samedi 19 janvier 2013

Mes origines autochtones

Je suis un Indien au sens de la Loi sur les Indiens de par feue ma grand-mère Adrienne Létourneau. Adrienne était Anishnabée. Elle est née sur la réserve Mohawk d'Akwesasné. Mon grand-père Éloi l'a mariée après la mort de sa première femme. Un mariage probablement arrangé par l'Église. Ce pauvre veuf père de six enfants s'est vu offrir une vieille fille, ma grand-mère Adrienne en l'occurrence. Et il l'a ramenée à Sainte-Luce-sur-Mer puis Sayabec pour lui faire au moins douze autres enfant, dont mon père, Conrad, l'aîné du deuxième lit comme on dit. Cette grand-mère que je n'ai jamais connue, parce qu'elle est morte dix ans avant ma naissance, était une sainte aux yeux de mon père. Elle a en vu de toutes les couleurs.

Mon père ne m'a transmis que des bribes de leur histoire. Leur grande pauvreté ne se racontait pas. Il nous la laissait deviner.

Il ne nous a jamais dit que sa mère était Indienne. Élevé par l'Église, mon père voulait nous faire accroire dur comme fer que nous étions des Bouchard de la Normandie. C'était sans doute pour nous protéger. Sans doute pour ne pas passer pour des Sauvages... À Rome, on fait comme chez les Romains. En Allemagne, on fait comme chez les Allemands. Et mieux vaut ne pas être un Sauvage ou bien un Tzigane dans tous les cas.

On a fini par découvrir que nous étions des Indiens. Je devais avoir dix-huit ans. Tout nous ramenait vers ça, tant du côté paternel que maternel.

Mes grands-parents Rodolphe et Valéda, du côté maternel, sont des descendants des déportés de l'Acadie. On a des liens non seulement avec Zachary Richard, mais aussi avec les Micmacs.

Et je n'ai pas besoin de déballer mes cartes d'identité et mes baptistères pour révéler ce que je suis.

C'est évident que je suis un Métis, comme la plupart des Québécois dits de souche qui l'ignorent encore. Il est probable que l'on ait naturalisé des tas d'Indiens avec des baptistères qui effaçaient toute référence à l'Indien.

Les chercheurs laissent parfois entendre que la côte Est de l'Île de la Tortue aurait pu être abordée par des tribus européennes qui longèrent la banquise au cours de la dernière période glaciaire. Ces tribus se seraient mélangées avec d'autres tribus d'origine asiatique. Et voilà pourquoi certains Autochtones auraient l'air de Tintin. Hollywood a contribué à vendre l'image du Sioux comme seule représentation des traits physiques de l'Indien. L'histoire des aborigènes est beaucoup moins homogène qu'elle ne le semble. Elle est complexe et trop mâtinée d'histoire, justement. Elle est, somme toute, caricaturale.

Qu'est-ce qu'une ceinture fléchée? On la voit comme un symbole vestimentaire du Québécois dit de souche. Et vous savez quoi? C'est surtout un symbole vestimentaire autochtone et métis...

La majorité des Québécois sont des Métis qui s'ignorent.

J'ai surmonté cette ignorance. Je me suis renseigné sur cette partie occultée de ma propre histoire. J'ai spontanément adhéré à la philosophie de mes ancêtres autochtones, par esprit de compensation. J'ai vécu vingt ans comme un Blanc de type vaguement nietzschéen. Je vivrai le reste de ma vie comme un vrai humain, c'est-à-dire comme un Indien.

Vous savez que les Indiens s'appellent tous vrais humains entre eux? Anishnabé veut dire vrai humain. Inuit veut dire vrai humain. Innu veut dire vrai humain. Iyéyou veut dire vrai humain... Et c'est pareil pour les tribus d'Amérique du Sud...

Par ailleurs, aucun lieu ne porte un nom humain chez les Sauvages. On disait le lac des éperviers, la rivière aux renards, mais jamais le Lac Bouchard ou bien la Rivière Saint-Maurice.

Voilà où j'en suis avec cette sagesse retrouvée.

J'ai encore beaucoup à apprendre.

Et beaucoup de luttes à soutenir.

Idle no more mes amis!


8 commentaires:

  1. Mince, j'en ai appris des choses, là ! Merci !

    Joli manifeste, le billet d'aujourd'hui. T'as bien fait de l'écrire.

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  2. Ma grand-mère paternelle était une Bouchard, de Charlevoix. T'as pas de liens dans ce coin-là aussi par hasard?

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  3. Merci Anne. ;)

    ***

    Les Bouchard que je connais sont nés à Sayabec dans la Vallée de la Matapédia. Peut-être qu'il y a des liens... Il me semblait pas mal prolifique, les Bouchard... Les Bouchard doivent tous être des Indiens, Lucien itou... Au fait, mon oncle s'appelle vraiment Lucien Bouchard... J'en profite pour le saluer ici. Kwey! ;)

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  4. Ça fait 43 ans que je partage mon lit avec une vraie sauvage, et que je sers d' honorable truchement pour lui faire oublier toutes les bassesses(hum! 5 "s") que les blancs leurs ont fait subir! Elle m'épuise à la tâche, la "vinhyènne", si honorable tâche qu'elle soit!

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  5. MakesmewonerHum,les Blancs sont des Indiens qui ont oublié de traverser l'Atlantique quand ils pouvaient le faire à pieds il y a 10 000 ans. Ils ont retrouvé une partie des tribus européennes perdues au seizième siècle chez les Iroquois, les Montagnais et les Algonquins... Nous sommes tous des Autochtones qui s'ignorent... Gaulois, Grecs ou Sioux: tous le même combat pour retrouver l'Âge d'Or perdue de l'humanité...

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  6. Oui, Adam avait comme nom de famille EtÉve et Éve, Adam. Dans ce temps là les concubins de la planète portaient simultanément les deux noms. Ça fourrait pas mal les généalogistes de l'époque sur les origines de quiconque.

    À la question:
    -D'où venez-vous?
    On devrait toujours répondre:
    -Quand?

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  7. C'est pas pour faire des cancans, mais qu'on vienne d'ici ou d'ailleurs, on finit toujours par finir. Ce n'est pas une grande morale mais bon, je ne suis pas Dieu, ni même son associé. J'ai d'autant plus le devoir de me tromper.
    ***
    Monsieur EtÈve s'est pété une côte pour se sentir moins seul. Sacré Adam, c'est avec des pommes comme toi que l'on peuple l'univers de types qui se font chasser de tous les jardins. Côté cour, il y a toujours de l'espoir. À bâbord toutes!

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