Le vieil Aristote disait que l'homme est un animal politique. Platon prétendait que l'homme est un animal à deux pattes sans plumes.
Dans un cas comme dans l'autre, je me suis toujours senti plus près de Diogène, le philosophe qui vivait presque tout nu dans la rue et qui dormait dans une amphore.
Diogène les passait tous au cash, philosophes comme riches à craquer. Il les confrontait tous à leurs pieux mensonges en leur balançant des vérités toutes crues à la face, si crues que personne n'osait y croire, comme si la fable l'emportait toujours pour calmer l'anxiété de l'animal politique...
Quand Diogène avait entendu dire de Platon que l'homme était un animal bipède sans plumes, il était allé voir Platon à sa célèbre Académie pour lui balancer à la figure un poulet déplumé.
-J'ai trouvé l'homme de Platon: un poulet sans plumes! qu'il gueula à la face de tous les académiciens pour mieux se faire haïr de tous ces menteurs.
Je ne sais pas si Diogène a dit quelque chose à propos de l'homme politique d'Aristote. Les archives grecques et latines ne nous renseignent guère à ce sujet à ma connaissance. Cependant je sais que Diogène a ridiculisé l'étudiant d'Aristote, Alexandre le Grand lui-même. Le Macédonien était venu le voir à Athènes ayant entendu dire qu'il était un grand philosophe, quoique crotté et mal embouché.
-Que puis-je faire pour toi? qu'il lui demande, après avoir massacré tout être humain qui était devant son chemin pour faire un peu de politique d'Aristote...
-Ôte-toi de mon soleil, tu me fais de l'ombre! lui répond Diogène, du tac au tac.
Alexandre a poursuivi son chemin. Peut-être qu'il lui a refilé la bastonnade. L'histoire ne dit rien à ce sujet. On a retenu que la réponse de Diogène, une manière sublime qu'a l'humanité de mettre un point final aux assassins politiques.
Diogène était un homme de la rue. Il vivait dans la rue. Et il pensait dans la rue.
Il aurait écrit des tas de livres. Il n'en reste plus rien. Peut-être que les derniers exemplaires ont brûlé dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, une bibliothèque fondée par ... Alexandre le Grand.
Je conserve pour mes vieux jours cette possibilité d'écrire les traités imaginaires de Diogène de Sinope, dit le Chien. Ce qui n'a rien à voir avec le sujet que nous traitons ici.
L'homme n'est pas un animal politique.
Pas plus qu'il n'est un bipède sans plumes.
Diogène était bien sûr un hostie de fou.
L'on raconte qu'il se promenait dans les rues d'Athènes, lanterne en main, en criant «Je cherche un homme!»
Et si quelqu'un lui répondait «Je suis un homme!», eh bien Diogène ne manquait pas de répartie.
-J'ai dit un homme! Pas une mauviette!
Et il continuait son chemin en faisant chier tout le monde avec ses provocations stupides.
Pourtant, ce sacrament-là n'avait pas tout à fait tort.
Sa philosophie reposait essentiellement sur la simplicité et la résistance physique.
S'il avait vécu parmi mes ancêtres aborigènes, je suppose qu'il n'aurait pas eu besoin de gueuler tous les jours.
-Je cherche un homme!
-Calme-toé... calme-toé bonhomme... lui aurait répondu Makwa ou bien Wabasso.
-On ne devrait pas boire dans des tasses de céramique!
-On ne sait même pas de quoi tu parles... On boit l'eau dans nos mains...
-Heu... Bon... Diogène aurait fermé sa gueule et contemplé les étoiles, comme tout le monde.
Diogène, c'est le drame d'un sauvage perdu dans la civilisation. L'Île de la Tortue n'aurait pas pu produire un Diogène, parce que ce drame était impossible selon la conception aborigène de la vie, fondée sur la simplicité, l'authenticité et la résistance physique...
L'homme n'est pas un animal politique sans plumes.
Ça fait longtemps que l'homme rouge sait que l'homme a des ailes.
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