samedi 22 janvier 2011

Pendant la pause

Leurs vêtements sont détrempés par l'effort physique. Ils ont déplacés des tas de pneus pendant les quatre dernières heures et c'est maintenant le moment de la pause.

-On en a travaillé une crisse de shot! déclare tout de go Dufresne, un trentenaire qui vit seul dans un vieux logement humide propice à la culture des champignons. Dufresne a un gros nez et ne se rase pas souvent.

-Ouais! répond Courchesne, un gars de la même catégorie d'âge qui vit avec sa blonde dans un bloc appartement qui sent la pisse de chat. Courchesne a un gros nez mais n'a plus de sourcils puisqu'ils ont grillés suite à un feu de patates frites survenu dans sa tendre enfance.

Devant eux, la bouffe. Deux pommes et un bâtonnet de fromage pour Dufresne. Une salade de lentilles pour Courchesne.

L'un croque, l'autre mâche, et à travers tout ça ils trouvent le temps de bavarder.

-Vaclav Havel... La Charte 77... souffle Dufresne entre deux croquées de pomme. La révolution de velours a été rendue possible par les actions d'une minorité... Comme la révolution à Cuba, dans un tout autre d'idées... Cela prouve néanmoins le rôle des minorités agissantes...

-Je ne sais pas pourquoi tu me reviens tout le temps avec la politique! coupe Courchesne. Je suis partisan des droits de la personne et j'aime la tarte aux pommes, ok. Mais l'essentiel se passe ailleurs. La politique est un reflet de la culture. Si la culture change les moeurs, les moeurs changent la politique et...

-Ah! Pis laissons faire la politique Courchesne! retorque Dufresne. Je suis en train de lire Les contes du Lundi de Alphonse Daudet. C'est une écriture très fine, sobre et relativement enjouée. Je suis plongé aussi dans une relecture de l'oeuvre d'un fou qui s'appelait Charles Berbiguier de Terre-Neuve de l'Île-du-Thym... Un livre intitulé Les farfadets où il raconte ses déboires avec... les farfadets! Du délire... Mais plutôt bien écrit... Une curiosité littéraire quoi...

-Moi je lis les Relations des Jésuites sur la Nouvelle-France. Une source de renseignements sur les autochtones à travers le prisme déformé du jésuite. Tout ce qu'ils reprochent aux Indiens sont leurs qualités: leur indépendance, leur indocilité, leur négation de l'autorité. Fascinant.

-Bon ben je crois bien que c'est le temps de retourner à nos pneus, Courchesne...

-Ouin... C'est pas long vingt minutes...

-Au fait, Courchesne, savais-tu que Vaclav Havel roulait des tonneaux dans un entrepôt?

-Oui.

-Et il est devenu président de la Tchécoslovaquie... Il a dit que la Tchécoslovaquie était tellement corrompue qu'il n'y a qu'en prison qu'on trouvera des justes. «Un jour c'est un ancien prisonnier qui sera président» qu'il a écrit dans l'une de ses pièces... Et paf! La Révolution de velours! Vaclav Havel est en prison une fois de plus pour une histoire de pétition... Et le peuple le désigne comme président de la république alors qu'il est derrière les barreaux!

-Ouais. En attendant, allons rouler nos pneus camarade.

2 commentaires:

  1. Courchesne et Dufresne à la mairie!
    Des gars drette comme des piquettes, de frênes et de chênes.

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  2. Duplessis, ce vieux tabarnak, prétendait qu'on devait dispenser l'éducation au compte-goutte.

    «Un chômeur instruit c'est un révolutionnaire en devenir», disait-il en substance.

    La révolution s'en vient...

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