jeudi 22 décembre 2016

Simplement, simplement, simplement...

Les gens qui ne sont pas encore familiers avec mon blogue pourraient se demander où je m'en vais d'une publication à l'autre.

Un jour, je publie une chronique d'opinions. Le lendemain, je raconte une histoire loufoque. Puis je mets en ligne des poèmes, des chansons, des photos de mes toiles, des airs d'harmonica, des vidéos de manifestants en colère...

Cette impression de bric à brac est volontaire. Je refuse depuis 2007 d'enfermer mon blogue dans un thème unique. Je ne suis pas un monomane. Je suis complexe et ravi de l'être.

Les spécialistes du ouèbe m'ont rappelé maintes et maintes fois que les blogues devaient être ceci ou cela. Et pourtant, les blogues qui ne traitaient que de ceci ou de cela ont tous fini par disparaître par manque de contenu et d'intérêt. De même que les spécialistes du ouèbe. Plusieurs blogueurs n'avaient plus de jus au bout d'un temps. Ils se voyaient condamnés à ne mettre en ligne que des photos de chats et des vidéos de YouTube. Puis un beau jour ils tombaient sur Facebook ou Twitter et on n'entendait plus jamais parler d'eux sur la blogosphère.

Si j'ai résisté au fil des ans, c'est sans doute parce que je suis un peu toqué, à la limite de l'autisme pourrait-on persifler. Je ne décroche jamais. Je persiste et signe, depuis toujours, contre vents et marées.

Le blogue Simplement, pour ceux qui ne le savent pas encore, tire son origine d'une émission de radio que j'animais sur les ondes d'une station communautaire de Québec, CKIA radio Basse-Ville si cela vous dit quelque chose.

Mon émission s'intitulait Simplement. Elle était constituée de billets radiophoniques agrémentés de musiques touchant de près aux thématiques que j'abordais. Cette émission, je dois le dire, m'aura sauvé la vie.

J'avais tout perdu à Trois-Rivières: mon poste de directeur de la programmation à CFOU, ma blonde, mon argent, etc. Je m'étais retrouvé presque tout nu dans la rue à Québec dans l'espoir de recommencer une nouvelle vie.

J'habitais dans un sinistre studio sur le boulevard Charest avec une toilette pour quatre et vue sur le stationnement étagé attenant au Cinéplex Odéon. CKIA fût ma bouée de sauvetage. Mon bénévolat au sein de cette station m'a permis de me maintenir à flot et de me donner une raison de ne pas me noyer davantage dans les abysses de ma vie pourrie. Je passais la majeure partie de mes temps libres à préparer une seule heure de diffusion par semaine... Mon emploi du temps était toujours pareil: recherche d'emploi le matin et recherches à la bibliothèque Gabrielle-Roy de midi jusqu'à la fermeture.

Grâce à mon bénévolat à CKIA j'ai finalement décroché un poste d'agent de financement au sein d'un regroupement d'organismes communautaires dont CKIA faisait partie. J'ai pu emménager dans un beau logement situé dans une mansarde à deux pas de l'église Saint-Sauveur. Ma vie a repris son cours.

Je suis revenu à Trois-Rivières quelques mois plus tard pour assumer les fonctions de rédacteur en chef d'un journal de rue. Malheureusement, je me suis fait congédier au bout d'un an et demi et suis retombé à la case départ encore une fois. J'avais critiqué la qualité des denrées d'une banque alimentaire... On me rappela que je ne pouvais pas écrire que je devais offrir des échalotes pourries aux affamés qui fréquentaient ma salle de rédaction. Je les ai tous envoyés se faire foutre, évidemment.

Trois-Rivières m'aura toujours porté malchance pour une raison qui m'échappe. À Montréal et Québec je n'ai jamais passé pour un mouton noir. J'avais l'air d'un organisateur communautaire normal, contestataire comme il se doit, rien qui jurait dans le décor. Mais ici, dans ma ville natale, la ville de feu Duplessis, j'étais condamné à me taire.

Lorsque je me suis à nouveau retrouvé sans emploi, je n'ai pas pu me tourner vers une station de radio communautaire pour agrémenter ma misère d'un peu d'espérance. J'ai travaillé ici et là, dans des conditions difficiles. Ma connaissance de l'anglais m'aura néanmoins sauvé de l'ostracisme trifluvien. L'anglais m'aura permis still and again d'avoir une voix et de ne pas me laisser écraser. D'où ce simple fuck you que j'adresse aux petits despotes de cour d'école de Trois-Rivières. I'm still alive and standing, you fucking jerks!

Au début des années 2000, l'Internet en était encore à ses balbutiements et je me suis dit que je devais me tourner vers l'avenir pour ne plus dépendre de qui ou de quoi que se soit quant à ma liberté d'expression. J'ai d'abord multiplié les projets en ligne, dont un magazine satyrique, pour finalement me concentrer sur ce blogue que j'anime depuis le 9 avril 2007.

Au fil des ans, beaucoup de lecteurs m'ont gratifié de leurs commentaires pour me donner la force de poursuivre ce qui peut d'ores et déjà s'appeler mon oeuvre. J'approche des 3000 billets publiés ici. Il s'y trouve des contes, des nouvelles, des essais. Tout ce qui me passe par la tête. De la matière à publier un jour quelque chose de potable sur papier. À moins que le papier ne soit plus utilisé d'ici là...

Je tiens à remercier spécialement deux Christian: mon frère aîné, Christian Bouchard, et mon camarade littéraire Christian Mistral. Ces deux-là m'auront permis de croire en moi plus qu'ils ne sauraient l'imaginer. J'ai beau jouer au fin finaud, à celui qui se moque du jugement de ses pairs, que je ne suis pas tout à fait un bout de bois. Je lutte en solitaire contre une machine qui se fout des beaux sentiments de tout un chacun. Il me fallait ces deux Christian pour reconnaître très christiannement, si j'ose dire, la valeur de ces billets qui font contre mauvaise fortune bon coeur au ventre.

Je nomme ces deux-là sans oublier tous mes lecteurs passés, présents et futurs, qui sont tout aussi importants. Par contre, je reconnais que ces deux Christian m'ont incité à aller plus loin dans ma démarche et je tiens à leur rendre cet hommage tout particulier. Peut-être qu'ils ne se rendent pas compte eux-mêmes de tout ce que je leur dois. Peut-être doutent-ils de leur importance à mes yeux de gros con ingrat et taciturne. Pourtant, ils m'auront porté dans leurs bras sans le savoir.

Ma blonde, Carole, a eu cette patience de ne pas me décourager d'écrire jour après jour. Charles, Pierre, Robert, Amulette, Sophie, Mireille et j'en passe m'ont lu et commenté si souvent que cela m'a donné du gaz pour continuer d'avancer.

Je publie une fois par semaine dans le Huffington Post Québec depuis le mois d'avril dernier. Mon lectorat a atteint des sommets inégalés. Il n'a pas doublé: il a décuplé. Du coup, j'en ai même le vertige... Est-ce possible que 20 000 personnes m'aient lu ce mois-ci? Et moi qui ne croyais être qu'un auteur maudit, un obscur blogueur de Trois-Rivières qui perdure et s'inscrit encore dans le temps... Pourquoi la popularité viendrait-elle me chercher alors que j'aurai tout fait pour m'en tenir éloigné?

Peut-être que je récolte les fruits de ma constance.

J'ai planté ma graine tous les jours, comme Elzéar Bouvier dans L'homme qui plantait des arbres. Au bout de dix ans, il y a une petite forêt sur ce terrain vague où j'errais en des temps de misère et de dévastation.

Sachez que je vous en remercie tous et toutes, autant que vous êtes.

Avant que de conclure cette longue confession, je m'en voudrais néanmoins de ne pas honorer aussi la mémoire de mon mentor virtuel, feu Dostoïevski. Mon blogue, je le dis en toute humilité, doit beaucoup au Journal d'un écrivain de cette grande âme russe. Comme lui, je multiplie les points de vue, les essais et les fantaisies littéraires. Je n'ai pas son style ni son charme, j'en conviens, mais il me sert néanmoins d'appui lorsque j'aurais l'envie de tout foutre en l'air. Je ne serai jamais Dostoïevski, bien sûr, et ne crois pas que Fedor aurait souhaité devenir Gaétan.

Bon, je me tais.

Merci pour tout, chers lecteurs et chères lectrices!

Continuez de me lire et ne croyez pas que je m'en moque, bien au contraire.

Je ne vous connais pas et j'aurai même cette coquetterie de vous écrire je vous aime...

Prenez-le pendant que ça passe.

Il est possible que je redevienne bête et méchant demain...

Peut-être que c'est la seule vanité qu'il me reste: celle de me croire à tort au-dessus de tout...



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