Un manant vole une soupe dans un resto.
Le manant en question est vraiment ce qu'il y a de plus bas dans l'échelle de l'humanité aux yeux du restaurateur. En plus de sentir mauvais, de chier dans ses culottes et d'être assis à la table du restaurateur, le triste sire a tenté de s'enfuir pour ne pas payer.
Le restaurateur, Marc, un gars au tempérament sanguin, l'a tout de suite intercepté. Il l'a obligé à vider ses poches: le manant n'avait rien dans ses poches. Alors il a continué à lui serrer les bras et les ouïes tout en lui assénant de grands coups de doigts dans le front, puis ce fut un déferlement de coups de poings et de coups de pieds.
-Tu vas payer mon hestie! Par tous les moyens! Ma soupe est pas gratisse! Quin mon tabarnak!
Un policier qui passait par là eut la gentillesse d'émettre deux constats d'infraction. Un pour vol. C'était pour le manant qui chiait dans ses culottes. Et un pour agression sur le manant en question qui a d'ailleurs été reconduit à l'hôpital. C'était pour Marc. Les deux furent incarcérés ce jour-là pour ne pas faire de jaloux.
Le juge Arseneault était reconnu pour ses idées d'avant-garde en matière de justice. Il fréquentait un cercle de philosophie et cotisait régulièrement pour financer des oeuvres humanitaires, dont la protection et la défense des itinérants.
Marc tombait mal.
-Qu'aviez-vous, dit le gros Arseneault, car il était gros, l'Honorable Arseneault, qu'aviez-vous à battre ce trou du cul? Je ne vois pas d'autre solution que de condamner ce trou de cul à aller manger une soupe gratuite à votre restaurant, monsieur, pour avoir battu cet homme qui avait faim! Bien sûr qu'il vous a volé... Mais bon, une soupe? Ça mérite un voyage en ambulance à l'urgence? Voyons! Ça ne se fait pas. Je condamne donc le manant à aller manger une soupe gratuite à votre restaurant pour vous avoir volé...
Marc était en furie. Il devrait donc lui donner une soupe! C'était ajouté l'insulte à l'injure.
Le manant, croyant satisfaire aux exigences de la cour, se présenta au restaurant le soir-même pour obtenir sa soupe gratuite.
Marc et trois malabars le prirent sous les bras et l'emmenèrent dans l'arrière-cuisine, bien caché de la vue des clients. Puis ils l'obligèrent à manger une inqualifiable soupe constituée de glaire et d'excréments. Ce qui fit vomir le manant qui fut obligé à néanmoins terminer sa soupe jusqu'à la dernière cuillerée.
Parfois, il faut le dire, il n'y a pas de justice en ce monde.