lundi 27 février 2017

Propos décousus sur l'art

L'atelier imaginaire de Régent Ladouceur (détail)
G.Bouchard
Tout le monde ou presque a dû voir L'homme qui plantait des arbres.

Ce court-métrage de Frédéric Back, tirée d'une nouvelle de Jean Giono, s'est mérité avec raison l'Oscar du meilleur film d'animation en 1987. Il a été produit par l'Office National du Film qui devrait aussi faire notre fierté.

Elzéar Bouvier vit seul avec son chien et ses moutons. Il plante des graines jour après jour pour faire pousser des arbres là où il n'y avait rien. Les années passent. Les intempéries et la guerre tuent une partie de ses arbres. Bouvier ne se décourage pas pour autant et continue d'en planter. Puis, au bout de plusieurs années, Bouvier a fait naître une forêt habitée par des oiseaux et de petits animaux. La vie a triomphé de la mort.

Je ne plante pas des arbres. Je devrais peut-être le faire. J'ai néanmoins la sensation de planter ma graine jour après jour. N'y voyez pas une allusion salace. Je sème à tous les jours par le biais de l'écriture, du dessin, de la peinture, de la musique et j'en passe. 

Je ne prétends pas avoir accouché d'une forêt.

Mais il reste tout de même quelque chose au bout du compte.

J'ai produit des oeuvres. Tellement que j'hésite à les compter. Je croule sous les toiles, les textes, les chansons et autres trucs que j'ai produits au fil des ans. 

Je n'ai plus à ressentir le malaise du débutant qui se prétend poète parce qu'il n'a écrit qu'un seul sonnet, artiste-peintre parce qu'il n'a peint que deux toiles, musicien parce qu'il n'a appris qu'à jouer Hotel California...

Je respecte le débutant, qu'on ne s'y trompe pas, mais l'art me semble exigeant et nécessite peut-être plus de travail que de talent.

Je commence à peine à récolter les fruits de mon travail acharné.

Jour après jour, beau temps mauvais temps, en faisant abstraction des bonnes comme des mauvaises critiques, j'ai continué à planter mes graines.

***

Je connais un tant soit peu un guitariste célèbre de Trois-Rivières. Il s'appelle Steve Hill. Je l'ai connu au début de sa carrière. Nous fréquentions les mêmes personnes. Je me souviens d'une conversation que j'avais eue avec lui un jour que le hasard nous amenait à prendre tous deux l'autobus en direction de Montréal. Il me racontait qu'il couchait pratiquement avec sa guitare. Il jouait le matin, l'après-midi, le soir et même la nuit. Pendant des jours. Puis pendant des années.

On entend aujourd'hui un virtuose du blues. On oublie trop facilement le travail qu'il y a derrière ce talent. Tandis que d'autres se curaient le nez en jalousant sa carrière, Steve passait le plus clair de son temps à maîtriser son art afin d'avoir un peu plus d'une chansonnette dans son portfolio.

Je l'entendais récemment sur les ondes de Radio-Canada interpréter Tough Luck. J'en suis tombé en bas de ma chaise.

Steve Hill va encore plus loin que le talent que je lui connaissais déjà. Il a gagné en sensibilité, en finesse d'interprétation et probablement en vécu. Il n'aurait pu être qu'un virtuose de la guitare électrique. Il ne s'est pourtant pas assis sur ses lauriers. Il joue de l'harmonica avec une émotion authentique. Ses chansons viennent me toucher au fond de l'âme. N'est-ce pas ça, un grand artiste?


***

On me demande parfois si je vis de mon art.

Je réponds invariablement que je ne saurais vivre sans l'art. Que le fric soit au rendez-vous ou n'y soit pas importe moins que de produire de l'art, encore et encore, pour transfigurer ma propre existence.

Ma plus belle récompense, en tant qu'artiste, je l'ai trouvée chez ces gens que j'ai émus avec mon art au cours de ma vie.

J'en ai vu rire et même pleurer. Je me suis parfois senti mal à l'aise et même un peu coupable de déranger la vie des gens avec mes visions.

Je me rappelle entre autres d'un jeune garçon au visage crotté qui s'était émerveillé de mes peintures lors de mon vernissage intitulé Simplement dans ma cour qui s'est tenu les 15 et 16 mai 2010.

-Wow monsieur! C'est beau!!! J'aimerais ça faire ça quand j's'rai vieux!!!

Il doit être un jeune homme aujourd'hui. Peut-être qu'il peint ou dessine. Je n'en sais trop rien. Mais il me plaît à croire que j'aurai eu une petite influence dans sa vie. 

-J'ai connu un gros monsieur qui peignait des petits bonshommes... C'était beau... Il habitait sur la rue Saint-Olivier à Trois-Rivières...

Peut-être qu'il se dit ça en ce moment.

Ou peut-être pas.

Je n'en sais trop rien.




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