lundi 20 avril 2009
LE MENDIANT INGRAT
Il y a vingt ans, on comptait peut-être de deux à trois mendiants sur la rue des Forges à Twois-Wivièwes. Ils étaient généralement vieux, sales et barbus. Ils correspondaient tout à fait à l'image que nous nous faisions d'un vagabond ou bien d'un w'hobo d'track, comme disait mon père.
Hier, alors que je déambulais sur la rue des Forges, j'ai croisé une vingtaine de quêteux. Le métier n'est pas plus attirant qu'avant. C'est juste que les visages des vagabonds rajeunissent. On en voit qui sont dans la vingtaine. D'autres dans la trentaine, la quarantaine, la cinquantaine, alouette! Ça rejoint tous les groupes d'âge maintenant. On n'arrête pas le progrès, mais si le progrès s'arrête c'est ce que l'on verra, toujours plus, pas seulement sur la rue des Forges, mais devant les supermarchés, les quincailleries, les bureaux des députés: partout des mendiants qui ont faim et soif.
Ce n'est pas que je sois contre. Mendier est le premier droit de tout chrétien qui se respecte. J'ai beau faire partie des animistes athées que je m'accommode fort bien des coutumes de mes voisins. Le droit de mendier, pour un chrétien, le rapproche le plus de son devoir: la charité. À qui le chrétien va-t-il donner si plus personne ne mendie, dites-moi?
Et ce qui vaut pour le chrétien vaut pour tout le monde. Si personne ne mendie, personne ne recevra la charité, parce que celui qui n'a pas mal aux dents ne peut pas savoir que vous avez mal aux dents si vous ne dites rien.
Hého! C'est pas tout le monde qui est perspicace, sinon dentiste. Et il en va de la pauvreté comme il en va du mal de dents.
Cela dit, donner son obole au mendiant, c'est le remercier de vous rendre généreux. S'il n'avait pas été là, le mendiant, vous n'auriez rien donner. Vous auriez penser que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu'il n'y avait pas ici-bas de pauvres hères qui ont faim et parfois soif tout court, sans qu'il ne soit question de grandes métaphores sur la paix et la justice, juste avoir faim et soif tout court, vous comprenez?
LE MENDIANT INGRAT
Ce qui fait que je vous recommande de lire Le mendiant ingrat de Léon Bloy. Je suis tombé là-dessus il y a quelques années. Léon Bloy a de la verve et ses colères font sourire.
Je vous en livre un extrait, après vous avoir livré tout le morceau deux lignes plus tôt, en un seul lien hypertexte, chanceux que vous êtes qui n'aurez même pas à vous casser le cul pour trouver Le mendiant ingrat...
«Malheur à celui qui n'a pas mendié!
Il n'y a rien de plus grand que de mendier.
Dieu mendie. Les Anges mendient. Les Rois, les Prophètes et les Saints mendient.
Les morts mendient.
Tout ce qui est dans la Gloire et dans la Lumière mendie.
Pourquoi voudrait-on que je ne m'honorasse pas d'avoir été un mendiant, et, surtout un «mendiant ingrat»?....»
Léon Bloy, Le mendiant ingrat (Journal de l'auteur, 1892-1895), Edmond Deman, 1898, p.9
***
Pour mieux réfléchir là-dessus, pourquoi pas cette petite chanson.
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