mercredi 31 décembre 2008
MA RÉTROSPECTIVE DE L'ANNÉE 2008
Il s'est passé pas mal d'affaires en 2008.
Il va s'en passer encore pas mal en 2009.
Parmi les grands disparus de 2008, je retiens le plus grand d'entre tous à mes yeux, le poète et gentilhomme Michel-Luc Viviers, une légende trifluvienne, un gars apprécié de tous ceux qui l'ont connu de près ou de loin.
La toune de l'année? La voici. Je la dédie au maire Yves Lévesque, antidémocrate et petit politicien de garde paroissiale qui se torche avec les registres ou les pétitions et qui vient de se faire dire d'arrêter de jouer à Prions en église par la commission des droits de la personne.
Bravo à madame Louise Hubert qui, à mes yeux, se mérite le titre de Trifluvienne de l'année 2008 pour cette victoire contre le petit caporal d'opérette trifluvien.
POWER TO THE PEOPLE!
LE POUVOIR AU PEUPLE MONSIEUR L'MAIRE!
mardi 30 décembre 2008
J'SU'S JÉSUS!
-Tu t'rappelles du gars qu'i' ont arrêté samedi, le gars qui courait tout nu pa'ce qui avait trop faitte de PCP? Comment c'que c'est que l'gars s'appelait? Comment c'que c'est qui s'appelait Gérard? Le jeune blond bouclé qui v'nait icitte au bar, des fois, prendre une bière pis jouer une game de pool... Le jeune avec un chien bâtard qui l'ramenait quand y'était trop faitte...
-E'l'sais-tu moé chose! Saint-Crêche! P'têt' ben qu'i' s'appelait Jérôme. Ou ben don' Henri, lui répondit Gérard, un buveur de bière impénitent qui buvait ses chèques de pension au bar L'Acolyte.
Gérard avait un gros nez, louchait de l'oeil gauche et sentait toujours l'ail mariné dans le gras de peau.
-Mettons qu'i' s'appelait Henri, hein, Henri Dicule, poursuivit Thomas, alias Ti-Tom, un hostie d'maillet qui passait son temps, lui aussi, à dépenser sa rente d'invalidité au même bar.
Ti-Tom avait aussi un gros nez, louchait de l'oeil droit et sentait ce qu'il appelait lui-même l'Aqua-Vulva, bien qu'on ne lui connaisse aucune fiancée, voire quelque contact féminin intime, compte tenu de son extrême timidité avec les créatures de sexe opposé.
Ce qui ne l'empêchait pas d'être un bon raconteur, Ti-Tom, entre gars aussi paumés que lui qui ne voyaient de filles toutes nues que dans les bars de danseuses, et encore qu'ils étaient tellement saouls, ces paumés, qu'ils ne voyaient plus rien quand par hasard ils s'y retrouvaient pour se rincer le gosier plutôt que de se rincer l'oeil. Bande de nuls.
Ce qui fait qu'ils étaient toujours chastes et saouls raide.
-Encore une p'tite Molle? leur demanda la serveuse, Rose-Hélène, la seule femme qu'ils voyaient tous les jours, la cinquantaine fatiguée, les poches sous les yeux, des airs de gardienne de prison maquillée en jeune mammifère survoltée pour soutirer quelques gros pourboires à ces pochards qui étaient tous tombés amoureux d'elle, secrètement.
-Ben sûr, Rosie, une autre p'tite Molle, répondirent en choeur Gérard et Ti-Tom.
-Saint-Crêche! s'exclama Gérard tout en puant. Qu'est-cé qu'tu m'racontais don' toé là Ti-Tom? J'en ai perdu que'que christ de boutte...
-Ah! J'te parlais d'Henri Ridicule, répondit Ti-Tom. Rajoute-nous don' deux fois cinq onces de Chemineaud s'i'-vous-plaît ma belle Rosie...
-Le gars qui v'nait jouer au pool icitte? Ok. Cul-sec. Reprit Gérard en calant son cinq onces et en redemandant deux autres à Rosie puisque Ti-Tom aussi venait de se l'envoyer par derrière la cravate.
-Ouin. Ben i' l'ont arrêté. Cul-sec encore! Deux autres Rosie!
-Imagine-toé don', poursuivit Ti-Tom, qu'i' s'est crissé à poèle pis qui s'est mis à crier en pleine rue qu'i' était Jésus! «J'su's Jésus! J'su's Jésus! qu'i' criait, tout nu toé chose, la Gertrude à l'air...»
-Ah ben j'ai mon hostie d'voyage! s'esclaffa Gérard. Saint-Crêche! Deux autres Rosie, deux autres...
-C'est pas toutte mon Gérard! Imagine-toé don' qu'Henri Dicule sermonnait le monde su' 'a rue des Forges. «Vanité des vanités tout est vanité et poursuite de vent!» Pis toutes sortes d'affaires de même.
-Poursuite de vent? J'ai mon hostie d'voyage! se resclaffa Gérard. Cul sec?
-Cul sec. Deux autres Rosie... Hic! Pis là ben i' s'met à leu' parler des oiseaux du ciel, nourris par Dieu, pis toutes sortes d'affaires de même, continua Ti-Tom. «Aimez-vous les uns les autres! Aide-twâ pis le ciel t'aidera! Un tien vaut mieux que deux tu Laura Secord», pis toute sortes de praverbes pis d'dictonnes de même. Pis là l'monde s'rassemble, comprends-tu, i' sont toutte là à le r'garder tout nu en train d'raconter sa vie pis toutes sortes d'affaires de même... I' d'vait ben être une cinquantaine...
-Ouin pis?
-Pis là, la police arrive toé chose... Henri Dicule, quand i' voé la police arriver, i' pogne les quételles pis i' détale comme un lièvre su' 'a rue Hart, pis l'Parc Champlain, Royale... En tous 'es cas i' s'est rendu jusque dans 'a P'tite Pologne, à poèle, en plein hiver toué chose, à penser qu'i' était Jésus pis qu'i' disait toutes sortes de Super-Bowl... I' capotait, j'te dis Gérard... Ça rend fou e'l'PCP.
-I' l'ont pogné dans P'tite Pologne, Henri Dicule? questionna Gérard en pognant le fixe sur les boules de Rosie.
-Ouin. Heille! Un christ de malade j'te dis! hurla Ti-Tom, visiblement sur le point d'être chaud à en chier dans ses culottes. L'hostie d'cave s'est faitte pogner dans l'salon, chez une p'tite vieille... Y'a cassé la vitre d'la porte d'un coup de tête, il l'a ouvert, pis i' s'est assis dans l'salon... I' s'était toutte fendue 'a face. I' saignait comme e'l'Christ. La vieille, ben entendu, avait peur que l'calice... Un gars tout nu dans ton salon qui t'dit qu'i' est Jésus, Aimez-vous les uns les autres et un tien vaut mieux que deux lâche-don'-Laura... Wo menute! C'est pas évident... «Je suis le Verbe!» même, qu'i' yi disait. «Le Verbe!»
-Le Verbe! J'ai mon hostie d'voyage! Saint-Crêche! expectora Gérard dans un râle d'ivrogne sur le point de tomber en bas de sa chaise. Deux autres Rosie! Cul sec!
-Cul sec tabarnak! Hahaha! Le Verbe! Hostie! Oui i' disait qu'i' était e'l'Verbe! Pis là, poursuivit Ti-Tom, v'là que les boeufs arrivent comme de raison. Pis Henri Dicule capote. I' s'met à les traiter de Judas l'Escabeau pis leu' parle des spéciaux sur les produits Black and Decker au Canadian Tirelire pis leu' jase d'la neige pis du mauvais temps, toé chose... Ça fa' qu'i' lui ont passé 'es menottes, comme de raison. Pis i' l'ont emmené en-d'dans, r'couvert d'un drap parce qu'i' avait rien d'autre. Imagine-toé-lé, au Village, en haut, avec sa cape devant les autres prisonniers... «J'su's Jésus! J'su's Jésus!» Avec la cape, la face toute coupée par la vitre, des points d'suture dans l'front comme si y'avait une couronne d'épines toé chose...
-Ça prend 'ien qu'un hostie d'cave! affirma Gérard en tombant en bas de sa chaise, beding, bedang, toutte s'est mis à revoler, la bière, les verres, la pisse.
-Hostie! Tu t'es pissé d'ssus Gérard! Ouache! hurla Ti-Tom avant de tomber lui aussi en bas de sa chaise.
-Ayoye don' maudit crisse d'hostie! qu'il ajouta en piquant une plonge sur le plancher.
-J'prendrais ben une autre p'tite Molle Rosie, ma belle Rosie d'amour, demanda Gérard en essuyant l'urine sur le plancher avec le revers de sa manche.
-Vous avez trop bu calice! tonna Rosie. Rentrez chez-vous vous dessaouler saint-chrême si vous êtes pour chier su' mon plancher!
-Ben Rosie, ma belle p'tite Rosie d'amour, brailla Ti-Tom en se déshabillant au complet. J'su's Jésus! Rosie! J'su's Jésus! Aime moi comme je t'ai aimée! Je suis ton Prochain à toi-même!
Ouache. Ça faisait dur. Quel spectacle pitoyable. Y'était pas beau tu-suite Ti-Tom. On aurait dit qu'il avait une jaunisse et qu'il faisait de l'oedème. Sa queue était petite, brune et flasque. C'était difficile de la manquer parce qu'il se l'étirait pour se la décoller du poil tout en faisant sa déclaration d'amour à la serveuse. Ouache. Ouache. Ouache.
-Lâche-toé 'a graine Ti-Tom, saint-ciboirisation! Rhabille-toé ou j'te l'ébouillante avec mon café! Tu vas t'rhabiller assez fast marci! Gang d'hosties d'ivrognes sales! s'indigna Rosie en allant chercher la moppe pour ramasser les excrétions humaines dans lesquelles baignait Gérard. J'aurais don' du écouter mon père pis r'prendre sa roulotte à patates frites à Shawi', maudit christ de tabarnak! Ben non! J'su's resté icitte pour Jos, parce que je l'aimais, moé, christ de folle! Pis me v'là à torcher des saoulons dans un hostie d'trou sale de Twois-Wivièwes... L'Acolyte! La colique mon cul!!!
-Soé pas méchante ma belle Rosie d'amour, on t'aime nous autres, pleurnicha Ti-Tom. T'es belle Rosie, voudrais-tu être ma femme? dit-il avant de vomir à nouveau.
-Maudit bâtard de calice! Mon plancher sacrement! Vous z'êtes pas des hommes, calice. Rien qu'des enfants!
-Saint-Crêche! conclut Gérard. On t'aime nous autres Rosie...
Le reste, franchement, je ne m'en souviens plus. Je suis sorti du bar. Il était à peine quinze heures. Le soleil luisait sur la neige fraîche. J'étais sobre. À peine deux bières. Et je me disais l'homme le plus heureux du monde de ne pas être célibataire.
lundi 29 décembre 2008
LE DIEU DE LA FOUDRE, THOR C'EST LUI!
Le gouvernement du Québec a inauguré cet automne une campagne publicitaire pour contrer les préjugés envers les personnes souffrant de dépression nerveuse.
-C'est un paresseux! Un lâche! Un pas fait fort! laisse entendre l'un des messages publicitaires tournant souvent à la radio.
Non, Paul est victime de dépression nerveuse... Il n'est pas paresseux. Il n'est pas lâche. C'est juste qu'il a pété les plombs. Comme des milliers d'autres. Même que l'on se demande si ceux qui ne pètent pas les plombs sont normaux.
LE DIEU DE LA FOUDRE, PAUL C'EST LUI!
Quand on me parle des vagabonds qui dorment dans des boîtes en carton par des froids labradoriens, je me fais une petite campagne publicitaire bien à moi dans ma tête.
-C'est un paresseux! Un lâche! Un pas fait fort!
Non, Paul a seulement pété les plombs. Et il ne vous suit plus. Comme des centaines d'autres. Même que l'on se demande comment les autres font encore semblant de dormir au chaud.
Paul couche dans des abris d'infortune et se saoule de produits nettoyants alcoolisés et de parfums cheap qu'il trouve dans les conteneurs à déchets des commerces de la métropole.
Paul s'est transformé en goéland humain. Est-il heureux? Pas du tout. Mais qui l'est vraiment, hein?
Paul ne couche pas dans les dortoirs de la charité chrétienne parce qu'il a plus peur des chrétiens et des humains que des chiens. Paul a pété les plombs et entretient à peine ses fonctions vitales.
Par ailleurs, Paul se croit la réincarnation de Thor. Il interprète le monde à travers les numéros 8, 23 et 34 parus en français aux Éditions Héritage, à Montréal, dans les années '70. Et il crève dans une boîte de carton à délirer sur Thor. Même qu'il le calque sur des bouts de papier à partir de ses trois numéros qu'il traîne partout avec son vieux chien baptisé Odin.
Paul est un fucké, pauvre, puant, laid, sale, et il lit les aventures de Thor, toujours les mêmes, tout le temps, depuis au moins dix ans.
Qu'attendez-vous de lui, dites-moi?
Vous voyez bien qu'il souffre... de dépression nerveuse!
dimanche 28 décembre 2008
À PROPOS DE PEINTURE
Ce matin, je relaxe. C'est-à-dire que je me prépare à peindre. Mes pinceaux et mes couleurs sont prêtes pour ma tempête de neige du siècle dans le faubourg à mélasse. J'ai déjà un bon bout de fait. Une rue étroite enneigée avec des tas de personnages. Un ciel tourmentée peint au torchon.
Si je devais qualifier ma peinture aux yeux d'un historien de l'art, je dirais que je fais de la peinture naïve relevée d'un zeste de symbolisme et d'expressionnisme. Je pratique la technique du cloisonnement, à l'instar de Paul Gauguin, un peintre daltonien lui aussi, comme moi. On aime ce qui nous ressemble. C'est vrai. Je ne vaux pas mieux que les autres.
Qu'est-ce qui vient me chercher en peinture? Vous voulez savoir? Gauguin, bien sûr, j'en ai déjà parlé. Mais en voici quelques autres, comme ça, au hasard, qui trotte dans ma tête longtemps.
PIETER BRUEGEL L'ANCIEN
Parmi les peintres qui viennent me chercher du bout des orteils jusqu'au coeur, il y a Pieter Bruegel l'Ancien.
Je ne me lasse jamais d'analyser ses hivers. Toutes ses couleurs que je ne comprends pas... La glace est-elle verte ou brune ou jaune foncée? Et ces scènes camouflées un peu partout dans le paysage... Des chasseurs, des patineurs, une personne qui a chûté, un feu dans le coin, un personnage qui traverse un pont...
Je ne finis jamais de le redécouvrir. Chacune de ses toiles déborde d'humanité. Et sa neige... Bordel! Elle est de quelle couleur sa neige?
ANTONIO LIGABUE
Antonio Ligabue... Il était schizophrène. Et ses toiles abondent en couleurs vives. On trouve peu de choses sur lui sur l'Internet. Mais il existe une monographie en français à son sujet à la bibliothèque de l'Université du Québec à Trois-Rivières. C'est là que je l'ai découvert. C'était avant que l'Internet n'occupe toute la place.
Ses toiles me fascinent pour l'intensité qu'il s'en dégage. C'est comme du Van Gogh hypernaïf. Ça me colle à la tête pendant des jours... Allez voir ses tigres...
Il est mort vierge. Je dis ça comme ça, pour ceux qui s'intéressent à la sexualité. Vous voyez ici son autoportrait. Un oiseau semble s'envoler de sa tête. Et le nuage forme une auréole, tant qu'à chercher des archétypes jungiens.
JEAN DALLAIRE
Pour finir, Jean Dallaire, un peintre de chez-nous pour faire un peu plus cocorico. J'aurais aimé vous montrer son christ cubiste, qui se trouve au musée Pierre-Boucher du séminaire St-Joseph à Trois-Rivières. Mais bon, c'est glacé dehors et je ne veux pas me péter la gueule.
Vous avez ici son Coq licorne. C'est coloré et dément. Assez proche de l'univers psychanalytique de Ralph Steadman, le caricaturiste préféré de Hunter S. Thompson.
On ne trouve presque rien sur l'Internet. Dommage.
Dommage que sa mémoire ne soit servie que par des types comme moi...
On peut aussi se procurer Cadet Rousselle, un court-métrage de l'Office national du film, pour mieux goûter à l'univers pictural de Dallaire. C'est Félix Leclerc qui chante sur les images de Dallaire. Assez fucké merci.
Bon ben, je vous laisse. Je retourne à mes pinceaux.
Si je devais qualifier ma peinture aux yeux d'un historien de l'art, je dirais que je fais de la peinture naïve relevée d'un zeste de symbolisme et d'expressionnisme. Je pratique la technique du cloisonnement, à l'instar de Paul Gauguin, un peintre daltonien lui aussi, comme moi. On aime ce qui nous ressemble. C'est vrai. Je ne vaux pas mieux que les autres.
Qu'est-ce qui vient me chercher en peinture? Vous voulez savoir? Gauguin, bien sûr, j'en ai déjà parlé. Mais en voici quelques autres, comme ça, au hasard, qui trotte dans ma tête longtemps.
PIETER BRUEGEL L'ANCIEN
Parmi les peintres qui viennent me chercher du bout des orteils jusqu'au coeur, il y a Pieter Bruegel l'Ancien.
Je ne me lasse jamais d'analyser ses hivers. Toutes ses couleurs que je ne comprends pas... La glace est-elle verte ou brune ou jaune foncée? Et ces scènes camouflées un peu partout dans le paysage... Des chasseurs, des patineurs, une personne qui a chûté, un feu dans le coin, un personnage qui traverse un pont...
Je ne finis jamais de le redécouvrir. Chacune de ses toiles déborde d'humanité. Et sa neige... Bordel! Elle est de quelle couleur sa neige?
ANTONIO LIGABUE
Antonio Ligabue... Il était schizophrène. Et ses toiles abondent en couleurs vives. On trouve peu de choses sur lui sur l'Internet. Mais il existe une monographie en français à son sujet à la bibliothèque de l'Université du Québec à Trois-Rivières. C'est là que je l'ai découvert. C'était avant que l'Internet n'occupe toute la place.
Ses toiles me fascinent pour l'intensité qu'il s'en dégage. C'est comme du Van Gogh hypernaïf. Ça me colle à la tête pendant des jours... Allez voir ses tigres...
Il est mort vierge. Je dis ça comme ça, pour ceux qui s'intéressent à la sexualité. Vous voyez ici son autoportrait. Un oiseau semble s'envoler de sa tête. Et le nuage forme une auréole, tant qu'à chercher des archétypes jungiens.
JEAN DALLAIRE
Pour finir, Jean Dallaire, un peintre de chez-nous pour faire un peu plus cocorico. J'aurais aimé vous montrer son christ cubiste, qui se trouve au musée Pierre-Boucher du séminaire St-Joseph à Trois-Rivières. Mais bon, c'est glacé dehors et je ne veux pas me péter la gueule.
Vous avez ici son Coq licorne. C'est coloré et dément. Assez proche de l'univers psychanalytique de Ralph Steadman, le caricaturiste préféré de Hunter S. Thompson.
On ne trouve presque rien sur l'Internet. Dommage.
Dommage que sa mémoire ne soit servie que par des types comme moi...
On peut aussi se procurer Cadet Rousselle, un court-métrage de l'Office national du film, pour mieux goûter à l'univers pictural de Dallaire. C'est Félix Leclerc qui chante sur les images de Dallaire. Assez fucké merci.
Bon ben, je vous laisse. Je retourne à mes pinceaux.
samedi 27 décembre 2008
KILL! KILL! KILL! À STE-ANNE-DE-LA-PÉRADE
Des millions de petites morues d'eau douce, communément appelées poulamons, se retrouvent à chaque année dans la rivière Sainte-Anne pour s'y reproduire. On les appelle aussi p'tits poissons des chenaux dans le jargon local.
Pendant qu'ils se reproduisent, des milliers de touristes affluent vers le petit village de Ste-Anne-de-la-Pérade pour venir les taquiner avec quelques milliers d'hameçons appâtés de petits morceaux de foie de porc. Ils le font bien au chaud, dans de petites cabanes posées sur la glace. Évidemment, c'est aussi l'occasion de boire et de délirer.
Il rentre souvent plus de bière et d'alcool dans ces petites cabanes qu'il ne sort de poulamons. Et la plupart des poulamons, par ailleurs, finissent aux ordures. Parce que la plupart des touristes n'aiment pas ce poisson, généralement bourré d'arêtes sinon de vers. Ce n'est pas pour rien qu'on fait saler la morue. La peau est tellement délicate que des tas de vers s'en délectent. La petite morue n'y échappe pas plus que la grande.
La saison de la pêche aux p'tits poissons des chenaux est ouverte, quoi qu'il en soit.
Saoulez-vous sur la glace pendant que les poulamons fraient.
Effrayez-les, les poulamons. Rendez leur la vie désagréable dans ce qui devrait être leur plus beau moment. Ils font l'amour dans le fond de la rivière Sainte-Anne tandis que les humains vomissent dans le trou de glace les excédents de leurs saturnales de crétins dits civilisés.
***
On chassait le bison rien que pour leur langue ou leurs testicules du temps de la ruée vers l'Ouest américain.
À Ste-Anne-de-la-Pérade, on a amélioré la chose. On pêche juste pour se saouler. Et on jette le p'tit poisson des chenaux aux vidanges sitôt le péché commis.
***
Il paraît qu'il existe une loi non écrite dans les médias locaux selon laquelle on ne doit jamais tenir de propos négatifs sur la pêche aux poulamons à Sainte-Anne-de-la-Pérade.
C'est une business, voyez-vous. Et ça s'achète des pleines pages de publicité. Donc, mollo pour la critique trop sévère. Dixit le boss.
C'est toujours un temps idéal pour pêcher, selon les médias locaux, même quand la glace fond et que les cabanes flottent au milieu de la rivière. Tout journaliste sait ça. Et il est mieux de le savoir.
Les pêches sont toujours miraculeuses.
Les enfants s'y amusent. La mascotte est rigolote.
La gibelotte de poulamon est délicieuse et a un fumet irrésistible.
***
Bill Therrien loue des cabanes depuis trente-cinq ans et il sait que c'est une fête familiale. Le seul moment où lui et sa famille font du cash au cours de l'année. Peut-on lui en vouloir?
***
Un type a perdu son dentier dans le trou de glace pendant qu'il dégueulait son trop-bu d'alcool.
-Hos'ie! Mon den'ier!
L'autre ivrogne le tient par les pieds pendant que le type cherche son dentier sous la glace.
Comme l'autre est fin saoul, il le tient jusqu'à ce que les pieds de l'homme-grenouille improvisé cessent de bouger.
-Sors-lé man! Y'est en train de s'noyer!
L'autre le ramène au-dessus de la glace.
Le type est bleu.
Il rit, malgré tout, et rira longtemps la fois où il a failli se noyer à la pêche aux p'tits poissons des chenaux parce qu'il avait perdu son dentier en vomissant dans le trou de glace...
***
Tuez-en un max les amis! Gênez-vous pas. Tuez pour le plaisir.
Tuer sans manger ce que l'on tue, c'est sans doute le nec plus ultra de la belle sensibilité humaine.
Kill! Kill! Kill!
Il y en a en masse.
Ne vous gênez surtout pas.
La saison de la pêche aux petites morues est ouverte.
Kill! Kill! Kill!
vendredi 26 décembre 2008
IMPRESSIONS ALÉATOIRES SUR LE TEMPS DES FÊTES
Ce matin, je suis las mais j'ai le coeur rasséréné. Je ne saurais trop dire pourquoi, dans un cas comme dans l'autre. L'essentiel est invisible pour mes mots. J'aurais beau écrire des tas de bibles que ce n'est pas là qu'il se révèlera le mieux, l'essentiel.
Et puisque l'essentiel échappe à mes mots, je vais vous offrir mes yeux. Je n'ai qu'à pousser la touche Rewind de mon esprit. J'appuie sur Play. Et regardez. Ce sont mes bouchardoscopes du temps des fêtes.
***
Chacun avait son numéro artistique dans le temps des Fêtes.
Mon père chantait «C'est à boire, boire, mesdames» alors qu'il ne buvait pas. Il achetait de la bière à Noël et elle virait en pisse de moufette l'été, pour nous enlever le goût de boire quand on s'y essayait.
La soeur de ma mère chantait elle aussi une chanson à boire, sur l'air de Marie-Madeleine-ton-p'tit-jupon-de-laine, où il était question de tirer le bouchon, de le sucer et de ne pas le manger. Elle ne buvait pas plus que mon père. De la noire ou de la blanche seulement, du Kik Cola ou de la Radnor Special.
Ma mère chantait «Enwèye, enwèye la p'tite, p'tite, p'tite... Enwèye, enwèye la p'tite jument...» puis elle et sa soeur se mettaient à rouler leurs r et à mettre des euh prolongés au bout de chaque strophe.
La belle bergère-euh
A des petits moutons-euh
Des petits moutons-euh
Avec-euh deux beus-euh
Les deux frères de ma mère buvaient un peu plus. Ils s'en envoyaient quelques verres en arrière de la cravate avant que de se lancer dans la mêlée. Le plus vieux sortait sa ruine-babines et jouait «Le diable est en calvaire» sur l'air de «L'arbre est dans ses feuilles». Le plus jeune giguait comme un démon en chantant «J'ai l'pied faite su' l'camp madondaine / J'ai l'pied faite su' l'camp madondé / Son genou roulant / Sa jambe berlinguette / Son pied faite su' l'camp / etc.»
Puis, un jour, le cousin a sorti Lucien Francoeur d'une pochette de disque et il a mis du volume pour qu'on entende bien Le freak de Montréal. Du coup, tous les adultes se sont tus. Le temps des chansons à répondre, des gigues et des rigodons venaient de passer. Plus rien ne serait comme avant.
***
Dans le temps des Fêtes du temps où vivait mon père, on favorisait toujours deux disques parmi tous les 33 tours que nous avions: Vive la compagnie, de Pierre Daigneault, et En r'venant voir mon ragoût du fantaisiste Lucien Boyer. Pourquoi? Je n'en sais rien. J'ai posé la question à ma mère et mes frères: ils n'en savent rien aussi. C'est comme ça. On sortait ces disques comme on sortait la crèche, le sapin et autres guirlandes. Cela faisait partie du rituel, avec les sandwiches roulées, les bonbons aux patates, le ragoût, la tourtière, les beignes, les tartes, le fudge, le suc' à 'crême, la salade de macaronis...
***
Dans les temps des Fêtes, j'allais voir des films au Cinéma de Paris, sur la rue St-Maurice, à Trois-Rivières.
Je me souviens d'y avoir vu Lucky Luke à Daisy Town et Astérix et Cléopâtre.
Puis Star Wars...
Je sortais du cinéma plein de couleurs et de flashes. Je m'achetais avec la monnaie qu'il me restait une barre de caramel Toffee ou une barre de chocolat Mr Big, plus un Pif Gadget, Les aventures de Rahan ou le dernier épisode de L'incroyable Hulk. Je me prenais aussi un Nesbitt à l'orange pour me rincer le gosier.
***
Le soir, c'était la partie de hockey quotidienne à la patinoire du parc des Pins. Chaque équipe comptait soixante-trois joueurs. On snappait n'importe quoi, n'importe où, n'importe comment. On se châmaillait. On se donnait des coups de bâton de hockey. Ce qui fait qu'il me manque un bout d'oreille. Je l'ai laissé sur la patinoire du parc des Pins il y a vingt-cinq ans de cela.
***
Mes parents se levaient à neuf heures deux fois par année: le 25 décembre et le 1er janvier. Le reste du temps ils se levaient vers cinq ou six heures du matin.
Pendant le réveillon, ma mère disait de prendre des restants du buffet de la veille dans le frigidaire pour déjeuner le lendemain matin. Quelle joie c'était que de nous lancer sans restrictions dans les sandwiches roulées et les beignes tout en jouant une partie de baseball sur notre console Intellivision reçue en cadeau.
***
À neuf heures et cinq, si nos parents n'étaient pas encore réveillés, on remettait le disque En r'venant de Rigaud de Lucien Boyer. Ou bien on jouait aux étoiles de la lutte en se crissant de vraies mornifles.
-C'est Noël tabarnak! Vous pourriez pas arrêter d'crier comme des Sauvages? tonnait mon père.
-Mais Pa... On est des Sauvages!
***
Excusez-là!
Et puisque l'essentiel échappe à mes mots, je vais vous offrir mes yeux. Je n'ai qu'à pousser la touche Rewind de mon esprit. J'appuie sur Play. Et regardez. Ce sont mes bouchardoscopes du temps des fêtes.
***
Chacun avait son numéro artistique dans le temps des Fêtes.
Mon père chantait «C'est à boire, boire, mesdames» alors qu'il ne buvait pas. Il achetait de la bière à Noël et elle virait en pisse de moufette l'été, pour nous enlever le goût de boire quand on s'y essayait.
La soeur de ma mère chantait elle aussi une chanson à boire, sur l'air de Marie-Madeleine-ton-p'tit-jupon-de-laine, où il était question de tirer le bouchon, de le sucer et de ne pas le manger. Elle ne buvait pas plus que mon père. De la noire ou de la blanche seulement, du Kik Cola ou de la Radnor Special.
Ma mère chantait «Enwèye, enwèye la p'tite, p'tite, p'tite... Enwèye, enwèye la p'tite jument...» puis elle et sa soeur se mettaient à rouler leurs r et à mettre des euh prolongés au bout de chaque strophe.
La belle bergère-euh
A des petits moutons-euh
Des petits moutons-euh
Avec-euh deux beus-euh
Les deux frères de ma mère buvaient un peu plus. Ils s'en envoyaient quelques verres en arrière de la cravate avant que de se lancer dans la mêlée. Le plus vieux sortait sa ruine-babines et jouait «Le diable est en calvaire» sur l'air de «L'arbre est dans ses feuilles». Le plus jeune giguait comme un démon en chantant «J'ai l'pied faite su' l'camp madondaine / J'ai l'pied faite su' l'camp madondé / Son genou roulant / Sa jambe berlinguette / Son pied faite su' l'camp / etc.»
Puis, un jour, le cousin a sorti Lucien Francoeur d'une pochette de disque et il a mis du volume pour qu'on entende bien Le freak de Montréal. Du coup, tous les adultes se sont tus. Le temps des chansons à répondre, des gigues et des rigodons venaient de passer. Plus rien ne serait comme avant.
***
Dans le temps des Fêtes du temps où vivait mon père, on favorisait toujours deux disques parmi tous les 33 tours que nous avions: Vive la compagnie, de Pierre Daigneault, et En r'venant voir mon ragoût du fantaisiste Lucien Boyer. Pourquoi? Je n'en sais rien. J'ai posé la question à ma mère et mes frères: ils n'en savent rien aussi. C'est comme ça. On sortait ces disques comme on sortait la crèche, le sapin et autres guirlandes. Cela faisait partie du rituel, avec les sandwiches roulées, les bonbons aux patates, le ragoût, la tourtière, les beignes, les tartes, le fudge, le suc' à 'crême, la salade de macaronis...
***
Dans les temps des Fêtes, j'allais voir des films au Cinéma de Paris, sur la rue St-Maurice, à Trois-Rivières.
Je me souviens d'y avoir vu Lucky Luke à Daisy Town et Astérix et Cléopâtre.
Puis Star Wars...
Je sortais du cinéma plein de couleurs et de flashes. Je m'achetais avec la monnaie qu'il me restait une barre de caramel Toffee ou une barre de chocolat Mr Big, plus un Pif Gadget, Les aventures de Rahan ou le dernier épisode de L'incroyable Hulk. Je me prenais aussi un Nesbitt à l'orange pour me rincer le gosier.
***
Le soir, c'était la partie de hockey quotidienne à la patinoire du parc des Pins. Chaque équipe comptait soixante-trois joueurs. On snappait n'importe quoi, n'importe où, n'importe comment. On se châmaillait. On se donnait des coups de bâton de hockey. Ce qui fait qu'il me manque un bout d'oreille. Je l'ai laissé sur la patinoire du parc des Pins il y a vingt-cinq ans de cela.
***
Mes parents se levaient à neuf heures deux fois par année: le 25 décembre et le 1er janvier. Le reste du temps ils se levaient vers cinq ou six heures du matin.
Pendant le réveillon, ma mère disait de prendre des restants du buffet de la veille dans le frigidaire pour déjeuner le lendemain matin. Quelle joie c'était que de nous lancer sans restrictions dans les sandwiches roulées et les beignes tout en jouant une partie de baseball sur notre console Intellivision reçue en cadeau.
***
À neuf heures et cinq, si nos parents n'étaient pas encore réveillés, on remettait le disque En r'venant de Rigaud de Lucien Boyer. Ou bien on jouait aux étoiles de la lutte en se crissant de vraies mornifles.
-C'est Noël tabarnak! Vous pourriez pas arrêter d'crier comme des Sauvages? tonnait mon père.
-Mais Pa... On est des Sauvages!
***
Excusez-là!
jeudi 25 décembre 2008
mercredi 24 décembre 2008
PEUPLE DEBOUT, CHANTE TA DÉLIVRANCE!
«Pourquoi je suis si sage? Pourquoi j'en sais si long? Pourquoi j'écris de si bons livres?» Ce sont des questions auxquelles tenta de répondre Friedrich Nietzsche dans son traité intitulé Ecce homo.
Je relis ça comme si je lisais des jokes de Claude Blanchard, avec le sourire en coin. Nietzsche se présente d'une manière pour le moins narcissique. C'est vrai qu'il était au seuil de la folie à cette époque.
Nietzsche était sur le point de crier comme un fou, parmi les passagers d'un train, pour ensuite sombrer dans le mutisme le plus minéral.
L'homme qui se croyait un surhomme se ferait désormais torcher le cul par des infirmières et gaver comme une oie. Gagagougou. L'ascenseur ne se rendrait plus au cerveau. Et du coup, ce Nietzsche ne me semble que plus humain, trop humain.
Le philosophe de la volonté de puissance vantait le Code de Manou sur lequel repose le système de castes aux Indes, selon lequel tu viens au monde trou-du-cul pour mourir trou-du-cul et noble pour mourir noble. On a déjà vu ça ailleurs. C'est une des maladies de la civilisation. Comme quoi le confort n'a pas que des avantages.
Évidemment Nietzsche se croyait noble, de la noblesse polonaise par ailleurs puisqu'il détestait tout ce qui était allemand, d'où sa fascination pour les cultures de France et d'Italie ainsi que pour la cuisine méditérannéenne. Nietzsche pensait aussi par l'estomac, voyez-vous.
Quoi qu'il en soit, Nietzsche a fini ses jours en se faisant torcher le cul par ses pairs humains qu'il aurait pu classer dans la catégorie des trous-du-cul, selon l'idée qu'il se faisait du monde.
Ce qui fait que Nietzsche n'était pas noble au sens où je l'entends. Avoir passer toute sa vie à chier sur les sous-hommes, à vanter quelque dépassement de soi qui est aussi un dépassement de l'intelligence, à proprement parler une folie, je ne crois pas que cela soit digne de quoi que ce soit, à moins d'avoir le coeur au mauvais endroit.
Être un bon écrivain ne suffit pas. Nietzsche avait une plume. Mais il n'avait pas de coeur. Ou si peu. D'où les piètres qualités de sa philosophie, une décadence de l'esprit, une forme de nihilisme qui s'ignore, un abîme de rancoeur et de ressentiment qui ne pouvait être pris au sérieux que par quelques drogués et alcooliques vaguement baudelairesques. Ça, une philosophie? Vous êtes sérieux, là? Rancoeur, ressentiment, petitesse d'âme... J'ai lu Nietzsche, presque tout Nietzsche, et je sais de quoi je parle pour avoir moi-même souffert de nietzschéisme. À 18 ans, je me croyais un aigle. Et je n'étais qu'un con. Un drogué alcoolique vaguement baudelairesque.
Le coeur est tout ce qui importe.
Dans tout, même dans les arts.
***
Je tiens en plus haute estime les écrivains russes. Pourquoi? Parce que c'est la littérature la plus spirituelle qu'ait produite l'humanité. Le coeur y occupe toujours la première place, même chez les auteurs les plus nihilistes, comme Tchékhov ou Tourguéniev.
Je place au sommet Mikhaïl Boulgakov et Fedor Dostoïevski. Le premier pour son monde fantaisiste et expressionniste. Le second pour sa profonde connaissance du coeur et de l'âme humaine. Ils ont accompli quelque chose de plus grand que tout ce que Nietzsche a pu accomplir en ceci qu'ils aimaient profondément les gens autour d'eux, ce qui se sent dans chaque phrase et nous transporte vers une conception nettement plus idéale de notre rapport avec le monde.
***
Pourquoi j'écris? Oh! pour pas grand' chose.
J'écris pour répondre à des questions que je ne me pose même pas. J'écris pour mieux me connaître. J'écris pour rendre hommage aux gens autour de moi, à ma façon, comme si tout un chacun, même la plus vulgaire crotte de nez, méritait d'occuper le devant de la scène, au moins une fois dans sa putain de vie. Parce que chacun a droit à son numéro.
Et je ne dis pas ça pour me placer dans la foulée des propos de Andy Warhol, selon qui tout le monde allait avoir son cinq minutes de gloire. Je dis ça comme Steinbeck aurait pu le dire, quoi. La vie, je vois ça comme un party des Fêtes. Chacun son tour de pousser sa chanson et d'être le plus grand, les sales comme les propres, les petits comme les grands.
Le rédempteur, semble-t-il, a brisé toutes entraves.
Il voit un frère où n'était qu'un esclave.
L'amour unit ceux qu'enchaînait le fer...
Relisez bien les paroles du Minuit Chrétiens.
Ça ne se finit pas par Peuple à genoux. Mais par le refrain Peuple debout, chante ta délivrance. Normal. L'auteur Adolphe Adam était un communard protestant. Ce qui fait qu'on devait chanter cette chanson avant le début de l'office religieux chez les catholiques, compte tenu que ce n'était pas assez vaticanesque...
PEUPLE DEBOUT, CHANTE TA DÉLIVRANCE!
Joyeux Noël, tiens.
Je relis ça comme si je lisais des jokes de Claude Blanchard, avec le sourire en coin. Nietzsche se présente d'une manière pour le moins narcissique. C'est vrai qu'il était au seuil de la folie à cette époque.
Nietzsche était sur le point de crier comme un fou, parmi les passagers d'un train, pour ensuite sombrer dans le mutisme le plus minéral.
L'homme qui se croyait un surhomme se ferait désormais torcher le cul par des infirmières et gaver comme une oie. Gagagougou. L'ascenseur ne se rendrait plus au cerveau. Et du coup, ce Nietzsche ne me semble que plus humain, trop humain.
Le philosophe de la volonté de puissance vantait le Code de Manou sur lequel repose le système de castes aux Indes, selon lequel tu viens au monde trou-du-cul pour mourir trou-du-cul et noble pour mourir noble. On a déjà vu ça ailleurs. C'est une des maladies de la civilisation. Comme quoi le confort n'a pas que des avantages.
Évidemment Nietzsche se croyait noble, de la noblesse polonaise par ailleurs puisqu'il détestait tout ce qui était allemand, d'où sa fascination pour les cultures de France et d'Italie ainsi que pour la cuisine méditérannéenne. Nietzsche pensait aussi par l'estomac, voyez-vous.
Quoi qu'il en soit, Nietzsche a fini ses jours en se faisant torcher le cul par ses pairs humains qu'il aurait pu classer dans la catégorie des trous-du-cul, selon l'idée qu'il se faisait du monde.
Ce qui fait que Nietzsche n'était pas noble au sens où je l'entends. Avoir passer toute sa vie à chier sur les sous-hommes, à vanter quelque dépassement de soi qui est aussi un dépassement de l'intelligence, à proprement parler une folie, je ne crois pas que cela soit digne de quoi que ce soit, à moins d'avoir le coeur au mauvais endroit.
Être un bon écrivain ne suffit pas. Nietzsche avait une plume. Mais il n'avait pas de coeur. Ou si peu. D'où les piètres qualités de sa philosophie, une décadence de l'esprit, une forme de nihilisme qui s'ignore, un abîme de rancoeur et de ressentiment qui ne pouvait être pris au sérieux que par quelques drogués et alcooliques vaguement baudelairesques. Ça, une philosophie? Vous êtes sérieux, là? Rancoeur, ressentiment, petitesse d'âme... J'ai lu Nietzsche, presque tout Nietzsche, et je sais de quoi je parle pour avoir moi-même souffert de nietzschéisme. À 18 ans, je me croyais un aigle. Et je n'étais qu'un con. Un drogué alcoolique vaguement baudelairesque.
Le coeur est tout ce qui importe.
Dans tout, même dans les arts.
***
Je tiens en plus haute estime les écrivains russes. Pourquoi? Parce que c'est la littérature la plus spirituelle qu'ait produite l'humanité. Le coeur y occupe toujours la première place, même chez les auteurs les plus nihilistes, comme Tchékhov ou Tourguéniev.
Je place au sommet Mikhaïl Boulgakov et Fedor Dostoïevski. Le premier pour son monde fantaisiste et expressionniste. Le second pour sa profonde connaissance du coeur et de l'âme humaine. Ils ont accompli quelque chose de plus grand que tout ce que Nietzsche a pu accomplir en ceci qu'ils aimaient profondément les gens autour d'eux, ce qui se sent dans chaque phrase et nous transporte vers une conception nettement plus idéale de notre rapport avec le monde.
***
Pourquoi j'écris? Oh! pour pas grand' chose.
J'écris pour répondre à des questions que je ne me pose même pas. J'écris pour mieux me connaître. J'écris pour rendre hommage aux gens autour de moi, à ma façon, comme si tout un chacun, même la plus vulgaire crotte de nez, méritait d'occuper le devant de la scène, au moins une fois dans sa putain de vie. Parce que chacun a droit à son numéro.
Et je ne dis pas ça pour me placer dans la foulée des propos de Andy Warhol, selon qui tout le monde allait avoir son cinq minutes de gloire. Je dis ça comme Steinbeck aurait pu le dire, quoi. La vie, je vois ça comme un party des Fêtes. Chacun son tour de pousser sa chanson et d'être le plus grand, les sales comme les propres, les petits comme les grands.
Le rédempteur, semble-t-il, a brisé toutes entraves.
Il voit un frère où n'était qu'un esclave.
L'amour unit ceux qu'enchaînait le fer...
Relisez bien les paroles du Minuit Chrétiens.
Ça ne se finit pas par Peuple à genoux. Mais par le refrain Peuple debout, chante ta délivrance. Normal. L'auteur Adolphe Adam était un communard protestant. Ce qui fait qu'on devait chanter cette chanson avant le début de l'office religieux chez les catholiques, compte tenu que ce n'était pas assez vaticanesque...
PEUPLE DEBOUT, CHANTE TA DÉLIVRANCE!
Joyeux Noël, tiens.
mardi 23 décembre 2008
TRAÎNE SAUVAGE ET CRAZY CARPET
On s'en allait sur la rue Laviolette avec nos Crazy Carpet bleus et notre superbe traîne sauvage toute déglinguée. Elle glissait encore, c'était ça le principal, même s'il lui manquait quelques bouts de planches et une chaîne de métal sur l'un des deux côtés pour retenir la courbe avant de celle-ci. Ce qui fait qu'elle faisait dur, notre traîne sauvage.
J'étais avec mon frère benjamin Ti-Mik, presque mon jumeau puisque seulement quelques mois nous séparent. Le Bief y était aussi. Et Ti-Kas. Et le Verbe.
On se donnait des surnoms pas d'allure.
On m'appellait Gate ou Gros Butch ou Bebutch ou je ne sais plus trop.
En tout cas, on se reconnaissait dans ce monde fait à notre mesure. Nos surnoms nous convenaient tout à fait. Même que certains d'entre nous se les faisaient imprimer en grosses lettres de vinyles sur leurs pantalons de coton ouaté, dans une petite boutique du centre-ville où l'on pouvait aussi se faire imprimer des tee-shirts extravagants: des têtes de mort en feu ou des dragons karatéesques. Ça voulait dire: attention, je m'appelle le Bief ou Ti-Cromo... Ça marquait le territoire.
Nous allions glisser à l'hôpital Sainte-Marie-des-Twois-Wivièwes, sur le deuxième coteau laissé là après le retrait de l'ancienne mer de Champlain, il y a quelques milliers d'années. Une belle pente s'offrait à nous pour pratiquer la glissade à la manière de Evil Knievel, le célèbre cascadeur, notre idole.
Ça faisait dix jours qu'il neigeait presque tout le temps et la côte devait bien être recouverte de quatre à cinq pieds de neige bien aplatie par les glisseurs en Crazy Carpet. Nous pourrions profiter du polissage de la piste par les glisseurs précédents. Ce qui serait bien plus amusant. Et bien plus dangereux aussi. Evil Knievel serait fier de nous.
Comme nous débutions dans l'adolescence, nous faisions tout pour rendre la glissade plus risquée. Nous glissions debout dans la traîne sauvage ou notre Crazy Carpet jusqu'à ce que l'un d'entre nous se mette à saigner après avoir revolé dans le décor. Alors nous revenions vers notre quartier pauvre, toute la bande, en lançant des boules de neige sur les maisons bourgeoises du premier coteau.
-Hostie d'riches! Oua! qu'on se disait en leur lançant des mottes.
Nous glissions ensuite deux ou trois fois sur le premier coteau, sur le boulevard St-Louis jusqu'à ce qu'un autre blessé s'ajoute.
De retour au foyer, la mère nous bourrait avec de la tarte au sucre et du steak de cheval pour que l'on reprenne des forces. Nos Crazy Carpets et notre traîne sauvage étaient remisés dans la shed.
-Une partie de Mille-bornes les gars? proposa mon père.
Pas de refus. On a sorti le jeu, brassé et distribué les cartes.
Et on a joué au Mille-bornes, même si nous n'avions pas de char, en buvant de grandes gorgées de Kik Cola et de Radnor Spécial.
lundi 22 décembre 2008
Une petite chute de neige
Si je me fie à ce que j'entendais hier sur RDI et LCN, ce fût presque la tempête du siècle. Si je me fie à mon jugement, c'était une chute de neige mêlée de poudrerie.
Pour les automobilistes, c'était la fin du monde.
Pour les piétons les plus réguliers, dont moi, ce n'était qu'une pincée de blancheur. Rien pour s'exciter le poil sous les bras. Juste un hiver normal.
Sommes-nous devenus mous et frileux à ce point?
***
Par ailleurs, j'ai l'honneur de vous présenter un nouveau blogue, Pouf, un réseau d'art et de poufferie qui pourrait bien vous étonner sous peu. Je ne vous en dis pas plus pour le moment.
Pouf.
Pour les automobilistes, c'était la fin du monde.
Pour les piétons les plus réguliers, dont moi, ce n'était qu'une pincée de blancheur. Rien pour s'exciter le poil sous les bras. Juste un hiver normal.
Sommes-nous devenus mous et frileux à ce point?
***
Par ailleurs, j'ai l'honneur de vous présenter un nouveau blogue, Pouf, un réseau d'art et de poufferie qui pourrait bien vous étonner sous peu. Je ne vous en dis pas plus pour le moment.
Pouf.
dimanche 21 décembre 2008
SIMPLEMENT MA PATINOIRE, MON ART & MA SPIRITUALITÉ
J'ai terminé ma patinoire hier après-midi. La photo ci-dessus est un peu floue et ne rend pas bien les couleurs. Le temps est nuageux dehors et il n'y a qu'à l'extérieur que je réussis à prendre des photos de mes toiles à peu près acceptables. Si je les prenais à l'intérieur ce serait trop sombre ou bien vous verriez le flash.
Je me suis inspiré en partie de la patinoire du Parc des Pins, à Trois-Rivières, en y ajoutant quelques fantaisies, dont des sapins au lieu des pins. J'ai intitulé cette toile En famille à la patinoire du quartier. Je l'ai accrochée dans le salon avec d'autres tableaux que j'ai exécutés sur le thème de l'hiver. Avec les cadeaux sous l'arbre en fibres optiques, c'est féérique et reposant comme je le souhaitais. J'aurais pu faire un type avec une hache dans la tête mais je ne trouve pas de plaisir à exploiter des thèmes glauques en peinture. D'autres feront mieux que moi. Et ils souffriront. Car l'artiste devient toujours ce qu'il fait. Prenons moi pour exemple si vous le voulez bien: je peins du bonheur et je suis heureux.
L'ART ET LA SPIRITUALITÉ
J'entretiens avec l'art les mêmes rapports que j'entretiens avec la spiritualité.
Pour moi, la spiritualité ne réside pas dans les institutions. Une église n'est pas un temple, mais un commerce. C'est trop platement terrestre. Il y a bien sûr de la beauté dans un temple. Mais il y a surtout du commerce et l'esprit, ça ne se vend pas. Et Dieu ou Kidjé Manitou, s'Il existe, n'est pas à vendre.
La Nature est un temple. L'esprit humain aussi.
Je suis donc un athée à temps partiel. Je crois en quelque chose que je ne saurais nommer et qui ne se manifeste que furtivement, comme un lynx, le temps d'envisager l'hypothèse que ce n'était qu'un rêve. Il est possible que tout cela, en effet, ne soit qu'un rêve. Non seulement le lynx qui passa devant nos yeux l'espace d'un instant, mais aussi la forêt, nos yeux, nous-mêmes.
Je n'en demeure pas moins animiste à temps partiel. Il m'arrive de penser que les arbres et les roches peuvent parler. Généralement, on conduit vers l'asile ceux qui pensent ainsi. Ce qui fait que je me tais à ce sujet. Je n'en parle qu'à ceux qui n'ont pas de préjugés envers la spiritualité des habitants de l'Île de la Tortue. Pour nous, les arbres pleurent, rient, vivent et meurent. Vous expliquer ça est inutile. Il ne suffit que de regarder les arbres sans penser à son rendez-vous chez le dentiste. Si ça ne fonctionne pas avec vous, allez vous enfermer chez-vous et regardez la télé.
LES INDIENS NE SIGNAIENT PAS LEURS TOTEMS
Les aborigènes ne signaient pas leurs totems. L'art était partie prenante de leurs vies. Tout un chacun y était artiste, à sa façon, et il n'y avait pas d'institution pour décerner des titres et des médailles en chocolat aux plus étonnants d'entre eux.
J'imagine qu'un sourire et une bonne claque dans le dos devaient suffire.
Suis-je en train de réanimer le mythe du Bon Sauvage? Pas du tout, puisque ce n'est pas un mythe. Regardez les Inuits. On dirait que tout un chacun sculpte de la pierre à savon ou joue de la guitare là-bas. C'est vrai que leurs hivers sont longs.
Les nôtres aussi, à moindre échelle. Ce qui fait que l'art est partie prenante de nos vies, comme l'air plus ou moins pur que nous respirons, l'art de tout un chacun, la prière de tous autant que nous sommes, et les arbres qui nous sourient, tiens, pour compléter le tableau symboliste de mon état d'esprit...
Je m'en veux parfois de signer mes textes et mes tableaux. Si je n'étais pas contaminé par mon atavisme trop civilisé, tout serait anonyme. Signer ses oeuvres, c'est comme pisser pour marquer son territoire alors que l'infini est bien plus vaste que ce misérable rond de pisse qui se prend pour un océan.
ALLER À LA MESSE? PUBLIER?
De même que je me tiens loin des temples, j'ai peine à me rapprocher des maisons d'édition et autres institutions artistiques. Je sais, en mon for intérieur, que je produis de la prose publiable. J'écris clairement. Mon propos est imagé. Je maîtrise plutôt bien les standards de l'écriture. Bon, c'est sûr, je vais finir par être publié.
Et cela ne m'emballe pas nécessairement. C'est comme si l'on m'obligeait à aller à la messe. Je ne crois pas qu'il y ait de la spiritualité dans la boutique de Dieu. Et je pense la même chose du marché du livre. Il y a plus de vie dans les arbres que dans les livres qu'on fait parfois avec.
«Publier c'est mettre aux enchères l'esprit humain.» Emily Dickinson n'a jamais si bien dit.
Et puis l'Internet, c'est gratuit, convivial, accessible, instantané, comme si nous étions une bande d'Indiens autour du feu... On a beau être aborigène qu'on peut aussi être pragmatique.
Prenons encore une fois les Inuits. Les premiers aviateurs ont tout de suite été fascinés par la puissance de leur raisonnement. Ils achetaient un avion après en avoir entendu parler, en se cotisant toute la bande, et sans avoir lu quoi que ce soit à ce sujet devenaient par enchantement de fameux aviateurs et mécaniciens, comme s'ils avaient toujours vécu dans la technologie. L'aéronautique? L'Internet? Pfff... Facile! Les deux doigts dans l'nez...
Heureusement que pour pallier à toutes ses questions sur la littérature, de tous les arts le moins vrai, je bénéficie de l'immense privilège de pouvoir transcender les mots par le pouvoir de la peinture et de la musique.
Quand les mots deviennent vains, parce que l'infini ne se traduit pas en mots, il me reste à peindre un oiseau ou bien à jouer deux-tziganes-sans-répit-grattent-leurs-guitares de Charles Aznavour et je suis ailleurs, avec les esprits, avec l'art et le rêve.
samedi 20 décembre 2008
VIE ET MORT DE LI PIN, OBSCUR FONCTIONNAIRE DE L'EMPIRE DU MILIEU
Li Pin était un fonctionnaire de l'Empire du Milieu, juste parce qu'il était capable de réciter par coeur des passages complets de Confucius.
Il récitait par coeur. Pourtant, Li Pin n'avait qu'une roche à la place où logent d'habitude les émotions.
Il en avait contre le monde entier. Tout le monde était nul à ses yeux et Li Pin gueulait à tous vents pour dénigrer sa famille, ses parents, ses amis et tous les sujets de la Chine impériale.
À l'entendre, il n'y avait que lui qui était grand, bon et noble. On ne lui connaissait pourtant aucun acte de grandeur, de bonté ou de noblesse. Sa vie était tissée de récriminations, d'insultes et de propos tous plus mesquins les uns que les autres. Li Pin rabaissait tout un chacun, tout le temps, de sorte que plus personne ne l'écoutait. Sa bile et son fiel finirent par dégoûter tous ceux qui l'entouraient, même ceux qui le prenaient naïvement en pitié et croyaient s'en faire un ami. Et il y en avait. Il y a toujours des gens trop bons qui pensent que les Li Pin du monde entier sont tels qu'ils sont parce qu'ils ont mal aux dents ou bien au foie.
Mais non! Li Pin était intrinsèquement un pauvre type qui se croyait un grand homme. Et pas n'importe quel grand homme. Le plus grand de tout l'Empire du Milieu, à l'entendre, plus grand que l'empereur lui-même osait-il dire quand il était seul devant son miroir. S'il l'avait dit devant tout le monde, il aurait été tourné au ridicule bien sûr ou bien sommairement exécuté. Et il y a tellement d'envieux... Ce qui fait qu'il gardait tout ça pour lui même, son miroir et son perroquet, Coco.
-Je suis Li Pin! Le plus grand de tous! Je connais Confucius sur le bout des doigts! Le Tao n'a plus de secrets pour moi! Je connais tous les règlements, coutumes et préceptes des mondes connu et inconnu. Je ne suis pas comme tous ces infâmes vauriens, gredins et plumitifs qui m'entourent!
-Crrroa! Li Pin est le plus grrrrrand de tous! Crrroa! expectorait son perroquet, une vieille bête sur le point de mourir qui sentait la moisissure et le poisson séché.
-Merci Coco! Un jour tu seras mon conseiller à la cour... Quand je serai Empereur!
Comme Li Pin disait cela, Yo le bossu, messager de l'Empereur, passait par là pour lui demander de se présenter à la cour pour une tâche pressante, c'est-à-dire superviser la construction d'un pont à Tanjin, un petit village de merde près des frontières du Tibet. Quelle ne fût pas sa surprise d'entendre Li Pin dire qu'il voulait devenir empereur à la place de l'Empereur!
Évidemment, Yo le bossu rapporta tout ça à l'Empereur qui fit mettre Li Pin aux fers immédiatement. Ça ne prit pas plus d'une heure pour que Li Pin soit devant lui, couvert de chaînes, avec la mine du type qui souhaiterait que tout le monde l'aime.
-Ainsi, Li Pin, tu veux devenir empereur à ma place, hein, c'est ça? lui demanda l'Empereur.
-Hee... bredouilla Li Pin. Non votre Excellence! Il y a méprise! C'est mon perroquet! Il est tellement arrogant! Je peux l'étrangler si vous le voulez bien?
-Quoi? Vous avez l'outrecuidance de dire que votre perroquet veut devenir empereur à ma place?
-Hee... Oui... Enfin... Non... Je... Aimons-nous les uns les autres!
Comme il bredouillait beaucoup trop, l'Empereur demanda à ses gardes d'attacher chacun de ses membres avec une corde reliée au col de quatre chevaux extrêmement puissants.
-Vous serez démembré Pi Pin. Et ça ne prendra que quelques secondes. Tout le monde vous détestait. Ce ne sera pas une grande perte.
-Mais votre Excellence! Je suis le plus grand! Le plus noble! Le plus généreux! Puis-je vous embrasser les pieds? Au fait je m'appelle Li Pin, pas Pi Pin...
-Li Pin, Pi Pin, quand j'en aurai fini avec toi, tu seras délivré à jamais de ton nom.
-Hue! Hue! cria l'un des gardes suite à un signe de tête de l'Empereur.
On entendit le bruit sourd de vêtements qui se déchirent. Puis un grand râle.
Le tronc de Li Pin fût jeté aux chiens, affamés volontairement pour mieux se nourrir des ennemis de l'Empereur.
Puis ses restes furent ensevelis dans une fosse commune, avec d'autres inculpés tout aussi démembrés.
Il y eut plusieurs soirs et plusieurs matins. Et la mémoire de Li Pin lentement s'effaça de la mémoire des hommes.
Lorsqu'on demandait aux gens qui connurent Li Pin de dire ce qu'ils pensaient de lui, ils ne disaient pas grand chose sinon qu'il passait son temps à chier dans la bouche de tout le monde, ce qui fait que sa mort n'avait pas été une grand perte, même si personne ne méritait une fin aussi cruelle.
Coco, le perroquet, fût récupéré par une vieille vendeuse itinérante qui tentait de passer sa camelote et ses amulettes dans tous les marchés de l'Empire du Milieu.
-Croaaa! Li Pin est le plus grrrrrand de tous! qu'il disait tout le temps, ce fichu perroquet.
Mais la vieille Ta Li n'avait qu'à lui foutre une taloche derrière la tête pour qu'il change de répertoire.
-Croaaa! Ta Li est une belle jeune fille aux pieds mignons! Croaaaa!
On prétend que Coco le perroquet vécut trois cents ans.
Mais on a prétendu la même chose pour Ta Li.
Ce ne sont probablement que des racontards.
Il ne faut pas croire tout ce que l'on lit.
Il récitait par coeur. Pourtant, Li Pin n'avait qu'une roche à la place où logent d'habitude les émotions.
Il en avait contre le monde entier. Tout le monde était nul à ses yeux et Li Pin gueulait à tous vents pour dénigrer sa famille, ses parents, ses amis et tous les sujets de la Chine impériale.
À l'entendre, il n'y avait que lui qui était grand, bon et noble. On ne lui connaissait pourtant aucun acte de grandeur, de bonté ou de noblesse. Sa vie était tissée de récriminations, d'insultes et de propos tous plus mesquins les uns que les autres. Li Pin rabaissait tout un chacun, tout le temps, de sorte que plus personne ne l'écoutait. Sa bile et son fiel finirent par dégoûter tous ceux qui l'entouraient, même ceux qui le prenaient naïvement en pitié et croyaient s'en faire un ami. Et il y en avait. Il y a toujours des gens trop bons qui pensent que les Li Pin du monde entier sont tels qu'ils sont parce qu'ils ont mal aux dents ou bien au foie.
Mais non! Li Pin était intrinsèquement un pauvre type qui se croyait un grand homme. Et pas n'importe quel grand homme. Le plus grand de tout l'Empire du Milieu, à l'entendre, plus grand que l'empereur lui-même osait-il dire quand il était seul devant son miroir. S'il l'avait dit devant tout le monde, il aurait été tourné au ridicule bien sûr ou bien sommairement exécuté. Et il y a tellement d'envieux... Ce qui fait qu'il gardait tout ça pour lui même, son miroir et son perroquet, Coco.
-Je suis Li Pin! Le plus grand de tous! Je connais Confucius sur le bout des doigts! Le Tao n'a plus de secrets pour moi! Je connais tous les règlements, coutumes et préceptes des mondes connu et inconnu. Je ne suis pas comme tous ces infâmes vauriens, gredins et plumitifs qui m'entourent!
-Crrroa! Li Pin est le plus grrrrrand de tous! Crrroa! expectorait son perroquet, une vieille bête sur le point de mourir qui sentait la moisissure et le poisson séché.
-Merci Coco! Un jour tu seras mon conseiller à la cour... Quand je serai Empereur!
Comme Li Pin disait cela, Yo le bossu, messager de l'Empereur, passait par là pour lui demander de se présenter à la cour pour une tâche pressante, c'est-à-dire superviser la construction d'un pont à Tanjin, un petit village de merde près des frontières du Tibet. Quelle ne fût pas sa surprise d'entendre Li Pin dire qu'il voulait devenir empereur à la place de l'Empereur!
Évidemment, Yo le bossu rapporta tout ça à l'Empereur qui fit mettre Li Pin aux fers immédiatement. Ça ne prit pas plus d'une heure pour que Li Pin soit devant lui, couvert de chaînes, avec la mine du type qui souhaiterait que tout le monde l'aime.
-Ainsi, Li Pin, tu veux devenir empereur à ma place, hein, c'est ça? lui demanda l'Empereur.
-Hee... bredouilla Li Pin. Non votre Excellence! Il y a méprise! C'est mon perroquet! Il est tellement arrogant! Je peux l'étrangler si vous le voulez bien?
-Quoi? Vous avez l'outrecuidance de dire que votre perroquet veut devenir empereur à ma place?
-Hee... Oui... Enfin... Non... Je... Aimons-nous les uns les autres!
Comme il bredouillait beaucoup trop, l'Empereur demanda à ses gardes d'attacher chacun de ses membres avec une corde reliée au col de quatre chevaux extrêmement puissants.
-Vous serez démembré Pi Pin. Et ça ne prendra que quelques secondes. Tout le monde vous détestait. Ce ne sera pas une grande perte.
-Mais votre Excellence! Je suis le plus grand! Le plus noble! Le plus généreux! Puis-je vous embrasser les pieds? Au fait je m'appelle Li Pin, pas Pi Pin...
-Li Pin, Pi Pin, quand j'en aurai fini avec toi, tu seras délivré à jamais de ton nom.
-Hue! Hue! cria l'un des gardes suite à un signe de tête de l'Empereur.
On entendit le bruit sourd de vêtements qui se déchirent. Puis un grand râle.
Le tronc de Li Pin fût jeté aux chiens, affamés volontairement pour mieux se nourrir des ennemis de l'Empereur.
Puis ses restes furent ensevelis dans une fosse commune, avec d'autres inculpés tout aussi démembrés.
Il y eut plusieurs soirs et plusieurs matins. Et la mémoire de Li Pin lentement s'effaça de la mémoire des hommes.
Lorsqu'on demandait aux gens qui connurent Li Pin de dire ce qu'ils pensaient de lui, ils ne disaient pas grand chose sinon qu'il passait son temps à chier dans la bouche de tout le monde, ce qui fait que sa mort n'avait pas été une grand perte, même si personne ne méritait une fin aussi cruelle.
Coco, le perroquet, fût récupéré par une vieille vendeuse itinérante qui tentait de passer sa camelote et ses amulettes dans tous les marchés de l'Empire du Milieu.
-Croaaa! Li Pin est le plus grrrrrand de tous! qu'il disait tout le temps, ce fichu perroquet.
Mais la vieille Ta Li n'avait qu'à lui foutre une taloche derrière la tête pour qu'il change de répertoire.
-Croaaa! Ta Li est une belle jeune fille aux pieds mignons! Croaaaa!
On prétend que Coco le perroquet vécut trois cents ans.
Mais on a prétendu la même chose pour Ta Li.
Ce ne sont probablement que des racontards.
Il ne faut pas croire tout ce que l'on lit.
vendredi 19 décembre 2008
Parabole du motard devenu un saint homme
Il était là, le vieux singe, mais il n'était plus le même.
Le temps avait gravé des monts et des vaux sur sa grosse face de bouc si spartiate naguère.
Il fût un temps où plusieurs le craignaient. Dont ceux qui en étaient morts. Il y en avait au moins trois dont on connaissait le nom dans les annales judiciaires. D'abord un certain tenancier de bar qui s'appelait Georges Sanschagrin. Le vieux bouc l'avait tué d'un coup de marteau bien placé entre les deux yeux. C'était du temps qu'il gagnait ses galons pour les Blousons de l'Enfer. Sanschagrin leur devait de l'argent pour des histoires de drogue.
Comment avait-il pu faire ça, Réjean? C'est ce que se disaient ses huit frères et ses soeurs, tous plutôt débonnaires, cordiaux, avenants, altruistes, charitables, généreux, sensibles, doux et pauvres. Réjean était bien le seul qui avait fait de l'argent, un jour, et du temps «en-d'dans», en prison, pour avoir cherché à faire de l'argent au mépris de la vie humaine.
Après le coup du marteau, il raffina sa technique. Réjean a tué Rémi Desjardins, l'ex-chef des Satan's Freaks, en l'enterrant dans le sable jusqu'au cou. Les témoins ont affirmé qu'il a fait au moins une vingtaine d'allers-retours sur sa Harley en feignant d'écraser la tête de Desjardins.
Desjardins criait au meurtre selon les témoins... Et Réjean l'a écrasé, au dernier tour de piste. Il a foncé à pleine vitesse sur la tête de Desjardins qui s'est fait décapiter sous la force de l'impact. La tête a revolé au moins vingt pieds dans les airs selon les témoins. Et Réjean s'est ensuite amusé à se balader avec sa tête dans les mains devant toute la bande. C'était à l'époque où il était devenu le chef des Blousons de l'Enfer...
Ensuite, Réjean a tué un gardien de prison. C'était au cours de la célèbre émeute dite «la grosse christ d'émeute de soixante-douze». Le gardien, Alexis Parthenais, cinquante-huit ans, célibataire et bègue, était le gardien le plus doux de l'endroit. Il se cachait tout le temps pour ne pas travailler. Encore une fois, les frères et soeurs de Réjean se tourmentèrent encore longtemps à se demander quelle mouche l'avait piquée pour qu'on le surnomme maintenant Réjean Belzébuth Rinfret sur toutes les chaînes de télévision, en rappelant ses exploits les plus méprisables.
Les pauvres parents de Belzébuth Rinfret, personnes douces et charitables, qui se portaient au secours de tout un chacun et donnaient même ce qu'ils n'avaient pas, se morfondaient d'assister à l'ascension de leur fils sur la montagne du Mal. Ils priaient, jours et nuits, pour le salut de son âme. Ils essayaient de comprendre ce qu'ils avaient bien pu faire à Dieu pour être si cruellement éprouvés dans leur sang et leur âme. Finalement, ils avaient abdiqués. C'était ses affaires, son monde, sa business... Et ils s'en tenaient le plus éloigné possible.
Et il était là, Belzébuth Rinfret le vieux singe, et il n'était plus le même...
Ils étaient tous là pour fêter le soixante-quinzième anniversaire de mariage de Maude Létourneau et Roméo Rinfret, les vieux parents de Belzébuth Rinfret.
Belzébuth Rinfret avait changé. Il était fatigué de tout et, d'abord et avant tout, lassé de lui-même. Il n'avait pas trouvé ce qu'il cherchait dans le crime. Les plaisirs qu'il y avait trouvés étaient gâtés par le souvenir de ses victimes qui le tourmenteraient jusqu'à la fin des temps. S'il était resté dur, violent et sans pitié, peut-être aurait-il eu meilleure mine. Mais quelque chose le minait de l'intérieur, quelque chose qu'il ne pouvait plus combattre avec ses poings, sa Harley et autres objets contondants. Belzébuth Rinfret avait le cancer.
Sous l'effet du cancer, Belzébuth s'était transformé en saint. C'est dur à croire, mais c'est bel et bien ce qui était arrivé.
Tout le monde qui était au soixante-quinzième de Maude et Roméo vous le diront.
Réjean avait une grande barbe blanche et de longs cheveux blancs.
Et vous savez quoi? Il était tout vêtu de blanc. Lui qui n'avait toujours porté que du noir. Du coup, Belzébuth Rinfret était méconnaissable.
Mais c'était sans compter ce qu'il racontait. Se plaignait-il de son cancer? Non. Pas du tout. Il remerciait même le cancer de lui avoir montré la voie.
-Vous savez, disait-il à ses frères et soeurs, j'ai faitte ben des gaffes dans l'passé... J'le sais que j'ai été un bâtard, un chien sale... Pis pire encore. J'n'y trouve pas d'excuses... Et je cherche le pardon... C'est pas pour rien que c'cancer-là est arrivé. I' faut que j'aide les autres. Vous comprenez? I' faut que j'sois là, ben en vie, pour apporter du secours à ceux qui en ont besoin... La vie n'a pas d'sens s'i' faut qu'on s'entretue les uns les autres! L'amour, oui, y'a qu'ça d'vrai... On devrait tous s'aimer que j'dis... Tous et toutes. Pas vrai?
Belzébuth Rinfret était sous l'effet de la morphine, bien sûr.
Mais ces propos n'en détonaient pas moins dans sa bouche, aux oreilles de ses frères et soeurs qui ne connaissaient de lui que «mes hosties d'tabarnak m'en va's vous arracher 'a tête st-christ de calice!»
Ce qui fait que ce fût un beau soixante-quinzième anniversaire de mariage pour Maude et Roméo, comme si la boucle était bouclée et que l'amour était enfin revenu dans leur cercle familial pour mettre fin à toutes ces tragédies vécues dans le passé.
-Popa, Moman, déclara Réjean au micro quand vint son tour de porter un toast, je vous porte un toast pour vous rendre hommage pour tout c'que vous nous avez appris, j'veux dire l'essentiel... L'amour... Vous avez été un exemple d'amour pour vos enfants et tout le monde autour de vous. Vous avez aimé les autres plus qu'i' vous ont aimés parce que vous êtes du monde ben doux et ben gentils... Et...
Et là Réjean pleura, les yeux fixés sur la centaine de personnes rassemblées là, à la salle de réception du Club de curling Mauricien. De le voir tout vêtu de blanc, les cheveux blancs et la larme à l'oeil, tout le monde s'est mis à avoir la boule dans le gorgoton et la larme à l'oeil.
-L'amour, y'a qu'ça vrai... finit tout de même par lancer Réjean dans un dernier souffle avant que de lever son verre et de déposer son micro.
C'était la dernière fois qu'on le voyait. Ce furent aussi ses dernières paroles connues.
C'était un reportage de Claude Poiré. Dans quelques instants, ce sera La Cane aux oeufs d'or. Surveillez bien vos numéros sur le billet. Et puis je vous reviens demain avec les funérailles de Réjean Belzébuth Rinfret, l'ex-chef des Blousons de l'Enfer, reconnu coupable de meurtre prémédité à trois reprises, et qui est mort d'un cancer lundi dernier après avoir bénéficié d'une libération conditionnelle en mars dernier...
Le temps avait gravé des monts et des vaux sur sa grosse face de bouc si spartiate naguère.
Il fût un temps où plusieurs le craignaient. Dont ceux qui en étaient morts. Il y en avait au moins trois dont on connaissait le nom dans les annales judiciaires. D'abord un certain tenancier de bar qui s'appelait Georges Sanschagrin. Le vieux bouc l'avait tué d'un coup de marteau bien placé entre les deux yeux. C'était du temps qu'il gagnait ses galons pour les Blousons de l'Enfer. Sanschagrin leur devait de l'argent pour des histoires de drogue.
Comment avait-il pu faire ça, Réjean? C'est ce que se disaient ses huit frères et ses soeurs, tous plutôt débonnaires, cordiaux, avenants, altruistes, charitables, généreux, sensibles, doux et pauvres. Réjean était bien le seul qui avait fait de l'argent, un jour, et du temps «en-d'dans», en prison, pour avoir cherché à faire de l'argent au mépris de la vie humaine.
Après le coup du marteau, il raffina sa technique. Réjean a tué Rémi Desjardins, l'ex-chef des Satan's Freaks, en l'enterrant dans le sable jusqu'au cou. Les témoins ont affirmé qu'il a fait au moins une vingtaine d'allers-retours sur sa Harley en feignant d'écraser la tête de Desjardins.
Desjardins criait au meurtre selon les témoins... Et Réjean l'a écrasé, au dernier tour de piste. Il a foncé à pleine vitesse sur la tête de Desjardins qui s'est fait décapiter sous la force de l'impact. La tête a revolé au moins vingt pieds dans les airs selon les témoins. Et Réjean s'est ensuite amusé à se balader avec sa tête dans les mains devant toute la bande. C'était à l'époque où il était devenu le chef des Blousons de l'Enfer...
Ensuite, Réjean a tué un gardien de prison. C'était au cours de la célèbre émeute dite «la grosse christ d'émeute de soixante-douze». Le gardien, Alexis Parthenais, cinquante-huit ans, célibataire et bègue, était le gardien le plus doux de l'endroit. Il se cachait tout le temps pour ne pas travailler. Encore une fois, les frères et soeurs de Réjean se tourmentèrent encore longtemps à se demander quelle mouche l'avait piquée pour qu'on le surnomme maintenant Réjean Belzébuth Rinfret sur toutes les chaînes de télévision, en rappelant ses exploits les plus méprisables.
Les pauvres parents de Belzébuth Rinfret, personnes douces et charitables, qui se portaient au secours de tout un chacun et donnaient même ce qu'ils n'avaient pas, se morfondaient d'assister à l'ascension de leur fils sur la montagne du Mal. Ils priaient, jours et nuits, pour le salut de son âme. Ils essayaient de comprendre ce qu'ils avaient bien pu faire à Dieu pour être si cruellement éprouvés dans leur sang et leur âme. Finalement, ils avaient abdiqués. C'était ses affaires, son monde, sa business... Et ils s'en tenaient le plus éloigné possible.
Et il était là, Belzébuth Rinfret le vieux singe, et il n'était plus le même...
Ils étaient tous là pour fêter le soixante-quinzième anniversaire de mariage de Maude Létourneau et Roméo Rinfret, les vieux parents de Belzébuth Rinfret.
Belzébuth Rinfret avait changé. Il était fatigué de tout et, d'abord et avant tout, lassé de lui-même. Il n'avait pas trouvé ce qu'il cherchait dans le crime. Les plaisirs qu'il y avait trouvés étaient gâtés par le souvenir de ses victimes qui le tourmenteraient jusqu'à la fin des temps. S'il était resté dur, violent et sans pitié, peut-être aurait-il eu meilleure mine. Mais quelque chose le minait de l'intérieur, quelque chose qu'il ne pouvait plus combattre avec ses poings, sa Harley et autres objets contondants. Belzébuth Rinfret avait le cancer.
Sous l'effet du cancer, Belzébuth s'était transformé en saint. C'est dur à croire, mais c'est bel et bien ce qui était arrivé.
Tout le monde qui était au soixante-quinzième de Maude et Roméo vous le diront.
Réjean avait une grande barbe blanche et de longs cheveux blancs.
Et vous savez quoi? Il était tout vêtu de blanc. Lui qui n'avait toujours porté que du noir. Du coup, Belzébuth Rinfret était méconnaissable.
Mais c'était sans compter ce qu'il racontait. Se plaignait-il de son cancer? Non. Pas du tout. Il remerciait même le cancer de lui avoir montré la voie.
-Vous savez, disait-il à ses frères et soeurs, j'ai faitte ben des gaffes dans l'passé... J'le sais que j'ai été un bâtard, un chien sale... Pis pire encore. J'n'y trouve pas d'excuses... Et je cherche le pardon... C'est pas pour rien que c'cancer-là est arrivé. I' faut que j'aide les autres. Vous comprenez? I' faut que j'sois là, ben en vie, pour apporter du secours à ceux qui en ont besoin... La vie n'a pas d'sens s'i' faut qu'on s'entretue les uns les autres! L'amour, oui, y'a qu'ça d'vrai... On devrait tous s'aimer que j'dis... Tous et toutes. Pas vrai?
Belzébuth Rinfret était sous l'effet de la morphine, bien sûr.
Mais ces propos n'en détonaient pas moins dans sa bouche, aux oreilles de ses frères et soeurs qui ne connaissaient de lui que «mes hosties d'tabarnak m'en va's vous arracher 'a tête st-christ de calice!»
Ce qui fait que ce fût un beau soixante-quinzième anniversaire de mariage pour Maude et Roméo, comme si la boucle était bouclée et que l'amour était enfin revenu dans leur cercle familial pour mettre fin à toutes ces tragédies vécues dans le passé.
-Popa, Moman, déclara Réjean au micro quand vint son tour de porter un toast, je vous porte un toast pour vous rendre hommage pour tout c'que vous nous avez appris, j'veux dire l'essentiel... L'amour... Vous avez été un exemple d'amour pour vos enfants et tout le monde autour de vous. Vous avez aimé les autres plus qu'i' vous ont aimés parce que vous êtes du monde ben doux et ben gentils... Et...
Et là Réjean pleura, les yeux fixés sur la centaine de personnes rassemblées là, à la salle de réception du Club de curling Mauricien. De le voir tout vêtu de blanc, les cheveux blancs et la larme à l'oeil, tout le monde s'est mis à avoir la boule dans le gorgoton et la larme à l'oeil.
-L'amour, y'a qu'ça vrai... finit tout de même par lancer Réjean dans un dernier souffle avant que de lever son verre et de déposer son micro.
C'était la dernière fois qu'on le voyait. Ce furent aussi ses dernières paroles connues.
C'était un reportage de Claude Poiré. Dans quelques instants, ce sera La Cane aux oeufs d'or. Surveillez bien vos numéros sur le billet. Et puis je vous reviens demain avec les funérailles de Réjean Belzébuth Rinfret, l'ex-chef des Blousons de l'Enfer, reconnu coupable de meurtre prémédité à trois reprises, et qui est mort d'un cancer lundi dernier après avoir bénéficié d'une libération conditionnelle en mars dernier...
mercredi 17 décembre 2008
ANDRÉ RÉMILLARD ALIAS L'HOMME DES BOIS
-Moé chu un gars d'bois. J'aime ça aller dans l'bois. J's'rais faitte pour vivre dans l'bois. Moé pis l'bois, c'est naturel, t'sais.
Je ne sais pas combien de fois il nous avait répété ça alors que l'on montait en hydravion au Nord de La Tuque, dans le coin du réservoir Gouin. À vrai dire, je ne sais plus trop où. Les noms indiens, je ne suis pas capable de les prononcer.
Toujours est-il qu'il nous a répété ça tout au long du trajet, ce sacré couillon, André qu'il s'appelait, André Rémillard sur sa carte d'assurance-maladie. Né en 1960. REMA07046012. L'air con comme un manche. Et pas juste l'air. La chanson aussi.
Qui avait eu cette idée d'inviter André l'homme-des-bois avec nous? C'était une vraie pie, ce freluquet vantard qui ressemblait à s'y méprendre à un orang-outan rasé de près, avec ses arcades sourcillières prononcées, son front fuyant et sa lippe bavante.
-Le bois, ça m'connaît. J'su's né dans l'bois. Y'a qu'le bois de vrai. Moé, j'su's ben dans l'bois.
Y'arrêtait pas le tabarnak. On avait hâte que l'hydravion se pose au sol. Ce qui finit par arriver, comme de raison.
-Toute une chasse-galerie avec c'te tabarnak d'André l'homme-des-bois, hein? que j'ai dit au grand Corbin en débarquant nos bagages sur le roc.
-Ouin, répondit Corbin. Ça va être long le week-end de pêche avec c't'hostie-là. Va falloir que que'qu'un lui farme sa grand' yeule!
On a planté nos tentes, défait nos bagages et ouvert quelques bières. André l'homme-des-bois parlait de moins en moins. Alors qu'on buvait tous les six autour du feu, André passait son temps à jeter un coup d'oeil derrière lui, comme s'il paranoïait. Je fis signe de la tête à Corbin qui tout de suite se mit à sourire. L'homme des bois avait peur... dans les bois!
On s'en rendit compte tout de suite. Il nous pissait presque dessus.
-André ciboire! Va pisser plus loin! La pisse r'descend vers nous autres!
-Ah! 'xcusez mais... hee...
Il s'avança plus loin d'à peine un ou deux pieds. Il ne se sentait plus du tout en sécurité.
La nuit venue, alors que nous avions tous regagné nos tentes André l'homme-des-bois s'est fait dire évidemment d'éteindre sa maudite lampe de poche.
-Ferme la lumière André, on veut dormir hostie!
André éteignit sa lampe de poche, de mauvais gré. Puis il se remit à parler, pour être sûr que nous étions bien là...
-Heille les gars j'vous l'ai-tu conté la fois où...
-Ta yeule André on veut dormir!
On ne lui a pas laissé le choix. Il s'est fermé la gueule. Et nous avons roupillé dans nos tentes, tant bien que mal, jusqu'à deux heures du matin.
-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrr!
-Qu'est-cé ça dit André à voix étouffée. Les gars!!! Les gars!!! Qu'est-cé ça?
-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrr!
-Couche-toé André, c'est un canard que je lui ai répondu.
En fait, je crois bien que c'était un ours...
La peur n'a pas lâché André de la nuit.
Et moi, eh bien je me suis dit que l'ours n'avait qu'à prendre ce qu'il voulait et me laisser dormir. Évidemment, je n'ai pas dormi. Comment dormir avec un ours dans les parages? Sauf que moi je ne me vantais pas que j'étais un homme des bois...
Le lendemain matin, André avait envie de chier. La première chose qu'il a faite, c'est d'emmener une carabine avec lui.
Autour de feu, je leur racontais l'histoire de l'ours de la veille et la peur que devait avoir notre homme des bois. On riait aux larmes.
Le grand Corbin a voulu beurrer un peu plus épais malheureusement.
Il a voulu faire peur à André l'homme des bois pendant qu'il chiait.
Ce qui fait qu'il s'est faufilé à l'indienne entre les épinettes pour surprendre l'homme des bois d'un cri d'ours plus ou moins bien imité.
-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaar!
Une détonation se fit entendre.
Puis un cri.
-Hostie! I' m'a tiré dans l'épaule! Ayoye-don' hostie d'calice! Vite les gars! J'saigne!
C'était le grand Corbin, évidemment.
André était resté figé raide, carabine en main, la bite à l'air, le pantalon pendant et rempli de merde. L'homme des bois était autant en état de choc que sa victime. C'était comme s'il faisait des bulles.
On a tout abandonné là et on a remonté dans l'hydravion pour le conduire sur-le-champ à l'hôpital de Grand-Mère. On a arrêté le sang du mieux qu'on a pu avec du linge propre.
Le grand Corbin a survécu. C'était une blessure mineure.
Mais si vous le revoyez, ne lui parlez plus jamais de André Rémillard, alias l'homme des bois.
Sérieux, y'est p'us capable d'entendre parler de c'te calice d'innocent-là.
Je ne sais pas combien de fois il nous avait répété ça alors que l'on montait en hydravion au Nord de La Tuque, dans le coin du réservoir Gouin. À vrai dire, je ne sais plus trop où. Les noms indiens, je ne suis pas capable de les prononcer.
Toujours est-il qu'il nous a répété ça tout au long du trajet, ce sacré couillon, André qu'il s'appelait, André Rémillard sur sa carte d'assurance-maladie. Né en 1960. REMA07046012. L'air con comme un manche. Et pas juste l'air. La chanson aussi.
Qui avait eu cette idée d'inviter André l'homme-des-bois avec nous? C'était une vraie pie, ce freluquet vantard qui ressemblait à s'y méprendre à un orang-outan rasé de près, avec ses arcades sourcillières prononcées, son front fuyant et sa lippe bavante.
-Le bois, ça m'connaît. J'su's né dans l'bois. Y'a qu'le bois de vrai. Moé, j'su's ben dans l'bois.
Y'arrêtait pas le tabarnak. On avait hâte que l'hydravion se pose au sol. Ce qui finit par arriver, comme de raison.
-Toute une chasse-galerie avec c'te tabarnak d'André l'homme-des-bois, hein? que j'ai dit au grand Corbin en débarquant nos bagages sur le roc.
-Ouin, répondit Corbin. Ça va être long le week-end de pêche avec c't'hostie-là. Va falloir que que'qu'un lui farme sa grand' yeule!
On a planté nos tentes, défait nos bagages et ouvert quelques bières. André l'homme-des-bois parlait de moins en moins. Alors qu'on buvait tous les six autour du feu, André passait son temps à jeter un coup d'oeil derrière lui, comme s'il paranoïait. Je fis signe de la tête à Corbin qui tout de suite se mit à sourire. L'homme des bois avait peur... dans les bois!
On s'en rendit compte tout de suite. Il nous pissait presque dessus.
-André ciboire! Va pisser plus loin! La pisse r'descend vers nous autres!
-Ah! 'xcusez mais... hee...
Il s'avança plus loin d'à peine un ou deux pieds. Il ne se sentait plus du tout en sécurité.
La nuit venue, alors que nous avions tous regagné nos tentes André l'homme-des-bois s'est fait dire évidemment d'éteindre sa maudite lampe de poche.
-Ferme la lumière André, on veut dormir hostie!
André éteignit sa lampe de poche, de mauvais gré. Puis il se remit à parler, pour être sûr que nous étions bien là...
-Heille les gars j'vous l'ai-tu conté la fois où...
-Ta yeule André on veut dormir!
On ne lui a pas laissé le choix. Il s'est fermé la gueule. Et nous avons roupillé dans nos tentes, tant bien que mal, jusqu'à deux heures du matin.
-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrr!
-Qu'est-cé ça dit André à voix étouffée. Les gars!!! Les gars!!! Qu'est-cé ça?
-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrr!
-Couche-toé André, c'est un canard que je lui ai répondu.
En fait, je crois bien que c'était un ours...
La peur n'a pas lâché André de la nuit.
Et moi, eh bien je me suis dit que l'ours n'avait qu'à prendre ce qu'il voulait et me laisser dormir. Évidemment, je n'ai pas dormi. Comment dormir avec un ours dans les parages? Sauf que moi je ne me vantais pas que j'étais un homme des bois...
Le lendemain matin, André avait envie de chier. La première chose qu'il a faite, c'est d'emmener une carabine avec lui.
Autour de feu, je leur racontais l'histoire de l'ours de la veille et la peur que devait avoir notre homme des bois. On riait aux larmes.
Le grand Corbin a voulu beurrer un peu plus épais malheureusement.
Il a voulu faire peur à André l'homme des bois pendant qu'il chiait.
Ce qui fait qu'il s'est faufilé à l'indienne entre les épinettes pour surprendre l'homme des bois d'un cri d'ours plus ou moins bien imité.
-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaar!
Une détonation se fit entendre.
Puis un cri.
-Hostie! I' m'a tiré dans l'épaule! Ayoye-don' hostie d'calice! Vite les gars! J'saigne!
C'était le grand Corbin, évidemment.
André était resté figé raide, carabine en main, la bite à l'air, le pantalon pendant et rempli de merde. L'homme des bois était autant en état de choc que sa victime. C'était comme s'il faisait des bulles.
On a tout abandonné là et on a remonté dans l'hydravion pour le conduire sur-le-champ à l'hôpital de Grand-Mère. On a arrêté le sang du mieux qu'on a pu avec du linge propre.
Le grand Corbin a survécu. C'était une blessure mineure.
Mais si vous le revoyez, ne lui parlez plus jamais de André Rémillard, alias l'homme des bois.
Sérieux, y'est p'us capable d'entendre parler de c'te calice d'innocent-là.
mardi 16 décembre 2008
LA CONVERSION DE JOS BINE
Rien de mieux que les bas-fonds pour y recruter soldats et prosélytes.
On ne saurait s'imaginer plus dans les bas-fonds que dans le fin fond du rang du Pays Brûlé de la municipalité de la paroisse de St-Célestin, petite communauté d'à peine six cent soixante-dix âmes située sur la rive sud du fleuve Magtogoek, à vingt minutes de Twois-Wivièwes.
C'est là que Jos Bine avait trouvé refuge pour dégriser après la fermeture des bars. Et c'est là qu'un beau matin les Témoins de Jérola débarquèrent pour enjôler Jos Bine avec tout plein de belles paroles sur Dieu qui donnent un sens à la vie, même au plus trou du cul des trous du cul.
Ah! C'est qu'ils tombaient bien ce matin-là, les Jérola, puisque Jos Bine était las, vert, bref malade.
Imaginez un lilliputien en jeans et tee-shirt sales, la barbe pas faite, la gueule ahurie d'un pochard du fin fond d'un rang, et vous aurez de quoi vous faire un portrait de Jos Bine. Ajoutez-y des cheveux noirs moutonneux et une barbe idoine. Hop-là! C'est Jos Bine tout craché.
Et ce p'tit christ d'ivrogne s'est évidemment laissé séduire par les deux Témoènes d'autant plus qu'elles étaient ravissantes aux yeux de cette raclure de Jos Bine. Et là, laissez faire l'imagination. Les Témoènes de Jérola sont obligées de porter des jupes ce qui fait que les Jos Bine leur reluquent les mollets et en attrapent des bandaisons, même après avoir vomi toute la bière et la poutine de la veille.
-Miséricorde! quel bon vent vous emmène par ici jolies fées? leur déclara tout bonnement Jos Bine, du fait que c'était la première fois qu'une femme venait le visiter. Et comme elles étaient deux, et qu'il voyait encore double, Jos Bine ne voyait que des fées.
-Bonjour monsieur! Nous vous apportons la parole de Jérola, Notre Dieu!
-Ah ben entrez don' mesd'moiselles, entrez don'... Excusez ma tenue, j'su's en combine à panneaux... J'viens juste de me l'ver.
-C'est pas grave monsieur... C'est pas grave, lui dit la grande blonde aux gros mollets.
Et là, Jos Bine les écouta et il regardait leurs lèvres, leurs seins, leurs mollets. Puis il sentit lui aussi qu'il était depuis toujours un Témoin de Jérola.
-Jérola est bon puisqu'il m'a permis de vous rencontrer mesd'moiselles!
-Nous tenons un office ce soir. Si vous voulez vous présenter à la salle du Royaume...
-Pensez-vous qu'vous pourriez m'donner un lift, hein? J'su's à pieds. Mon char est kaputt...
-Hee... Oui? dit la petite blonde à la grande blonde.
-Ok... répliqua la grande, qui ne pouvait accomplir ainsi que la volonté de Jérola.
Ce qui fait qu'ils sont venus le chercher Jos Bine, imaginez-vous donc. Le soir même, pour l'emmener à la salle du Royaume. Il était rasé de près, pour une fois, et sentait la lotion après-rasage bon marché. Jos Bine avait même mis une chemise et une cravate. Il avait instinctivement compris le principe pour devenir un Témoin.
-Merci, leur dit Jos Bine alors qu'il prenait place dans leur Hyundai, merci vous êtes ben fines mes fées. Ça ne vous dérange pas si j'vous appelle mes fées, hein?
-Moi c'est Miranda...
-Et moi c'est Lucie...
-Bonjour Miranda. Bonjour Lucie... Hee... J'aurais autre chose à vous d'mander s'i'-vous-plaît!
Et là, Jos Bine leur demanda de l'emmener chez son ami Ti-Paille pour qu'il aille reprendre son linge propre, compte tenu qu'il n'avait pas de laveuse chez-lui.
-Ce sera pas long. J'en ai pour dix minutes. Pourriez-vous r'venir me chercher dans dix minutes, hein?
-Hee... Oui... Ok... répondit Miranda, la petite blonde au volant.
-Il ne faudrait pas arriver en retard à la salle du Royaume! ajouta la grande Lucie.
-Non, non, ce s'ra pas long!
Les deux Témoènes laissèrent Jos Bine chez Ti-Paille, qui habitait un peu plus loin sur le rang du Pays Brûlé.
Quelle ne fût pas la stupeur de Ti-Paille de voir Jos Bine sur son trente-six.
-Man! lui dit tout de go Ti-Paille, un revendeur-consommateur de drogue invétéré avec une montre en or. Où c'est qu'tu t'en vas d'même? À un enterrement?
-Je m'en vais à la salle du Royaume, Ti-Paille. Je suis devenu Témoin de Jérola.
-Témoin de Jérola? Ah ben j'ai mon voyage! Veux-tu une bière?
-Ben sûr.
Et Jos Bine bois une bière, puis deux bières.
-Au fait Ti-Paille, tu m'as pas dit qu't'avais r'çu d'l'acide?
-Ouin.
-Donne moé z'en don' s'i'-vous-plaît.
Jos Bine se tape un buvard, comme de raison, et il ne se passe rien sur le moment, tout simplement parce que ça n'agit pas tout de suite en criant toc! toc! toc!
Au fait, le toctoctoc, c'était les deux Témoènes qui cognaient à la porte de chez Ti-Paille pour venir récupérer leur nouveau Témoin de Jérola, bière en main, avec un acide dans le corps.
-Entrez mesd'moiselles! Entrez c'est pas barré! leur cria élégamment Ti-Paille.
Les deux Témoènes firent tout de suite remarquer à Jos Bine qu'il était interdit de boire chez les Témoins de Jérola.
-Ok d'abord. J'boirai p'us. Heille Ti-Paille, veux-tu finir ma bière s'i'-vous-plaît? On n'a pas l'droit d'boire dans ma religion!
-Ok, j'va's la finir, répliqua Ti-Paille.
-Nous devons y aller... Tu nous avais pas dit que tu devais ramener ton linge, Jos? demanda Lucie sur un ton s'approchant de l'impatience très terrestre.
-Le linge! Caline de bine! J'ai oublié mon linge! Minute! Ce s'ra pas long!
Jos Bine prend un sac à ordures vert et il vide la sécheuse de tout son contenu.
-Merci encore Ti-Paille! Que Jérola te bénisse!
-Y'a pas d'quoi. Ça m'a fait plaisir. Tu r'passeras. J'su's pas sorteux.
Direction salle du Royaume, avec Jos Bine assis sur le siège arrière, comme s'il était conduit en prison par des policiers. L'acide commençait à embarquer...
Ils arrivent à la salle du Royaume.
Ils débarquent.
Et là, à l'intérieur, Jos Bine entend toutes sortes de trucs pas d'allure, vois toutes sortes de lumières fuckées et il se met à freaker.
-J'ai soif. Avez-vous d'la bière icitte? qu'il demande naïvement.
-Il n'y a pas d'alcool ici! L'alcool rend l'homme semblable à la Bête, dont le numéro est six cent soixante-six! lui répond Lucie avec fermeté.
-Wo! Wo! Wo! J'ai soif moé calice! Six cent soixante-six mon cul!
Ce qui mit fin à sa Foi instantanément.
Trois secondes plus tard, Jos Bine marchait en direction du dépanneur, puis revenait chez Ti-Paille avec une caisse de vingt-quatre.
-Je suis Dieu, déclara-t-il à Ti-Paille en traçant des cercles dans l'air avec sa tête.
-Moi aussi, ajouta Ti-Paille, qui en avait fait pas mal lui aussi et qui l'accueillit avec un masque de plongée sous-marine.
Jos Bine a fini par rentrer chez-lui deux jours plus tard, dans le fin fond du rang du Pays Brûlé.
Ti-Paille s'est fait pincer par les narcs.
Lucie et Miranda portent encore des jupes et leurs enfants sont fuckés dans tête comme s'ils avaient faits de l'acide. Ils s'imaginent que la fin du monde est proche et qu'Armand Godin va venir tout décrisser pour ne sauver qu'une poignée de Justes.
lundi 15 décembre 2008
LE RETOUR DE STRAVOGUINE
Il voulait changer le monde. C'était un nouveau Stravoguine atterri dans le quartier. Un quartier dostoïevskien de Twois-Wivièwes où tout finit par ressembler à un roman russe, avec la neige et les grands froids en prime; les patates, les navets, le mauvais tabac et les rognons pour la déprime. C'était un quartier pauvre, ouais, le quartier Sainte-Cécile, coincé entre la Wabasso Textile et la Canadian International Pulp and Paper Company.
Pas étonnant, donc, que l'on trouvât dans cet environnement plein de types qui ne cherchaient qu'à changer le monde, comme ce nouveau Stravoguine.
Il marchait toujours la tête basse, le dos voûté, les yeux brûlants comme des tisons pour alimenter d'images inutiles une vraie cervelle de moineau à peine capable de lacer une paire de souliers.
Personne ne savait son nom. Ce qui fait que tout le monde l'appelait Le Maillet-avec-son-grand-trenchcoat-du-KGB. Généralement, tout le monde s'en tenait à l'appeler Le Maillet tout court.
L'idée de changer le monde tenait tellement Le Maillet occupé qu'il ne voyait rien de ce qui se passait autour.
Le Maillet lisait Sartre, Camus, Mao, Staline, Hitler et Gandhi. Tout de travers. Et il se faisait de ce galimatias un semblant de pensée originale. Ce qui lui demandait du temps et de l'organisation pour que le ciment tienne. Ça lui demandait aussi du décor, un costume, du théâtre -ce qui se résumait à quelques poses dans le miroir savamment étudiées pour se donner des airs faussement charismatiques puisque le théâtre et les costumes ne réussissaient pas à faire oublier sa gueule de crétin.
-Je suis un cadre révolutionnaire du futur Parti des masses laborieuses et je n'ai pas le temps de travailler. Je dois penser. Je dois changer le monde! pleurait Le Maillet à qui mieux mieux en brandissant le poing et en scandant des slogans.
-Tout, tout, tout vous saurez tout sur le pays! hurlait-il en brandissant toutes sortes de bannières et de drapeaux.
Il baisait peu. À vrai dire, pas du tout. D'où cette hargne. Cette grogne. Cette gueule de con.
-Au poteau! Les ennemis du peuple! Au poteau! glapissait-il quand il était saoul à s'uriner sur lui-même.
Et bien sûr, il se voyait dans le rôle de l'ami du peuple. N'avait-il pas la panoplie? Il arborait fièrement son béret, ses badges au contenu graphique nul, ses tracts soporifiques, ses journaux sur dix huit colonnes pas d'images, sinon celles du Grand Timonier, du Petit Père des Peuples et autres Soleils des Nations. Il n'avait pas que l'air d'un con. C'en était un, c'était bien évident.
Et jamais il ne tenait la porte pour laisser passer une vieille avec les bras remplis de bagages.
Et jamais il ne disait bonjour, comment ça va, en forme, merci, au revoir et autres formules de politesse bourgeoise. En fait, il ne disait rien. Il semblait dire «Souffrez que je vous voie, vils esclaves, à genoux devant les ordures fédéralo-capitalistes!» Peut-être qu'il semblait dire aussi «Vous êtes rien qu'd'la merde à mes yeux! Et vous ne serez toujours que d'la merde! Je vais toujours vous chier dessus.»
Bref, il s'était débarrassé de toute forme de sentiments bourgeois.
L'amour? Cela s'achète et comme il n'avait pas d'argent, il était vierge.
L'amitié? Rien ne vaut l'amitié entre un homme et sa Cause. Parents, amis et balayeurs de rue peuvent être sacrifiés pour une Cause aussi noble et bonne, réfléchie longuement dans quelques bazars du livre.
Et le reste? Le reste n'était là que pour détourner de la Cause.
Ce qui fait qu'il n'aidait personne autour de lui.
Le Maillet méprisait le monde entier.
Et les petites gens dans le quartier le prenaient un peu en pitié, parce qu'ils sont gentils somme toute. Et tout un chacun lui donnait de la sauce à spaghetti ou du pot pour qu'il se sente bien intégré dans le quartier.
-C'est un pauvre ti-gars, pas d'blonde pis toutte... disaient ses vieux voisins hippies qui l'avaient pris en affection. I' f'rait mieux de s'trouver que'qu'une pour s'calmer les hormones. À c't'âge-là, on dira c'qu'on voudra, i' faut ben qu'le jus sorte en que'que part, en seul'ment qu'other-ment ça va leu' jaillir par les z'oreilles! L'Maillet faudrait qu'i' arrête e'distribuer des tracts à porte du Super Calice... I' f'rait ben mieux d'se mettre! On va y présenter la fille à Raymonde. Est tu-seule elle aussi pis elle aime le chocolat. I' d'vrait être capab' de y'acheter ça, du chocolat, Le Maillet? Hein?
Ben non! Le Maillet voulait rien savoir.
Il prenait toutte comme si ça lui était dû.
Et il s'enfermait chez-lui, le soir, pour insulter le peuple devant son miroir.
-Obéissez! hurlait-il. Obéissez!!!
C'était vraiment un hostie d'maillet.
Je ne sais pas ce qu'il fait aujourd'hui, Le Maillet, mais j'espère qu'il s'est trouvé une job.
Dans son cas à lui, travailler ça ne lui ferait pas de tort.
Ça le rapprocherait des masses laborieuses.
Qui veulent des breaks plus longs pis d'l'argent comptant, pas des séances d'éducation populaire pis des tickets de rationnement...
dimanche 14 décembre 2008
LA NEIGE TOMBE
Il est insensé de se plaindre de l'hiver, la plus belle de nos saisons.
Une neige fine tombe encore sur Trois-Rivières ce matin. Les flocons virevoltent entre les branches des arbres dénudés avant que d'être projetés à ma fenêtre - d'où je contemple les saisons tout en pratiquant mes arts préférés.
Je syntonise Espace Musique sur mon magnétophone à double cassettes Citizen, en me rappelant le vieux Charles Bukowski, qui se régalait lui aussi de musique classique subventionnée. Il écrivait en écoutant Schubert, comme j'écris ce matin en écoutant un gus que je ne réussis pas à identifier. Chou vert, peut-être? Mozzarella?
Selon la légende qu'il s'est forgée dans ses romans avec son double Chinaski, le vieux Buk balançait sa radio par la fenêtre quand il en avait marre d'avoir tout bu. Ce qui ne m'arrivera pas. Je ne suis pas du type explosif et j'ai rarement trop bu, compte tenu que ça fonctionne avec le poids, l'ivresse.
Enfin, je n'ai jamais balancé de radio par la fenêtre ni donné de coups de poing dans le mur pour faire passer une rage intenable. J'ai la musique et la peinture, en plus des mots, pour me débarrasser de mes mauvaises humeurs.
Tiens, parle, parle, jase, jase, écris, écris, et la neige se fait encore plus fine. La température est plus douce aussi.
Il est insensé de se plaindre de l'hiver.
PS: La photo ci-dessus a été prise dans le quartier St-Philippe. C'est là où je vis en ce moment. Ce quartier était en pleine campagne à la fin du XIXe siècle. Plusieurs maisons de cette époque sont demeurées dans le paysage. Ce qui confère un côté champêtre au quartier, voire un côté western. C'est le côté que j'aime de Twois-Wivièwes, son côté simple, pas du tout vaniteux, où l'on ne se sent pas dévisagé si l'on se promène dans la rue avec des combines à panneaux et des claques de rubber.
samedi 13 décembre 2008
ÇA SENT LE TEMPS DES FÊTES CHE'-NOUS (SUITE)
Pour donner suite à mon billet précédent, voici un aperçu de ce que je vais manger le 31 décembre prochain. Il manque ragoût, le dindon, déjà cuits mais congelés. Ma blonde a son hostie d'voyage. L'art culinaire, c'est épuisant.
Pour ne pas être en reste, j'ai fait de la peinture. Vous me voyez ci-dessus en train de peindre une patinoire. Il reste plusieurs détails à ajouter, mais ça prend forme. Ça fait trois jours que je suis là-dessus. L'art, même si ce n'est pas de l'art culinaire, ce n'est pas de la tarte!
ÇA SENT LE TEMPS DES FÊTES CHE'-NOUS!
Ma blonde était debout très tôt ce matin pour préparer le ragoût, la dinde, les tourtières et les tartes en prévision de notre festin païen du 31 décembre.
Ce qui fait que je me suis levé très tôt moi aussi, tentant d'apporter ma contribution à l'organisation domestique, ne serait-ce que pour goûter les mets ou bien laver la vaisselle.
Ma description de tâches comprend aussi les allers-retours entre la cuisine et les bacs à ordures. Je m'occupe aussi de pelleter la neige pour pouvoir circuler en cas d'urgence. Si je me tapais une crise de coeur en pelletant, par exemple, il serait facile aux ambulanciers de circuler. Bref, chacun prend sa place et tout va très bien ainsi.
La première chose que j'ai vue ce matin, en me donnant des claques sur la queue pour diminuer mon bandage de pisse, c'est la lune qui luisait entre les branches de l'arbre de l'arrière-cour.
Quelle était magnifique cette pleine lune, ronde et froide, accrochée au givre de ma noosphère. Ma cour arrière ressemblait à une fantaisie de Walt Disney, avec la neige fine, les ombres bleutées et la pleine lune de décembre. (Et elle est non seulement magnifique, mais incroyablement près de la terre, si l'on se fie à cet article...)
-Wahouuuu! Bé! Viens voir ça! Ça ferait une christ de belle photo! Wa!
Et je m'amusais à la regarder, cette pleine lune, en me servant de mes orteils pour mieux la pointer, histoire aussi de me déplier les genoux.
Évidemment, ma blonde l'a prise en photo. Et vous pouvez voir le résultat ici, pour vous prouver que j'ai de la suite dans les idées. N'est-ce pas qu'elle est jolie, la lune?
Ça sent les épices dans la maisonnée. L'odeur caractéristique du temps des Fêtes. Je prendrais bien une petite shot de brandy. Deux fois n'est pas coutume...
Il faisait moins dix-sept celsius ce matin. C'est plutôt froid pour une fin d'automne.
J'ai quelques travaux sur la planche aujourd'hui. Ce qui fait que l'ordi va probablement prendre le bord pour la journée. Il faut que je participe aux préparatifs du temps des Fêtes à ma façon, et pas juste pour goûter aux mets, ce qui demande tout de même des papilles gustatives exceptionnelles, ce dont je puis humblement me prévaloir. Ce qui me permet de me rendre utile à quelque chose.
Je dois terminer une toile sur le thème de la patinoire. Il y a tout plein de personnages, encore une fois.
J'ai deux nouvelles et un roman à terminer. Et un recueil de poésies plates. Et une bande dessinée. Et une pièce de théâtre. Et un essai sur la littérature. Et un essai sur la politique. Et un essai sur L'essayage. J'ai trop de mots et je ne sais plus quoi en faire. Et j'ai des vers à mettre en musique, des rigodons à jouer sur mon harmonica et mon accordéon, des chansons grivoises à chanter à la guitare et des enregistrements, oui, des fucking enregistrements... Ma vie en kaléïdoscope.
La vie d'artiste n'est pas facile, mais elle est toujours remplie. D'autres s'ennuient. L'artiste, lui, préfère ennuyer les autres.
Je ne vois jamais les jours passés. J'ai toujours quelque chose en chantier. J'ai du travail pour neuf existences terrestres et je ne suis pas un shah, juste un clerc du nouveau prolétariat urbain qui se donne à deux millions de pourcent pour son art, qui est avant tout un art de vivre.
Et rien ne me soutient mieux dans l'effort que l'odeur des tourtières, du ragoût, de la dinde, alouette!
Ce n'est pas pour la vanter, mais ma blonde est une sacrée cuisinière. Nous ne mangions qu'au restaurant lors de nos premières fréquentations. Je pensais qu'elle ne savait pas cuisiner et je faisais très bien avec. Mon coeur lui était acquis avant même que je ne découvre la meilleure cuisinière que j'aie connue à des milliers de verstes à la ronde. Elle m'a eu par le coeur, l'estomac et tous les autres organes.
Et là, eh bien il faut que je vous quitte.
Je sens qu'elle a besoin d'aide.
Il y a une odeur de sucre dans l'air.
Il faut que j'aille goûter.
***
En supplément
Voici une autre photo que ma blonde a prise ce matin. Comme quoi elle trouve le temps de s'amuser tout en popotant ses tartes et ses tourtières.
Cette photo ci-dessous, c'est bibi qui l'a prise. Une chaise avec de la neige. C'est cool, hein?
vendredi 12 décembre 2008
AU RESTO CHEZ TI-BEN
Je me suis remis à mes pinceaux une fois de plus pour peindre mon ami Ti-Ben, un cuisinier populaire qui accueille toute une faune hétéroclite dans son logement adapté du quartier Ste-Cécile. Adapté à la chaise roulante de Ti-Ben qui a survécu à une chute d'un sixième étage en y laissant une jambe et quelques autres os ici et là. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir l'air bien plus en forme que bien des geignards autour de nous. Il ne se plaint jamais. Pourquoi? Parce qu'il ne s'ennuie jamais.
Il règne chez Ti-Ben une atmosphère permanente de cour des miracles et j'y vais régulièrement pour prendre les nouvelles et piquer au passage quelques récits truculents. On se croirait presque dans un conte russe chez Ti-Ben.
-Un comte russe? Certainement, de dire Ti-Ben. Je m'appelle Igor Lapoffe, pour vous servir. Mou-ha-ha-ha!
C'est que Ti-Ben est un sacré conteur. L'une n'attend pas l'autre, comme on dit, et vous ne sauriez deviner à quel point je tiens en haute estime l'art de bien raconter une histoire. C'est mon côté barde, que voulez-vous. Et chez Ti-Ben, c'est toujours du dix pour un par histoire, chacune s'imbriquant dans une autre pour se terminer en chef d'oeuvre de littérature orale. Quand t'es en panne d'inspiration, tu vas chez Ti-Ben et tu lui piques des histoires, il en a tellement qu'il ne s'en rendra même pas compte.
Ti-Ben aura bientôt cinquante-neuf ans. C'est un vieux freak des années '70, un Hellzhaimer, comme il dit, bref un «vieux motard que jamais». Son chanteur préféré? Ben voyons, c'est Neil Young. Son guitariste préféré? Steve Hill bien sûr. Et si l'un ou l'autre passe dans le coin, sûr que Ti-Ben vous en parlera en vous obligeant à acheter un billet sous peine de vie ou de mort. Ce qui en fait un agent aux communications inestimable pour tout artiste digne de ce nom. Croyez bien que j'en profite. Le tableau reproduit ci-dessus, une toile de format 2 pieds par 3 pieds, sera exposé chez Ti-Ben et tous ses invités se sentiront bientôt obligés de m'acheter des tableaux.
-N'est-ce pas que j'suis rusé mon Ti-Ben?
-Attends ti-peu! qu'il me répondra. Je réclame 0,1% de 1% sur toute vente effectuée sans mon consentement légitime! Et pour le vernissage de cette oeuvre, j'organise un grand dîner au spaghetti samedi prochain! J'va's faire une grosse batche de sauce pour tout l'monde, même pour ceux qui sont pas du monde! Mes p'tits oiseaux qui ont faim mérite de faire bombance! Alléluia! Jésus est bon!
Et là, il foutra du Neil Young dans son système de son et sortira sa bouteille de brandy pour faire un petit café amélioré. Et puis il racontera une histoire, comme d'habitude.
-J't'ai-tu conté l'histoire du vieux bonhomme qui avait une terre à St-Éleuthère, près de Rivière-du-Loup, pis qu'i' faisait semblant d'la vendre pour r'cevoir d'la visite, juste parce qu'i' s'ennuyait?
-Hee... Non, tu n'me l'as pas contée...
-Ah... Pis celle d'la guitare à douze cordes à six cordes de Luc Sinotte?
-Hein?
-Attends ti-peu. On va d'abord verser du brandy dans l'café. Ça va éclaircir les idées, rincer le coeur pis en plus c'est compris dans l'forfait!
-Keep on rockin' in a free world...
-Yeah!
jeudi 11 décembre 2008
LE TRANSPORT EN COMMUN FAIT DUR EN TABARNAK À TROIS-RIVIÈRES
J'ai assisté une seule fois à une assemblée générale de la société de transport en commun de Trois-Rivières. Il n'y avait presque personne. Les mêmes types avaient été reportés aux mêmes fonctions avec, en prime, une hausse de tarif pour les usagers, comme d'habitude. «Faisons payer les pauvres!» C'est une maxime parfaite pour l'ancien comté de Duplessis.
La première question à se demander c'est donc pourquoi personne n'assiste aux assemblées publiques de la STTR? Évidemment, je me la pose aussi pour moi-même, cette question. Et je n'ai pas de réponses. Juste d'autres questions.
Pourquoi n'y a-t-il pas d'usagers du transport en commun siégeant sur le conseil d'administration de la STTR? Il faut avoir un char pour être sur le CA, c'est ça, hein?
Pourquoi le tarif passe-t-il de 2,85$ à 3,00$ en janvier 2009?
Pourquoi avons-nous un service pourri, où tu dois parfois te les geler pendant une heure parce que l'autobus est encore en retard?
Pourquoi ça prend une heure et demie à l'autobus pour se rendre à un endroit qui se fait facilement en vingt-cinq minutes à pieds?
Pourquoi certains chauffeurs conduisent comme s'ils se moquaient des femmes avec leurs bébés, des vieilles avec leurs cannes, des aveugles et autres biens-portants?
Pourquoi le terminus d'autobus, promis depuis des années au centre-ville de Trois-Rivières, et toujours reporté à une date ultérieure par les bons soins d'un maire plus siphonné que visionnaire, ne sera construit qu'en 2009?
Ça, je peux vous le dire pourquoi. En plus des élections municipales qui s'en viennent en novembre 2009, je parie que quelqu'un est sur le point de se faire tuer au pseudo-terminus actuel.
Allez-y voir, rien que pour vous dire que je ne suis pas un menteur. Allez au coin des rues Badeaux et St-Georges vers seize heures trente, à l'heure où tout le monde quitte le travail. Regardez-moi ça, le pseudo-terminus d'autobus de Trois-Rivières actuel...
ÇA FAIT DUR EN TABARNAK!
Regardez les piétons se faufiler entre les automobilistes enragés pour ne pas manquer leur correspondance. Ça court, ça glisse et parfois ça tombe devant des tas d'autos qui ne demandent qu'à prendre l'autoroute 55 au plus vite pour rentrer à la maison.
Un automobiliste qui siège sur le CA de la STTR a eu la brillante idée de mettre le terminus d'autobus en plein milieu d'une zone régulièrement congestionnée par la circulation automobile. Et ça donne ce que ça donne. Sûr que le maire et les députés ne se déplaceront jamais pour voir ça. Je le sais: je le leur ai déjà demandé ça, bien naïvement, dans une lettre ouverte publiée dans Le Nouvelliste il y a déjà deux ou trois ans de ça. Rien n'a changé depuis. Peut-être que je ne m'y suis pas pris de la bonne façon et que d'envisager le problème sous l'angle des piétons était voué à l'échec.
Je me reprendrai donc autrement.
Qui fait pitié là-dedans, au fond? Les automobilistes bien sûr.
Ils se font ralentir par des tas de pauvres et de vieux qui n'ont pas de permis de conduire et qui se croient tout permis juste parce qu'ils prennent le transport en commun, un transport où ça pue, ça crie et ça ne va pas vite en plus d'arriver toujours en retard.
Et il faudrait freiner pour la canaille? Non. Les automobilistes devraient disposer d'une voie rapide sur la rue St-Georges pour se rendre à l'autoroute. Et, pour ce faire, il faudrait que les autobus se stationnent ailleurs pour satisfaire les besoins de la canaille de se véhiculer pour se rendre au travail, souvent en retard, parce que la canaille n'a pas comprise qu'elle devrait partir toujours deux heures avant et prévoir que l'autobus sera en retard.
Pourquoi serait-il en avance, l'autobus?
Pourquoi la canaille devrait-elle être bien servie?
Trois-Rivières, c'est connu, n'est pas une ville verte.
C'est une ville brune.
Les piétons et les usagers du transport en commun n'ont qu'à manger d'la marde, comme d'habitude.
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