Je ne sais pas comment certains peuvent faire pour carburer à la haine. Personnellement, ça me rendrait malade. Vivre avec les sourcils perpétuellement en accents circonflexes me répugnent. Respirer l'air vicié d'une doctrine haineuse, baignant dans l'auge de tous les ressentiments, ce n'est certes pas mon choix.
Mon choix, c'est le plaisir.
D'aucuns me trouveront un brin esthète, sinon tout à fait insignifiant. Je vivrai très bien avec ça.
L'esprit de sérieux gangrène nos rapports sociaux. Tout devient pesant à l'aune des idéologies. Qu'elles aillent de gauche à droite ou bien de haut en bas, elles finissent toutes par réclamer l'interprétation d'un spécialiste. Je ne serai pas celui-là. Jamais. Je ne me ferai pas l'exégète des formulaires, des sondages et autres éructations des commentateurs sportifs de la petite game politique.
Face au chaos qui menace ce monde, je me réfugie souvent dans les arts et les lettres. Je ne dédaigne pas les luttes sociales. Je participe encore à des manifs. J'envoie encore des lettres aux journaux et signe des pétitions. Cependant, je me tiens à l'écart des groupes. Je participe de mon propre chef aux actions que je juge nécessaire d'entreprendre. Je ne réunis pas de comité pour décider l'orientation que prendra ma conscience sociale. Je donne mais je reprends aussitôt ma liberté, mon droit ultime de rêver, de discuter avec les gens, de parler d'autres choses que de la maudite politique. Bref, je me sens plus près de Docteur Jivago que de Lénine face aux menées de ce monde. Plus poète que prophète. Plus aidant naturel que maltraitant habituel.
Mon choix c'est le plaisir.
Suis-je épicurien? Pourquoi tant de mots pour décrire ce qui se passe d'explications... Je prends la vie comme elle vient. Je suis le courant. J'essaie de ne pas gâcher chaque jour avec cet esprit de sérieux qui finit par rendre toxiques les rapports humains.
Ce plaisir que je choisis n'a rien de narcissique ou d'individualiste. Il n'y a pas de plaisirs qui ne soient partagés. On est jamais seul dans l'univers à moins d'être totalement siphonné par les deux bouts.
Quand j'en vois s'enthousiasmer pour un détail de l'histoire, un faits divers ou bien un discours politique, je crains souvent le pire.
Les gens nonchalants ont généralement cette bienveillance silencieuse qui met fin aux guillotines. C'est sur cette bienveillance légèrement indifférente que repose la paix et la tranquillité au sein de toute communauté humaine. Enlever cette nonchalance et nous nous retrouverons vite en présence de bêtes immondes qui s'entre-dévorent. Enlever le plaisir et il ne restera plus rien de bon en l'homme. C'est le méchant qui va sortir.
Bien sûr qu'il y a l'argent. Mais je ne rentrerai pas dans ce sujet.
Je vis comme s'il n'existait pas, l'argent.
Je sais bien qu'il est là, mais ce n'est pas un sujet de conversation digne d'un gentilhomme.
L'argent, c'est une manière d'oublier nos devoirs les uns envers les autres.
Un troc qui n'en est pas tout à fait un.
Cela ne rentre pas dans mon équation quand je parle de la vie, du plaisir.
Même si le fait de ne pas avoir d'argent puisse nuire au plaisir.
Pourtant, il suffit de tomber malade pour que notre notion du plaisir se métamorphose.
Marcher dix kilomètres après avoir boité pendant un an est une forme de plaisir.
Il prend plusieurs autres formes, le plaisir.
Il n'inclue pas le militantisme exacerbé.
L'aveuglement doctrinaire.
La haine.