La culture, c'est ce qui m'a permis de vivre l'infini dans un espace restreint. C'est une trappe au plafond pour s'évader au ciel. C'est un art de magnifier la vie et de lui donner encore plus de résonance.
Le nationalisme, bien que lyrique, n'est pas de la culture.
C'est de la politique.
Le peuple n'appartient à personne.
Ni à vous, ni à moi.
La nation, les sacrifices pour la patrie, la patrie menacée et quoi encore me semblent des incantations pour abjurer le bonheur des hommes.
Je ne suis pas nationaliste. Je ne le serai jamais.
Ma patrie, c'est le cosmos.
Mon monde, c'est Ti-Ben, Rita, Bob, Caillou, Rachid, Ruth, etc.
Mon drapeau, c'est pas de drapeau du tout.
Je suis un passager de l'USS Enterprise.
Vers l'infini et plus loin encore avec le docteur Spock et les autres.
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À chaque fois qu'un militant indépendantiste critique le multiculturalisme, je me sens plus cosmopolite et moins Québécois.
Je ne sais pas quelle est la stratégie des enragés identitaires mais elle fonctionne mieux que celle de tous les fédéralistes pour faire dévier des souverainistes de l'ultranationalisme qui a gagné du galon depuis les attentats du 11 septembre.
Certains contempteurs du multiculturalisme avancent que c'est un plan du gouvernement fédéral pour assimiler les Québécois... Les banquiers sont derrière ça voyez-vous. Il ne faudrait pas être naïf. Ne pas être raciste et constater que l'élite utilise l'antiracisme pour mener à bien ses projets d'instaurer un Nouvel Ordre Mondial...
Bref, si Justin Trudeau n'est pas raciste il est patriotique de l'être un petit peu, pas trop, juste assez pour ne pas froisser ces valeureux combattants du Ku-Klux-Klan local qui hurlent au loup en revendiquant leur «liberté d'oppression». On aura besoin de leur vote aux élections. Et bien qu'ils n'aiment pas les bronzés et les nez fourchus il serait maladroit de les dénoncer.
C'est à vous dégoûter à jamais de l'indépendance du Québec...
C'est pourtant une option portée par bon nombre de Québécois qui n'embarquent pas dans ces controverses identitaires, qui transcendent ce nationalisme puant, qui souhaitent un pays inclusif où tout un chacun trouvera sa place et mènera sa barque comme il l'entend.
Autrement, ça ne vaut pas la peine de la faire, l'indépendance. Restez seuls avec votre esprit de clocher paroissial. Moi je décroche. Je ne veux plus aller à la messe. Je n'appartiens à rien ni personne. Et vous ne pourrez pas parler en mon nom.
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Je me souviens d'un type. C'était un bizarre. Il devait avoir autour de vingt ans. Il était grand, sec et dévoré par la timidité. On ne lui connaissait pas d'amis. Il semblait seul au monde sur le campus du cégep qu'il fréquentait. Un jour, il adhéra à un groupe nationaliste quelconque. Il en fut transformé. Il distribuait des tracts nationalistes sur le campus. Ce qui n'a rien de particulier. Sinon qu'il portait toujours le drapeau fleurdelisé accroché à son cou comme s'il s'agissait d'une cape.
Les jours passèrent. Puis les semaines. Le pauvre gars allait encore au cégep avec sa cape fleurdelisée. C'est là que la travailleuse sociale du cégep intervint. Elle l'invita dans son bureau pour lui expliquer calmement qu'il lui fallait peut-être songer à enlever sa cape. Avant que de devenir fou.
-J'peux pas! qu'il disait.
-Pourquoi?
-J'ai juré que j'la porterais jusqu'à c'que l'Québec soit indépendant!
Que vouliez-vous qu'elle fasse? Rien, évidemment.
On a fini par perdre de vue ce Capitaine Québec.
Peut-être est-il guéri.
J'imagine qu'on en trouve aussi qui se drapent avec l'unifolié canadien ou bien avec celui de leur village.
Après tout, nous sommes tous pareils.
Nous avons tous à gérer nos exaltés.
Nous devons tous ne pas trop les prendre au sérieux.
Et les guérir de leur timidité peut-être.
Et leur offrir une vie sociale digne de ce nom pour ne pas laisser aux fanatiques le pouvoir de s'intéresser aux pauvres diables pour ensuite se servir d'eux.
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Je vous étonnerai peut-être. Je suis indépendantiste.
Je n'en ferai pas tout un plat. C'est une question administrative qui mérite une discussion un tant soit peu sérieuse que je n'ai pas l'envie de mener en ce moment.
Je suis disponible pour d'autres scénarios parce que je ne me sens lié à aucun, en âme et en conscience. Je ne suis pas abonné à vie à cette idée. Il se peut que mon idée change. Comme la vôtre pourrait changer.
Je suis d'abord et avant tout un humain.
Je suis ensuite un humain.
Et, au bout du compte, je suis encore humain.
Rien qu'humain.
Et pleinement humain.
Oui à l'indépendance.
Non au nationalisme.