samedi 29 mai 2021

Je ne suis pas impartial


J'emprunte souvent la rue Hart pour rejoindre la piste cyclable près de la rivière Tapiskwansipi, appelée Saint-Maurice sous l'ancien régime colonial. Cette rue a été nommée en l'honneur du premier député juif d'Amérique du Nord... Ezéchiel Hart n'a jamais pu siéger au parlement sous la pression des Patriotes. Trois-Rivières est une ville inclusive dans un monde qui, manifestement, ne l'est pas tant que ça.

Le Palais de Justice de Trois-Rivières se trouve au carrefour des rues Hart et Laviolette. Laviolette c'est le soi-disant fondateur de Trois-Rivières. D'autres prétendent que c'est Théodore Bochart. Il y a plus de 8000 ans de présence autochtone sur le site dit des Trois-Rivières, autrefois appelé Métabéroutin, c'est-à-dire «lieu où se déchargent tous les vents». 

Il vente toujours fort à attacher sa tuque avec de la broche dans le delta de la rivière. Mais l'Histoire ne pouvait commencer qu'avec Bochart, Tif ou Tondu... Pas avec ceux qui s'appellent tout simplement les «humains», entre eux, dans leur langue: les Atikamekws. Ni avec les Anichinabés. Ni avec les Innus. Ni avec les Haudenosaunees ou les Wendates. Parce que ces derniers ne polluaient pas les paysages avec le culte de la personnalité. Ils ne nommaient jamais un lieu en l'honneur d'un être humain. Ça manquait d'humilité et c'était interprété comme un mauvais comportement social. Ça laissa aux Européens le soin de tout nommer en leur nom, dont le continent lui-même, donné tout entier à Amerigo Vespucci. Exit l'Île de la Tortue et ses légendes. Nous sommes tous nés de la cuisse de Jupiter dorénavant. Notre histoire débute à Rome ou Saint-Malo. Jamais du temps où ce territoire venait à peine de se libérer de ses glaciers. Du temps où les premiers humains, nos frères et nos soeurs, foulèrent le sol vierge de la vallée du fleuve Magtogoek.

En passant à vélo par la rue Hart, puis par le Palais de Justice, je suis tombé un matin sur quelques Atikamekws qui attendaient à l'extérieur. J'ai pensé immédiatement à Madame Joyce Echaquan, une mère Atikamekw décédée dans des circonstances de portée criminelle. 

La malheureuse aura tout filmé avant de décéder. On a pu entendre des infirmières qui font honte à leur profession tenir des propos racistes et violents envers la patiente. 

Elles ne lui ont pas donné les soins nécessaires et l'ont carrément tuée. 

La coroner, Me Géhane Kamel, se fait critiquer pour son manque d'impartialité dans son traitement des témoins qui, manifestement, se conforment à la loi du silence de ce milieu toxique qu'est la santé publique au Québec. C'est vrai qu'elle ne s'appelle pas Bouchard ou Tremblay. Kamel, ça sonne moins impartial. Ça sonne trop sensible à l'apartheid occulté. Ça sonne comme si l'on reconnaissait l'existence du «racisme systémique», ce dont notre belle Laurentie ne veut pas. 

On se croirait à une commission d'enquête sur l'accident nucléaire de Tchernobyl. À entendre tous les larbins et les larbines du régime, conditionnés à penser dans un petit carré fleurdelisé, Mme Echaquan n'est pas morte. Ils ne savent pas qui c'est... Du racisme à l'hôpital? Jamais. Les infirmières auraient traité aussi salement une personne assistée sociale. Au fond, on en voulait seulement à sa condition de pauvre qui fait trop d'enfants... Tout le monde déteste les pauvres, non? 

Tout le monde déteste les enfants? Un petit peu s'ils ne sont pas du bon teint. 

Je reviens de ma randonnée à vélo, le coeur déjà secoué, et j'apprends que les restes de 215 enfants ont été retrouvés sur le site d'un ancien pensionnat autochtone à Kamloops, en Colombie-Britannique... 

Je suis démoli. Démoli par ce génocide qui eut lieu et qui se poursuit insidieusement, dans le déni, avec l'approbation du nationalisme le plus crasse qui soit, tissé de mensonges historiques, de raccourcis intellectuels pour pharaons modernes, de lieux communs dénués d'assises humanistes.

Vous voulez vraiment que je vous parle de réconciliation avec les Autochtones?

Je ne sais pas par où commencer moi-même.

Sinon par le commencement: rétablir l'humanité tant dans notre justice que dans nos rapports sociaux.

Il faut rabaisser le caquet des caquistes et autres néo-duplessistes qui entretiennent le déni du racisme et la toxicité de nos rapports sociaux. 

On avance jamais avec ceux qui reculent.

Je ne suis pas coroner. Je ne suis pas impartial. Je suis partie prenante pour le respect des droits civiques de tout un chacun, sans aucune exception.

Les Autochtones comme toutes les autres personnes marginalisées, en ont soupé de ce cirque conformiste et dégradant pour petits fascistes en format poche. Tout le monde fait partie de la fête ou bien nous allons casser votre party en tabarnak.

Il est plus que temps de cesser le niaisage.

Idle no more!


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