Le cosplay est un loisir qui consiste à jouer le rôle d'un personnage en adoptant son costume, sa coupe de cheveux et ses manières.
Je suis à des années-lumière de ce loisir, peut-être parce que je suis trop vieux. Mais il m'arrive de marcher au centre-ville de Trois-Rivières le samedi soir. Et samedi soir, au parc portuaire, il était impossible de les manquer.
Il y avait un stormtrooper de Star Wars, Deadpool, Spider-Man , Batman, Wonder Woman, Edward aux mains d'argent, Luigi, Ace Ventura et j'en passe compte tenu de ma relative ignorance des personnages dépassée cette limite.
Les curieux prenaient évidemment des selfies avec l'homme araignée, la femme chat ou Mickey la souris.
Parfois je me demandais si telle personne était déguisée ou bien si c'était son air naturel...
***
Tout à coup mon regard se porta sur Lucien.
Appelons-le ainsi puisque son prénom m'est encore inconnu.
Il portait un accoutrement qui semblait sorti de Mad Max. Il avait enfilé deux pantalons, l'un par-dessus l'autre. Ce qui frappait l'oeil c'était surtout le pantalon élimé de surface. Élimé est un bien grand mot. À la limite d'être éliminé qu'il était, ce pantalon. Une vraie loque déchirée de partout qui ne tenait que par la ceinture.
Lucien, évidemment, n'est pas un personnage tout en étant un à temps plein, et pas seulement lors d'un party de cosplay au centre-ville de Trois-Rivières.
Lucien parcourt les rues et les parcs avec ses sacs de vidanges verts remplis de canettes vides.
Samedi soir, Lucien se faufilait parmi les Spider-Man, les Cat-Woman et les curieux pour ramasser des canettes consignées.
J'ai eu comme le flash de prendre un selfie avec lui. Comme si Lucien était mon super-héros. Mais il aurait pu mal l'interpréter.
Alors je n'ai rien fait.
Je me suis contenté de le regarder se promener d'une poubelle à l'autre, comme une guêpe.
Les policiers sur les lieux avaient l'air plus heureux que d'habitude.
Batman, c'est quelque chose.
Même qu'ils prenaient des selfies avec lui.
Vous auriez dû tous les voir.
De vrais enfants.
***
Le soleil se couchait sur la rue des Forges. Et pas n'importe quel soleil. On avait l'impression que tout était en feu. Toutes les têtes brillaient. Tous les immeubles. Tous les humains.
Un enterrement de vie de garçon fonça sur nous à la croisée de la rue Badeaux. Le futur marié était attaché et déguisé en prisonnier. De joyeux lurons déjà saouls le faisaient marcher parmi les badauds de la rue des Forges devenue piétonnière à cette heure-là.
On croisa aussi un enterrement de vie de fille dans le secteur de la cathédrale. Une future mariée entourée de coquines copines s'en allaient sur la rue avec un énorme pénis gonflé. Quelque chose de la taille d'une bûche qu'elles brandissaient au-dessus de leurs têtes en jetant des cris d'extase. C'était un signe des temps qui se produisait à moins de trois mètres de notre auguste cathédrale.
Oui, c'était un samedi soir païen au centre-ville de Trois-Rivières.
***
J'oubliais de dire que j'ai croisé un type gelé raide avant d'aller me promener au centre-ville. Il courait sur la rue Royale en remontant vers la rue Laviolette. Il lui a pris l'idée de grimper sur une voiture et de percuter son crâne dans le pare-brise d'une voiture garée là. Difficile d'identifier le type. Il continua sa course en zigzagant, percutant la Place Royale, le Couche-Tard ou le Manège militaire. Si ça se trouve il court encore ce matin. Quand il s'arrêtera les citoyens auront dû débourser plus de 50 000$ pour tout ce qu'il aura détruit sur son passage.
Je ne crois pas qu'il jouait un rôle, lui.
Je ne sais pas qui c'est.
Et je ne sais pas ce qu'il a pris. Ni ce qui lui prend.
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