Et c'était vrai. Personne n'aimait Vaillancourt. On apprenait tous à le détester assez vite. Et si on le supportait, c'est seulement parce qu'il faisait partie du staff de la coop, comme nous tous. Nous étions inclusifs même avec les épais.
Vaillancourt ne faisait rien de particulier pour se faire aimer. Il était du genre à traiter ses blondes de chiennes ou de salopes au bout d'une semaine de fréquentations. Certaines étaient demeurées avec lui pendant un mois complet pour une raison qui échappait à tout le monde. Peut-être qu'elles aimaient les causes perdues...
Les femmes en général le trouvaient beau avant qu'il ne se mette à parler. Il n'avait pas l'air particulièrement viril mais son visage d'enfant malfaisant avait sans doute son charme. Malheureusement, le charme s'évaporait dès qu'il ouvrait la bouche. Il ne sortait qu'un flot d'âneries de cette bouche d'égout.
-Les femmes aiment ça roffe, qu'il disait en se prenant pour l'athlète sexuel qu'il n'était pas. Elles vont toutes s'agenouiller devant moi et me demander s'il-vous-plaît que j'les ramone! Ha! Ha! Ha! Toutes des chiennes!
Nous connaissions les femmes qui avaient eu la malchance de le fréquenter et ce gars-là n'avait à l'évidence rien pour lui.
D'abord, Vaillancourt avait une barre de chocolat Oh Henry en guise de queue. Il avait une maladie vénérienne ou bien en avait eu une. Ce n'était pas très clair. Quoi qu'il en soit toutes ses lamentables conquêtes nous rapportaient qu'il avait la queue parsemée de pustules et qu'elle n'avait jamais baisé avec lui, seulement frenché et encore...
Vaillancourt parlait toujours de trip à trois avec ses blondes. Le troisième partenaire devait être un homme bien entendu. Il proposait souvent à ses amis masculins de participer à ses ébats. Ses blondes, qui n'en savaient rien, s'en offusquaient aussitôt et le quittaient à jamais dès qu'elles étaient mises au parfum, si l'on peut s'exprimer ainsi.
Vaillancourt aimait par-dessus tout regarder des films pornos entre gars, commentant les passages les plus scabreux en se prenant pour je ne sais qui.
-Elle j'y crisserais ça dans l'cul! Han! Han! Tiens ma salope! Tu vas couiner! Oïnk!
Évidemment, bien des gars ressentaient un malaise d'assister à de telles séances de cinéma porno en groupe. Surtout entre gars.
Le gros Flamand en était ressorti tout en colère.
-C'est quoi el' trip de r'garder des films de cul entre gars? Hostie! J'étais chez Vaillancourt hier pis le v'là qui sort un vidéo de filles qui s'font prendre par en arrière par des gars déguisés en gorilles... J'étais en tabarnak! Pourquoi tu nous montres ça ciboire? Penses-tu que j'va's m'crosser avec toé christ de twit? J'su's sorti assez fast... C't'un hostie d'fucké Vaillancourt... C't'un gay qui s'assume pas...
Le gros Flamand avait d'autant mis le doigt sur la vraie personnalité de Vaillancourt qu'on ne supportait plus d'entendre ses propos homophobes et misogynes.
-T'es rien qu'une larve Vaillancourt... lui avait dit Mireille après qu'il eut rapporté qu'elle s'était faite sodomiser par Luigi, le gars d'entrepôt qui s'en était vanté à tout le monde. Si t'as pas trouvé quelqu'un d'assez homme pour t'défoncer la cenne c'est moé qui va l'faire jusqu'à c'que tu vomisses d'la marde hostie d'trou d'cul!
Vaillancourt en était demeuré bouche bée. Le lendemain, il tombait mystérieusement en amour avec Mireille et nous racontait qu'il ferait tout pour qu'elle tombe amoureuse de lui...
Nous n'étions plus capables de supporter Vaillancourt, évidemment.
Tout en lui nous dégoûtait.
Nous avions organisé une petite fête par un samedi soir de février et Vaillancourt n'avait pas été invité. On ne voulait pas gâcher cette soirée. On s'était donc tous donné le mot de ne pas lui en parler.
Mais voilà que ce satané Vaillancourt se pointe au party avec sa gueule de con!
Il pleure, déprime, raconte que personne ne l'aime. Puis il prend son petit bottin téléphonique et appelle toutes ses ex devant nous pour leur débiter son baratin de connard.
-On était bien ensemble... Si tu savais comme j'pense à toé... Viens me r'joindre au party... C'est chez l'gros Flamand...
Quand son interlocutrice mettait fin à la conversation téléphonique, parce qu'elle en avait marre de lui, il raccrochait en la traitant de salope. Puis il en rappelait une autre pour répéter son laïus devant nous qui étions tous au désespoir.
-Je t'ai tant aimée... Je t'aime encore... On était bien ensemble...
-C'est qui qui a invité c't'hostie d'trou d'cul?
-Personne... On n'sait pas comment il l'a su...
Le gros Flamand, qui était rouge de rage, roula des joints qu'il fit circuler parmi les convives dans l'espoir de détendre l'atmosphère.
Mais oh malheur! Vaillancourt était encore pire lorsqu'il était frosté.
Vaillancourt se mit à rire comme une hyène, à tenir des propos homophobes et misogynes à profusion, puis à taper sur un tambour qui traînait par là sans aucun sens du rythme.
Le gros Flamand lui ôta le tambour d'entre les mains et lui pria de fermer sa gueule.
-Personne m'aime! se mit à pleurer Vaillancourt. PERSONNE M'AIME! Bouhouhouha!!!
Et c'était vrai. Personne n'aimait Vaillancourt. On avait tous appris à le détester. Et si on le supportait, c'est seulement parce qu'il faisait partie du staff de la coop, comme nous tous. Et nous nous en voulions d'être inclusifs même avec les épais.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire