samedi 20 avril 2013

Onésime Laverdure Junior.

À chaque jour suffit sa peine. Et même si la peine est abyssale, il faut sourire, par défi, comme un chat prêt à rebondir sur ses pattes à la moindre distraction.

Onésime Laverdure n'était pas vieux malgré son prénom qui semblait remonter au temps de la colonisation. Il n'avait pas vingt ans, Onésime, et il s'appelait Onésime parce qu'ils portent parfois des prénoms un peu étranges dans le Bas du Fleuve.

Onésime rebondissait sur ses pattes tous les jours, depuis sa plus tendre enfance, parce qu'il n'y est tout de même pas si courant qu'un jeune homme s'appelle ainsi, même dans le fin fond des meuh-meuhs.

On lui frappait dessus tous les jours du martyrologe et plutôt deux fois qu'une pour les années bissextiles.

-Comment c'qu'on peut s'appeler Onésime, hein Onésime, mon hostie d'cave? Tu l'sais-tu qu't'es un cave Onésime de t'appeler Onésime, hein, Onésime? Hostie qu'c'est laid: O-né-si-me! Tabarnak! Onésime!!! Tu l'sais-tu que t'es laid, Onésime?

Et Onésime, tout au long de son existence, prenait sa peine et les coups qui venaient avec sans broncher, tous les jours.

C'était un gars d'une nature si gentille qu'il n'en voulait même pas à son père, Onésime Laverdure, de l'avoir appeler Onésime, comme lui.

Onésime Junior... C'était pire qu'Onésime tout court. Mais c'était trop long à prononcer pour les baveux, ces maudits deux cellules incapables de chuinter plus que cinq syllabes.

Un jour, Onésime entra au Cégep, puis à l'université. Et on cessa de l'écoeurer. À dix-huit ans, quand on frappe quelqu'un on t'enferme dans une cage dans le zoo le plus près. Les baveux n'ont la vie facile qu'à l'adolescence. Le reste de leurs jours est condamné au mépris ou bien à la prison.

Cela dit Onésime n'est pas devenu riche pour autant.

Ses études en sociologie ne l'ont mené à rien mais il a ce qu'il faut de culture générale pour être caissier au dépanneur du coin, dans une succursale qui est sur le point de se faire syndiquer parce que Onésime fait partie de ces maudites grandes gueules qui ne font toujours que réclamer des droits et encore des droits. Comme s'il n'y avait pas aussi des obligations et surtout de l'esclavage.

Bon, c'en est assez avec l'histoire de ce tabarouette de Onésime Laverdure Junior.

À chaque jour suffit sa peine. Et maintenant, tout le monde l'appelle Ti-Zime, par respect, puisque c'est tout de même un maudit bon jack.



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