lundi 5 décembre 2016

Devenir éboueur ou Gotlib

Quand j'étais jeune, je souhaitais devenir éboueur. J'avais été impressionné par une bédé de Gotlib dans laquelle il racontait avoir eu le même souhait. L'éboueur représentait l'aventurier, celui qui découvre des trésors cachés dans les poubelles. L'éboueur était cet homme libre qui se tenait derrière son camion comme le corsaire se tient sur la rampe de son navire prêt à l'abordage du bateau ennemi.

Puis j'ai voulu devenir Gotlib. Je l'imitais autant que faire se peut. Je m'amusais à créer des fanzines où mes personnages étaient de piètres copies tirées de l'univers de Gotlib.

C'est donc dire qu'il m'a marqué. Comme il a marqué des générations de francophones adeptes de rigolade et de contre-culture.

Il y a probablement un peu de nous dans Gotlib. S'il n'y avait pas eu Mainmise pour influencer le magazine français Actuel, le monde déjanté de Crumb n'aurait peut-être pas atteint Gotlib pour l'emmener aussi loin dans son iconoclastie. Aussi, je tiens à souligner le travail exceptionnel réalisé par les membres de Mainmise à l'époque où Jean Basile en était la figure centrale. L'équipe de Mainmise aura insufflé une énergie exceptionnelle aux créateurs d'hier et d'aujourd'hui. Aucune revue québécoise, à mon humble avis, n'est arrivée à la cheville de Mainmise. Aucune. Et je pèse mes mots.

Il est sans doute étrange de rendre hommage à Gotlib en félicitant Mainmise...

Pourtant, tout vient de là, j'en suis convaincu.

Gotlib aurait été tout aussi excellent sans son imprégnation de la contre-culture américaine. Par contre. la fréquentation de Robert Crumb l'aura emmené plus loin dans son mépris des conventions établies. Qui a publié Crumb en français? Mainmise. Qui l'a repris en France? Actuel, qui tirait son inspiration de Mainmise. Puis Fluide glacial, qui a poursuivi le travail d'Actuel via la bande dessinée.

Cela dit, il convient de saluer le magnifique coup de crayon de Gotlib. Son dessin épuré était fortement contrasté. Ses traits étaient tout aussi fins que gras. Ses dessins étaient conçus d'un geste souple et assuré.

Nous sommes probablement des millions à être en deuil de Gotlib.

Des millions à nous rappeler avec émotion les Dingodossiers, Rubrique-à-brac, la coccinelle, Gai Luron, Superdupont, Isaac Newton, Pervers Pépère, Hamster jovial...

C'était l'idole de ma jeunesse. Justement parce qu'il n'y allait pas avec le dos de la cuillère.

J'ai rêvé un temps de devenir bédéiste parce que Gotlib était mon inatteignable étoile.

Oui, devenir éboueur ou Gotlib...









7 commentaires:

  1. Tu avais déjà parlé du très valeureux " mainmise " - bénédiction -
    Quant à Actuel , il était en grande partie composé d ' opportunistes qui , une fois la vague hippie adoucie , ont créé la très capitaliste chaîne de télé Canal+ .
    Entre temps Marcel avait créé l ' Echo des Savanes .

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  2. @Monde indien: Beaucoup de gens ont mal tourné. La meilleure façon de les insulter c'est de leur rappeler ces moments où ils tournaient bien... L'aventure de Mainmise s'est aussi mal terminée. Par contre, ses fondateurs sont demeurés relativement sincères avec leurs idéaux, dont Jean Basile Bezzroudnoff, un écrivain et journaliste québécois d'origine russe et française. Il est décédé en 1992.

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  3. @Gaétan - personnellement je crois que ceux , celles , qui ont mal tourné n ' ont jamais bien tourné - que ceux qui sont demeurés sincères l ' ont toujours été -
    Les pourris d ' Actuel qui ont créé Canal+ étaient déjà pourris -
    Mais tous les acteurs d ' Actuel n ' étaient pas tous des pourris -
    Peut-être pour Mainmise un peu la m^me chose ?
    Après tout , des grands chanteurs-chanteuses hippies ne se sont-ils-elles pas révélé.e.s de vrai.e.s pourri.e.s ?
    Il faut faire sans eux-elles .

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  4. @Monde indien: Nous avons entamé un long voyage. Beaucoup ne se rendront jamais jusqu'à destination et s'arrêteront par lassitude. Les autres verront ce que les autres ne verront jamais. Ils auront leur récompense sans avoir à se soucier de châtier ceux qui ont abandonné.

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  5. T ' as complètement raison - Ce que nous voyons déjà est d ' une beauté incroyable - et je ne me sens l ' âme à châtier personne - j ' ai autre chose à faire -
    Amicalement -

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  6. Jean Basile...

    Il assumait la charge enviée et redoutée de critique de littérature québécoise au Devoir. Le Devoir du samedi, qui pouvait faire ou défaire une carrière...

    Basile était craint et vénéré dans son champ, comme Robert Lévesque en matière de théâtre, tous deux partageant la distinction de détester tout et d'expliquer à merveille pourquoi.

    Or, quand j'ai publié Vautour, mon second roman, Basile en a fait une recension lumineuse qui a jeté tout le monde sur le cul, moi le premier, et qui est toujours citée dans les multiples rééditions.

    Je ne te l'ai jamais dit, parce que j'ignorais que tu le connaissais, mais les photos de toi me font toujours songer à lui. Je ne l'ai rencontré qu'une fois, dans un lancement quelconque, peu avant sa mort. Il est arrivé derrière moi et a demandé à me parler, ou quelqu'un a voulu nous présenter, je ne sais plus trop, mais quand je me suis retourné j'ai vu ce colosse! Ce Russe plus grand que moi et bâti comme un frigidaire, s'appuyant sur une canne mais droit comme un I et le visage orné d'une barbiche et d'une moustache dostoïevskienne...

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  7. @Mistral: Je me souviens d'avoir lu ça à l'époque. Je regrette de ne pas avoir lu les romans de Jean Basile. Je remets ça d'un mois à l'autre... Je vais devoir m'y mettre. Il avait raison à ton sujet. À voir ses photos, on pourrait presque passer pour des cousins... J'ai vraiment l'air d'un gros et grand russe qui sort de son isba.

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