Il disait ça tous les jours, tout le temps, inlassablement.
Et ça finissait par devenir vrai.
Tout était difficile pour lui.
Même se laver.
Ou récurer son bol de toilettes aux six mois.
***
Il passait de longues journées à bayer aux corneilles tout en s'étirant les bras.
Plus il renâclait un peu et se rendormait aussitôt.
Il dormait au moins vingt-deux heures par jour.
Le reste du temps, soit il mangeait, soit il évacuait.
C'est rare qu'il faisait quoi que ce soit.
Respirer lui demandait un effort surhumain.
Travailler c'était trop dur.
***
«J'étranglerais quiconque voudrait me faire travailler!» avait-il coutume de philosopher.
«J'ai travaillé dans une shop de sacs à surveiller une machine qui découpait pis collait des sacs. Pis j'ai fait une dépression. Après ma dépression, je me suis promis de ne plus jamais travailler. Pis vous savez quoi? J'ai bien fait parce que je suis encore en dépression.»
La dépression résumait assez bien son caractère.
Ça expliquait la saleté autour de lui.
Et le fait qu'il sentait le petit pied.
***
Un jour, il est mort.
Personne ne s'en est rendu compte.
Sauf son propriétaire.
Il était en beau fusil.
Le logement du dépressif avait l'air d'un dépotoir à ciel ouvert. Ça lui coûterait encore des centaines de dollars pour tout rénover et tout peinturer. Tout ça pour loger ces pauvres qui le faisaient vivre, lui le proprio.
Et au milieu de tout ce désordre, on le voyait, le dépressif, le pas vaillant, étendu à demi-nu sur un divan recouvert de bouteilles de plastique, de mégots de cigarette et de détritus. Un couteau gisait à ses pieds et baignait dans son sang coagulé.
Non, ça n'avait jamais été facile pour lui.
Et peut-être qu'il avait raison de son point de vue...
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