dimanche 7 décembre 2008

DANS LE GARDE-ROBE, SUR UN TAS DE LINGE SALE


«Cette grosse hostie d'chienne sniffait tout la nuitte. Son chum aussi, sauf qu'i' était jamais là. I' fourrait ailleurs et collectait pour les shylocks.

Ces deux-là, même si c'est dur à croire, opéraient un commerce respectable, une famille d'accueil toé chose.

Grâce à ce statut d'famille d'accueil, ces calices-là pouvaient s'payer de quoi foirer à toutes les nuittes, la musique au boutte, les pupilles de l'État incapables de dormir et toujours menacées de s'faire toucher par quelque hostie de malade qui passait par là pour fourrer la grosse hostie d'chienne.

La grosse torche n'avait pas assez d'l'argent d'l'État pour sniffer comme de raison.

C'qui fait qu'elle fourrait avec ceux qui lui donnaient d'la poudre, pour toujours être dans un autre état. Et plus elle sniffait, plus elle avait envie de fourrer. Et plus elle fourrait, plus elle avait envie de sniffer. Et son chum? Bah! C'tait un hostie de trou-d'cul lui aussi mais on l'voyait jamais. On l'a arrêté lui aussi, comme de raison, mais mettons qu'la grosse était juste à côté des enfants, pis elle aurait dû les protéger, la vache, au lieu de sniffer pis de s'faire fourrer tou' 'es nuittes par des hosties d'crosseurs...

Son dernier bébé qu'elle venait d'avoir couchait dans sa couche sale, sur un tas d'linge sale, dans l'garde-robe sale, imaginez-toé don'...

J'le sais parce que c'est moé qui suis allé le chercher là-dedans, le p'tit bébé. I' faisait pitié en hostie, cré-moé mon Raymond!

Sacrement, j'suis entré dans la police sur un coup de tête, en pensant que j'passerais mes journées à avoir le droit d'rouler à pleine vitesse dans un char pour attraper des voleurs de banque, par 'xemple.

Ben c'était pas ça pantoute, la police! J'passe les trois quarts de mon temps à ramasser des bébés couchés dans des tas d'linge sale tabarnak! Quel hostie d'monde sale, saint-christ d'hostie!

Là, on va checker l'bébé pis les quatre autres jeunes pour voir s'ils se sont pas faits maganer... Pis c'est pas pour en rajouter, mais j'pense qu'i' ont été abusés. Y'ont des bleus partout su' l'corps, toute la gang. La grosse chienne d'vait les battre. Les voisins m'ont dit qu'i's l'entendaient crier après les enfants tout l'temps. Fallait qu'i' filent doux quand la grosse sniffait ou s'faisait fourrer par un hostie d'plein d'marde qui s'crissait ben du sort de ses enfants-là, pourvu qu'i sniffe pis fourre la grosse vache... Pis évidemment, y'a fallu qu'i' arrive un drame avant qu'les voisins n's'mettent à parler....

Y'ont toutte vu, hostie! Pis Y'ont rien faitte! Gang d'hosties d'coquilles d'oeuf! Hostie que l'monde est cloche! Fucking imbéciles!

Pis l'hostie d'rapport... Comment tu veux écrire ça dans un rapport sans t'sentir avec e'l'motton dans gorge? Hostie, j'ai deux p'tites filles pis un garçon moé, pis j'voudrais pas qu'i' leu' z'arrive la moindre p'tite affaire dans c't'hostie d'monde-citte. J'les aime comme c'est pas créyable. Je veille sur leur sommeil. J'crie jamais après eux-autres. Pis j'leu' trouve juste des qualités. Pis j'les nourris, e-j'ris pis e-j'joue avec eux-autres, pis on a du fun, t'sais...

Comment tu peux avouère un bébé pis e-l'laisser su' un tas d'linge sale, dans un garde-robe, hein?

Comment tu peux avoir un permis d'famille d'accueil quand t'es un couple de sans-dessein qui sniffent pis foirent à touttes les nuittes?

Le monde m'écoeure hostie. C'est pas mêlant. Ça t'écoeure pas, toé, mon Raymond?»

Raymond n'avait rien dit tout le long du soliloque de Claude. C'est vrai qu'il avait vingt ans d'expérience lui. Claude venait tout juste de sortir de l'institut de police de Nicolet. Il était encore trop candide dans le monde du crime et des bassesses humaines. D'ailleurs, Claude n'avait pas encore de moustache. Et il n'avait pas besoin de s'arracher les poils de nez ou de sourcil, comme le vieux Raymond, pour être présentable.

-C'est quoi qu'on mange c'te nuitte, des sousmarins ou d'la pizza? questionna Raymond.

Claude avait encore la mine basse et mettait la dernière phrase à son rapport, une plainte à propos de tapage nocturne, comme d'habitude.

-Je l'sais pas Raymond, lui répondit-il. Je l'sais pas...

-Moé j's'rais mieux avec des sousmarins. Ma femme me dit qu'c'est plus santé qu'la pizza...

Raymond démarra l'auto-patrouille sans attendre la réplique de Claude qui, de toutes façons, ne parlait plus.

Les pneus crissèrent sur la neige aplatie.

La nuit n'était pas encore terminée. Il y aurait d'autres scènes de tapage nocture. D'autres enfants maltraités. D'autres hosties d'trous d'cul.

Claude fixait les maisons, comme s'il se demandait ce qui se passait derrière chaque fenêtre.

Raymond avait faim.

-Hostie! J'espère qu'la grosse chienne va faire du temps! lâcha Claude.

-Première offense, Claude... A' va s'en sortir avec des travaux communautaires... Arrête de t'en faire pour rien...

-Pour rien... Parce que t'appelles ça «rien», toé? qu'il répondit en réprimant un sanglot.

-On est des polices sacrement. Pas des superhéros, Claude! Va ben falloir que tu t'mettes ça dans tête si tu veux toffer longtemps dans' police. Casse-toé pas 'a tête avec tout ça. Tu vas t'taper une dépression.

-En tout cas, Raymond, j'voudrais pas qu'i' arrive de tort à mes enfants!

-Ben sûr, ben sûr Claude... Pis? Sousmarin ou pizza?

-Tu penses ben just' à manger Raymond calice!

3 commentaires: