mardi 27 décembre 2016

La philosophie du verglas

Un rien peut enclencher une réflexion philosophique. Une tempête de verglas, ce n'est pas rien. Ce sont donc des tas de réflexions philosophiques qui me sont venues à l'esprit ce matin.

Les rues et les trottoirs étaient glacés. Un vrai miroir. J'ai donc mis des caoutchoucs à crampons d'acier sous mes bottes. Puis j'ai empoigné mes bâtons de trekking pour ensuite partir à l'aventure.

J'ai coutume de me mettre la chaîne Ici Musique dans les oreilles pour ma promenade matutinale. À l'heure où je marche j'ai droit à des valses et des airs de harpe. Je leur suis gré de m'épargner les airs d'opéra autant que faire se peut. Je n'aime pas entendre crier en italien, ni en allemand, ni en quelque langue que ce soit. La voix humaine ne me ravit pas tant que ça. Elle me rappelle trop que l'on parle souvent pour rien.

J'ai moi-même ce défaut. Dès que je m'ouvre la bouche je suis intarissable. Il faudrait m'assommer avec une pelle pour que je me taise... Cela pourrait expliquer pourquoi j'écris autant. Je dois brûler trois milles mots par jour minimum. Sinon, j'ai l'impression d'être vide comme une coquille de noix. Plus je m'exprime et plus j'ai de quoi à vous raconter... Je sais que je suis bizarre comme ça. Et je m'assume pleinement en tant que bavard taciturne, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Revenons à la philosophie que m'inspire le verglas.

D'abord, je n'écoute pas Ici Musique s'il y a du verglas. Cela risquerait de me déconcentrer. Je tiens à être pleinement là quand je marche sur de la glace vive. Pas question de laisser tomber sa garde. Je deviens vigilent comme un éclaireur qui s'approche du camp ennemi, tout en souplesse, à pas feutrés et silencieux comme Mingo l'Indien dans la télésérie Daniel Boone.

Marcher sur des trottoirs glacés, c'est comme avancer dans la vie. C'est lorsque l'on se sent pleinement confiant que l'on risque de tomber. La méfiance, même si cela ternit un tempérament, est toujours un gage de sécurité.

Même avec des caoutchoucs à crampons et des bâtons de trekking il m'arrive de chuter.

Cela se produit souvent au moment où je me sens en pleine confiance de mes pas, vers la fin de mon trajet.

Après trente minutes de marche sans tomber, je perds mes réflexes et mes précautions.

Au début, je marche lentement, comme si je pilais sur des oeufs. Chaque pas est mesuré. Chaque mouvement est calculé. Je lève une patte. Je plante mon bâton de marche. J'écrase la glace sous mes crampons d'acier.

Puis je ne crains plus rien et c'est là qu'un malheur se produit. Je me retrouve plaqué au sol, les quatre fers en l'air, tout simplement parce que j'ai perdu ma concentration.

Marcher dans le verglas, je vous le dis, c'est un exercice très zen.

Le trajet que j'accomplirais normalement en quarante minutes en prend vingt de plus.

Une heure et dix minutes de réflexions philosophiques m'accompagnent.

Je pense à la vie, aux grands questions sans réponses, à cet homme qui, selon Protagoras, est la mesure de toutes choses.

J'arrive finalement à destination sans heurts. Ma promenade a été l'occasion d'une méditation en solitaire. Je suis intact. J'ai tous mes morceaux. Je me sens béni des dieux.

Puis je constate que je n'ai pas grand chose à raconter...

Et je m'empresse d'écrire un petit n'importe quoi sur le verglas.

C'est mieux que rien.

Sachant qu'un rien peut enclencher une réflexion philosophique...




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