffe du Bloc québécois dénonce entre autres le candidat à la chefferie du Nouveau Parti Démocratique, Jagmeet Singh, un sikh d'origine montréalaise qui parle français. Une autre tentative qui me donnerait l'envie de voter pour Jagmeet Singh plutôt que pour Martine Ouellet...
-Enlève ton turban le sikh! semble lui dire Martine Ouellet...
C'est d'autant plus ridicule que feu le curé Raymond Gravel faisait justement partie de cette même «gauche religieuse» que Martine Ouellet dénonce aujourd'hui. C'est vrai que le curé Gravel était député bloquiste. Il portait une croix. Pas de turban. C'est vrai que dans sa religion on ne porte jamais de turban. Mais bon, on ne se mettra pas à compliquer les choses plus qu'elles ne le sont...
En passant, les sikhs ne sont pas des musulmans et ne peuvent donc pas imposer la charia...
Le seraient-ils qu'ils n'en voudraient peut-être pas plus. Il n'y a pas que des fous dans les religions. Il y a aussi des Raymond Gravel, des Jagmeet Singh...
Je ne peux m'empêcher de penser aussi à Simone et Michel Chartrand. Ces deux-là étaient des chrétiens de gauche.
-La religion m'a fait trop de mal pour que j'en dise du bien et trop de bien pour que j'en dise du mal, ironisait Michel Chartrand.
C'est une idée qui se défend, même si ce n'est pas la mienne.
Alors quel est le problème avec la «gauche religieuse»? On lui reproche quoi? D'être pro-choix? D'être antifasciste? D'être pour la reconnaissance des droits civiques des membres de la communauté LGBT? Il faudrait bien qu'on me l'explique. Comment peux-tu vivre pleinement ta vie de réactionnaire religieux parmi des salauds de gauchistes qui prêchent pour l'avortement libre et gratuit et participent aux parades de la fierté gaie? Il y a quelque chose qui ne tient pas la route, vous ne trouvez pas, madame Ouellet?
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Combattre le port de signes religieux ostentatoires me fait penser à Pierre le Grand qui coupait les barbes de tous les vieux chrétiens orthodoxes pour rendre la Russie moderne... Quelques-uns furent sans doute tués au passage, mais qui peut arrêter le progrès, hein?
On peut aussi songer à ceux qui interdisaient aux Autochtones de s'habiller selon leurs coutumes, tant culturelles que religieuses. On oublie que l'on a fait la guerre à Sitting Bull parce qu'il contribuait à rétablir la Danse des Esprits (Ghost Dance), un mouvement religieux considéré comme de la sorcellerie par les membres du Congrès américain de l'époque.
Dans tous les cas, ce sont des innocents qui paient pour l'intolérance des uns et des autres.
Une intolérance qu'il faut combattre parmi toutes les organisations et institutions.
Pour éviter des massacres comme celui de Wounded Knee, il faudra bien en venir à vivre et laisser vivre tout un chacun, sous la protection de nos lois qui garantissent à chacun non seulement la liberté d'expression, mais aussi celle d'exprimer librement ses convictions religieuses.
Après la Conquête de 1759, on a interdit aux catholiques de siéger comme députés. Puis on a fini par reconnaître aux catholiques le droit d'exercer des fonctions parlementaire. Ce fut ensuite le tour des Juifs. Ezéchiel Hart fut d'ailleur le premier député juif d'Amérique du Nord. Il devint député de Trois-Rivières. Les années passèrent et tout un chacun put devenir député, riche comme pauvre, juif ou catholique, propriétaire ou locataire, homme ou femme. On peut appeler ça le progrès. Il serait dommage de s'en priver pour revenir au temps de la sainte inquisition espagnole...
Ou bien à celui de Pierre Le Grand qui vous tire par la barbichette.
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Djemila Benhabib s'en prend à Xavier Camus, un professeur de philosophie qui tient un blog où il s'oppose avec véhémence au racisme et au fascisme qui tous deux ont gagné du terrain depuis l'élection de Donald Trump.
Xavier Camus expose les liens subtils qui se tissent entre le groupuscule d'extrême-droite La Meute, certains mouvements nationalistes et quelques chroniqueurs de la presse à scandales.
On a affaire à d'anciens militaires qui se promènent avec des flambeaux dans les rues en croyant être des chiens bergers allemands et il faudrait regarder ça comme une parade de la Saint-Jean-Baptiste, constitué de braves gens qui n'auraient pas dû boire autant de conneries sur le web?
Camus a eu le malheur de révéler que des membres de la Meute faisaient partie du service d'ordre de Djemila Benhabib. Comme il a eu le malheur de signaler que plusieurs perroquets des médias traditionnels étaient membres de la page Facebook de la Meute. Du coup, on voudrait que Camus soit payé par les Frères musulmans, ce qui relève bien sûr du délire idéologique poussé à l'extrême.
Et c'est là, justement, qu'une intellectuelle comme prétend l'être Djemila Benhabib ne devrait jamais aller.
Le Québec n'est pas l'Algérie. Il s'est passé une sale guerre civile là-bas. Un gouvernement laïque corrompu s'est fait bousculer par un mouvement religieux qui se nourrissait de la lutte contre la corruption gouvernementale. Dans certains cas, comme en Afghanistan, les États-Unis ont soutenu le mouvement religieux contre le gouvernement laïque corrompu. Mais pourquoi rappeler ces événements désagréables qui compliquent tout autant notre vision des choses qu'ils ne menacent notre fonds de commerce? L'ennemi à abattre, dans tous les cas, c'était l'injustice sociale. L'injustice sociale qui sert de terreau fertile à toutes les idées les plus absurdes, ici comme ailleurs, parce que rien de bon ne peut pousser dans le désespoir.
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La lutte contre le totalitarisme ne laisse certes pas de répit.
Il faut non seulement combattre l'extrême-droite. Il faut aussi prendre ses distances face aux Khmers rouges et autres gardes d'une quelconque campagne d'anthropophagie. Il importe tout autant de se dissocier des mouvements religieux qui souhaitent établir une théocratie. À ce que je sache, nous sommes encore loin du compte. Pour la religion, je veux dire. Le seul mouvement religieux qui pourrait aspirer à ça, ici, c'est le christianisme. Il est lui-même divisé en une myriade de sectes, sans compter que toutes les églises catholiques sont à l'abandon. La religion à surveiller, si j'étais un anticlérical militant, ce serait bien sûr celle de la majorité. Pas la pitoyable concurrence. Même pas 3% de la population... Aussi bien s'en prendre aux animistes. Ou bien aux mazdéens.
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Pour ne rien vous cacher, je crois avoir de l'appétit pour la vie spirituelle.
Je n'appartiens à aucune religion et à aucune organisation politique.
Je loge quelque part à gauche. Et quelque part dans les étoiles.
Je me sens près de l'animisme. C'était après tout le culte de mes ancêtres autochtones.
J'envisage avec ravissement l'hypothèse que toute chose, roche ou créature, est dotée d'une âme qui lui est propre. Toute chose est en vie et mérite d'être traitée comme une part du grand tout. Le Grand Esprit, alias Kitché Manitou, est aussi cet être imaginaire qui nous permet de discuter auprès du feu en tentant de percer la signification de nos rêves. Cet «être imaginaire» n'interdit pas la présence d'autres dieux et d'autres explications. C'est d'ailleurs ce qui fâchait les Autochtones lors de leurs premiers contacts avec les missionnaires catholiques.
-Robe noire! Je t'écoute parler de ton dieu depuis des heures, sans t'interrompre, avec respect... Et toi, dès que je te parle du mien, tu me dis que ce ne sont que des sottises et de la superstition... Ce n'est pas très, très gentil... Hugh!
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Je ne suis donc pas athée. Ou si peu.
Tout cela est sans importance.
Je me sens en paix avec tous les êtres humains, quelle que soit leur religion, leur appartenance politique, leur fonction sociale.
Face à mon semblable, quel qu'il soit, je me comporterai toujours aussi honorablement que je dois nécessairement le faire.
Nous faisons tous partie de la même aventure. Nous ne devons pas nous exploiter les uns les autres, mais collaborer ensemble dans un esprit de partage et de solidarité. C'est ce qui fait la beauté d'un voisinage, d'un quartier, d'une ville et, plus encore, d'un pays, voire du monde entier.
Ce Nous qui se fait si vieux doit faire place à un Nous qui n'exclue personne, même les vieux qui voudraient encore danser le charleston. À chacun sa danse. À chacun sa folie.