mardi 1 juin 2021

Le Grand Cercle de la Vie plutôt que le grand trou de la mort

Image tirée du film Black Robe


J'ai visionné hier le film Robe Noire. C'est un film australo-canadien réalisé en 1991 par Bruce Beresford et entièrement tourné au Québec. Il met en scène Lothaire Bluteau dans le rôle principal d'un jésuite qui doit rejoindre une mission catholique établie chez des Wendates. Le jésuite passe un mauvais quart d'heure, tourmenté tant par ses idées que par les hommes autour de lui. C'est une sale époque. Il faut voler un continent. Il croit sauver des âmes. On lui reproche plutôt d'être un démon embarrassant qu'il faut promener ça et là pour satisfaire l'alliance avec le gouverneur de la colonie, Samuel de Champlain.

Évidemment, tout au long du film le bon jésuite ne trouve que des défauts aux Wendates. Contrairement au jeune Français qui l'accompagne. Ce dernier préfèrerait vivre comme eux somme toute.

-Ils ne pensent qu'à chasser et manger! Ils ne planifient rien! se révolte le jésuite pour faire comprendre au jeune Français de ne pas s'acoquiner avec les Autochtones, non baptisés, et susceptibles d'être inspirés par le démon...

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Les Français planifiaient. Les Britanniques et les Allemands aussi. Mais pas les Autochtones. Ils vivaient en symbiose avec les ressources mises à leur disposition par le Grand Esprit. Certains s'étonnaient que les Français prétendent que l'Europe soit pleine de richesses et de choses merveilleuses. Si c'était le cas, pourquoi traversaient-ils mers et océans pour venir remplir leurs bateaux de tout ce qu'ils trouvaient ici? 

-Ce sont les gens les plus misérables du monde, prétendaient les Autochtones les plus compatissants. Ils travaillent du matin au soir pour remplir leurs navires alors que nous n'avons qu'à chasser ou pécher un peu pour avoir toute la journée pour nous sans travailler...  Ils doivent être très pauvres là-bas, en France... Prenez soin d'eux... Ce sont de pauvres gens...

Ils l'étaient. Il fallait qu'ils le soient pour piller ainsi tous les continents.

Peut-être parce qu'ils «planifiaient»... Planifiaient quoi, hein?

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Un Autochtone qui habite sur une réserve ne peut pas hypothéquer sa maison. Sa maison n'a aucune valeur autre que celui que lui accorde le Conseil de Bande. Il ne pourra donc jamais jouer au Monopoly comme les autres capitalistes qui se sont emparés de leurs territoires non-cédés.

On voudrait qu'il planifie... Planifier quoi? Avec quel argent? Avec quelles valeurs de marde?

On voudrait qu'il nous imite... Imiter quoi? Une merveille de la création sans doute? Imiter la destruction massive de la vie sur Terre? Obtenir du crédit? Acheter une piscine? Organiser une course automobile à côté d'un hôpital? Creuser un tunnel de 10 milliards de dollars sous le fleuve et donner des peanuts aux exclus de ce grand «cauchemar climatisé»?

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Le Grand Cercle de la Vie nécessite moins de planification et plus de symbiose avec la nature dans le moment présent.

Beaucoup d'observateurs européens trouvaient un air stoïque, pour ne pas dire philosophique, aux Autochtones. Lorsqu'ils comparaient leurs libertés aux leurs, ils se sentaient nettement désavantagés. Ce n'est pas pour rien que Benjamin Franklin s'est inspiré de la Confédération iroquoise pour rédiger sa constitution. Malgré tout ce qu'on leur a fait subir, on sait que la Vie est du côté autochtone. On l'a toujours su. Et toujours renié. Pour tuer le païen qui est en nous. Pour ignorer la beauté du monde. Pour vivre comme si la morue était faite pour être vidée de tous les océans.

Plus on avance dans le temps, plus il est évident que notre mode de vie est toxique, violent et susceptible de provoquer autant de catastrophes naturelles que de génocides. Ce n'est pas du rêve: c'est la réalité crue. Crue comme une peinture de l'artiste iyéyou (Cree) Kent Monkman.

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Une grande marche est organisée pour Joyce Echaquan demain à Trois-Rivières. Je ferai tout ce que je peux pour y être avec mes frères et soeurs atikamekws. 

D'autres marches suivront sans doute. La découverte de 215 restes humains d'enfants enfouis sous le terrain d'un pensionnat autochtone à Kamloops n'est pas pour arrêter la vérité et la réconciliation... 

Pour une fois, je demande aux colons de se taire. Ce qu'ils n'ont jamais été capables de faire encore à ce jour. Quand un Autochtone parle, ou bien un être humain tout court, fermez-vous la et écoutez. Nos explications, nos théories, notre monde ont échoué. Tout est un champs de ruines autour de nous. Il est peut-être temps de laisser pousser les fleurs et les arbres entre ces ruines. Il est temps de reverdir la Terre et de soigner les blessures qui ne pouvaient pas se refermer.

Changer le monde est plus que jamais à l'ordre du jour.

C'est vraiment une question de vie ou de mort.

Nous n'avons pas seulement détruit les cultures autochtones.

Nous avons aussi détruit la vie.

Et voilà que les aborigènes se soulèvent et nous rappellent à nos devoirs envers cette vie.

Envers le Grand Cercle de la Vie.

Pour que les âmes ne s'effacent plus et continuent d'habiter cette terre, cette Île de la Tortue.

Peut-on servir la vie plutôt que la mort?

Le pouvons-nous vraiment?

Je le souhaite.

Migwetch (merci en anichinabé) à tous ceux et celles qui sauront faire la différence.

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