mercredi 26 mai 2021

L'histoire d'un ex-prof d'histoire du Québec


Victor Grenier-Plamondon était professeur d'histoire jadis. Il enseignait surtout l'histoire du Québec puisqu'il était unilingue francophone et, surtout, nationaliste à l'os.

-Chu nationalisse à l'os, qu'il disait. Le pays est tatoué sur mon bras!

Il ne portait bien sûr aucun tatouage. Il était bien trop douillet pour ça. Se faire piquer des milliers de fois par la même aiguille, vous n'y pensez pas?

Quoi qu'il en soit, il était nationaliste à l'os et enseignait avec zèle toutes les demi-vérités qu'il avait apprises par coeur. Bref, il voulait revoir sa Normandie et ravoir sa Laurentie. Ou quelque chose comme ça. (Lorsqu'on ne joue pas à ce jeu-là, il est difficile d'en démêler toutes les subtilités mentales...)

Victor y avait mis tant d'efforts que seul un salaud aurait pu venir lui dire qu'il avait tout fait ça pour rien. Il s'accrochait à son histoire comme s'il s'accrochait à son portefeuille. Il en vint à confondre avec le temps sa survie avec celle de la nation. Plus il vivait bien, plus la nation était sur le bon chemin. C'était l'évidence même, malgré quelques irritants, dont des gens qui n'avaient rien et lui reprochaient un peu tout.

-Jamais je n'abandonnerai mon Québec, mon pays, ma nation... S'attaquer à moi c'est s'attaquer à l'âme du Québec!!! Ne voyez-vous donc pas clair dans le jeu des quénédiennes et des hyènequizes?

Grenier-Plamondon se foutait évidemment des gens. C'était un radin doublé d'un rat. On lui connaissait peu d'amis, sinon des gens comme lui, opportunistes et ridicules, pas vraiment formés intellectuellement parlant, bouffis de lectures obligatoires, mais très fiers de montrer leurs médailles et leurs distinctions dérisoires.

-J'ai obtenu le premier prix de la Société indépendantiste d'histoire du Québec... La revue Action Patriotique a publié mon texte portant sur Bourassa le tricheur et Chrétien le menteur... J'ai été historien en résidence à Saint-Malo... L'Islam menace le Québec et la civilisation occidentale... Je suis ami Facebook avec MBC. Les gauchistes exagèrent et on devrait les faire taire quand je parle. Mon long poème patriotique «Ô toi mon Québec!» a été publié aux Éditions 1837...

Tout ce qu'il disait dégoulinait d'un je ne sais quoi d'hypocrisie et de collaboration avec les farces de l'ordre. On ne l'écoutait pas vraiment. On savait à l'avance ce qu'il allait dire. Tout un chacun connaissait les questions et réponses de son sacrement de bréviaire de larbin de la nation.

Victor était non seulement ennuyant comme dix, mais menteur comme vingt.

Et raciste par-dessus le marché. Sinon sexiste.

Victor aimait se pogner le paquet devant ses étudiants et ses étudiantes, en classe, pour se donner de la virilité facile, lui qui n'en avait pas tant que ça tout compte fait. Il faisait semblant qu'il avait un charme irrésistible avec son poste et son chèque de paie. Pourtant, chaque fois qu'il revenait de pisser on voyait un énorme rond de pisse bleu marine sur son éternel pantalon d'acrylique bleu pâle, du même bleu que son veston et sa cravate. Et puis, sans s'en rendre compte, il se décrottait le nez devant son auditoire et lançait ses découvertes sur les étudiants assis dans la première rangée.

On lui aurait sans doute pardonné d'être un gros dégueulasse. On ne lui pardonna pas d'être une vieille cochonnerie qui s'accroche à une idéologie surannée.

Victor étirait longuement ses phrases et multipliait ses remarques assassines sur l'immigration qui menace le Québec, sur les personnes transsexuelles, sur les lesbiennes radicales, sur les ceci ou les cela.

Tant et si bien qu'on a fini par voir sa tronche un peu hébétée sur les médias sociaux -et pas pour les bonnes raisons...

Ses étudiants en avaient plein le cul de ses remarques de connard, de son histoire de deux de pique. 

Aussi se chargèrent-ils de le filmer à son insu tandis qu'il tenait des propos racistes, sexistes et carrément fascistes.

-Les juifs avaient trop de pouvoir en Allemagne... Que pouvaient faire les Allemands, hein? Et puis on a beaucoup exagéré la Shoah... C'est comme pour les Autochtones. Ils ont toujours été bien traités sous le régime français... Il faut se méfier des gens qui veulent «canceller» l'histoire, annuler la culture, bon sang de bonsoir! On n'a pas à avoir honte de vouloir un pays pour les nôtres avant les autres!!!

La direction de l'école se sentit tenue de le sacrifier. Le syndicat aussi, malgré quelques molles protestations du péquiste qui avait été nommé président.

Grenier-Plamondon se retrouva le cul à l'eau, sans travail et sans trop de possibilités de réembauche compte tenu qu'il était maintenant une authentique célébrité dans le domaine du trou-du-cul-tisme.

Victor pesta encore plus contre les communistes, les fédéralistes et l'immigration.

Mais il n'avait plus les rênes du pouvoir.

Un de moins pour faire chier le Québec et ridiculiser les Québécois.

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