jeudi 26 mai 2011

Voix d'ivrognes trifuviens à trois heures du matin

Un écrivain n'est pas mieux que les autres et il lui arrive de se lever à trois heures du matin, comme ça, à l'heure où l'on sort des bars. Comme je demeure au centre-ville, j'ai droit à cette heure au traditionnel défilé des ivrognes qui vacillent et babillent sur les trottoirs. C'est la sortie des bars. Les saoulons rentrent à la maison. Et ils passent sous ma fenêtre pour me raconter leur vie, l'espace d'un rabattement d'oreille.

Ce matin, c'était un couple. Un couple dans la cinquantaine je dirais. La dame avait une voix rauque de fumeuse au dernier stade de l'anéantissement des cordes vocales. Ça ressemblait à la voix de Mister Roboto dans la chanson éponyme du groupe Styx.

-Ahem... qu'elle disait pour s'éclaircir la voix.

Et l'autre, il avait la voix d'un beignet. Pâteuse et grasse. La voix d'un sanglier. Ou plutôt d'un caniche. Enfin, je ne vais tout de même pas vous l'imiter avec des mots. Il avait la voix d'un beignet, c'est tout.

-La waitress, tantôt, qu'il disait, était correcte la waitress... Moé je l'ai trouvée ben correcte... Pas toé? qu'il demanda à sa partenaire de brosse.

-Ahem, qu'elle répondit. Mouais.

-En tous 'es cas, moé j'la trouve ben correcte pis toutte... J'ai rien à r'dire contre. Moé j'ai été ben satisfait d'la waitress pis j'dirais qu'était vraiment ben correcte pis toutte...

-Ouem, rajouta la voix de cendrier.

-Pis i' paraît qu'i' vont détruire l'église St-Philippe... Toé ça t'fait-tu d'quoi?

-Nomme... Ahem... Nomme... rétorqua-t-elle en reniflant.

Je dois vous dire, chers lecteurs, qu'on va démolir une église dans mon quartier. Ce qui ne me fait ni chaud ni froid. Je doute cependant que l'on s'efforce autant pour conférer un peu d'art et d'inutilité à l'architecture qui la remplacera, probablement un bloc de béton ou bien un stationnement, je ne sais pas trop.

Et l'ivrogne à la voix de beignet ne pouvait pas manquer de nous parler de l'église St-Philippe comme de raison.

-Moé j'su's un gars nostalgique... Ça m'fait d'quoi qu'i' détruisent l'église... Ouem...

Les voix passèrent comme les photons aussi.

La distance parcourue par la lumière ou par le son, cela finit par finir.

Ça s'est passé à trois heures, ce matin, au centre-ville de Trois-Rivières.

Des voix perdues dans la nuit.

Des voix qui se posaient les vraies questions...

2 commentaires:

  1. maintenant je sais à quelle voix me fait penser au donutz quand elle franchit le mur du son.Merci pour la cédille.

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  2. Y'a pas d'quoi. Je te renvoie le remerciement pour avoir perdu ton temps à me lire.

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