samedi 27 décembre 2008
KILL! KILL! KILL! À STE-ANNE-DE-LA-PÉRADE
Des millions de petites morues d'eau douce, communément appelées poulamons, se retrouvent à chaque année dans la rivière Sainte-Anne pour s'y reproduire. On les appelle aussi p'tits poissons des chenaux dans le jargon local.
Pendant qu'ils se reproduisent, des milliers de touristes affluent vers le petit village de Ste-Anne-de-la-Pérade pour venir les taquiner avec quelques milliers d'hameçons appâtés de petits morceaux de foie de porc. Ils le font bien au chaud, dans de petites cabanes posées sur la glace. Évidemment, c'est aussi l'occasion de boire et de délirer.
Il rentre souvent plus de bière et d'alcool dans ces petites cabanes qu'il ne sort de poulamons. Et la plupart des poulamons, par ailleurs, finissent aux ordures. Parce que la plupart des touristes n'aiment pas ce poisson, généralement bourré d'arêtes sinon de vers. Ce n'est pas pour rien qu'on fait saler la morue. La peau est tellement délicate que des tas de vers s'en délectent. La petite morue n'y échappe pas plus que la grande.
La saison de la pêche aux p'tits poissons des chenaux est ouverte, quoi qu'il en soit.
Saoulez-vous sur la glace pendant que les poulamons fraient.
Effrayez-les, les poulamons. Rendez leur la vie désagréable dans ce qui devrait être leur plus beau moment. Ils font l'amour dans le fond de la rivière Sainte-Anne tandis que les humains vomissent dans le trou de glace les excédents de leurs saturnales de crétins dits civilisés.
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On chassait le bison rien que pour leur langue ou leurs testicules du temps de la ruée vers l'Ouest américain.
À Ste-Anne-de-la-Pérade, on a amélioré la chose. On pêche juste pour se saouler. Et on jette le p'tit poisson des chenaux aux vidanges sitôt le péché commis.
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Il paraît qu'il existe une loi non écrite dans les médias locaux selon laquelle on ne doit jamais tenir de propos négatifs sur la pêche aux poulamons à Sainte-Anne-de-la-Pérade.
C'est une business, voyez-vous. Et ça s'achète des pleines pages de publicité. Donc, mollo pour la critique trop sévère. Dixit le boss.
C'est toujours un temps idéal pour pêcher, selon les médias locaux, même quand la glace fond et que les cabanes flottent au milieu de la rivière. Tout journaliste sait ça. Et il est mieux de le savoir.
Les pêches sont toujours miraculeuses.
Les enfants s'y amusent. La mascotte est rigolote.
La gibelotte de poulamon est délicieuse et a un fumet irrésistible.
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Bill Therrien loue des cabanes depuis trente-cinq ans et il sait que c'est une fête familiale. Le seul moment où lui et sa famille font du cash au cours de l'année. Peut-on lui en vouloir?
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Un type a perdu son dentier dans le trou de glace pendant qu'il dégueulait son trop-bu d'alcool.
-Hos'ie! Mon den'ier!
L'autre ivrogne le tient par les pieds pendant que le type cherche son dentier sous la glace.
Comme l'autre est fin saoul, il le tient jusqu'à ce que les pieds de l'homme-grenouille improvisé cessent de bouger.
-Sors-lé man! Y'est en train de s'noyer!
L'autre le ramène au-dessus de la glace.
Le type est bleu.
Il rit, malgré tout, et rira longtemps la fois où il a failli se noyer à la pêche aux p'tits poissons des chenaux parce qu'il avait perdu son dentier en vomissant dans le trou de glace...
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Tuez-en un max les amis! Gênez-vous pas. Tuez pour le plaisir.
Tuer sans manger ce que l'on tue, c'est sans doute le nec plus ultra de la belle sensibilité humaine.
Kill! Kill! Kill!
Il y en a en masse.
Ne vous gênez surtout pas.
La saison de la pêche aux petites morues est ouverte.
Kill! Kill! Kill!
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Bravo pour ce texte, j'applaudis la forme rythmée, un vrai crescendo, et le fond "trou de glace". J'ai habité Ste-Anne de la Pérade pendant 4 ans. Mon fils y est né et il en a sûrement gardé un souvenir impérissable, puisqu'à depuis quelques années, il est retourné l'habiter, entraînant même son frère. Je dis, y retourner, c'est tout comme, puisqu'il est à St-Prosper, petite village tout à côté. Le village "commercial" de St-Prosper, c'est Ste-Anne-de-la-Pérade.
RépondreEffacerNous n'avons jamais été pêché, bien évidemment. C'est une trappe à touristes et pour les habitants qui ne sont pas impliqués c'est un phénomène étrange. Si l'idée, c'est de se sentir dans un nowhere, dans l'exotique et l'intimité d'une petite cabane, ne pêchez pas. Pêchez en masse mais ne pêchez pas.
J'en ais mangé du poulamon, apprêté par les restos du village mais décrit comme tu l'as fait, j'ai des relents rétroactifs de mauvaise digestion !
C'est vraiment con... Je ne sais pas c'est quoi l'idée d'aller se geler le cul pour prendre une brosse...
RépondreEffacerÇa me peine de penser que le lit de la rivière se retrouve jonché de tessons de verre, de dentiers édentés et de cochonnerie en tous genres. J'espère que les gens sont plus respectueux que ça !
À mort ! Hue !
RépondreEffacerJ'aime beaucoup ce billet.
RépondreEffacerIls n'ont pas la capacité de nous communiquer eux-mêmes ce qu'ils subissent...autrement peut-être que via la sensibilité humaine toujours existante de certains.
Et l'image du crétin en train de se faire "waterboardé" involontairement par son crétin d'ami...MERCI! J'en ris encore!
-Misko
Ce qui a dû être perçu comme une pêche miraculeuse (la rivière est quand même tout juste à côté de l'église paroissiale, non?) est maintenant vu comme une tuerie sans nom et inutile.
RépondreEffacerUn prétexte pour se saouler dans une cabane, en fait.