vendredi 10 avril 2009
IL S'EST ENFIN PASSÉ QUELQUE CHOSE
Ils sont assis l'un à côté de l'autre, comme toujours.
Et ils ne se disent rien parce qu'il n'y a rien à dire.
Les minutes s'écoulent dans la contemplation des murs ou de la télévision.
Un téléroman tout à fait quelconque empêche le parfait silence de régner.
Quinze minutes puis quarante-trois minutes passent.
Ginette, l'épouse, se risque enfin à dire quelque chose.
-Ouin ben on dirait ben qu'i' est vingt heures cinquante-sept.
Et le moniteur du lecteur DVD affiche effectivement vingt heures cinquante-sept.
Raynald, l'époux, tousse deux ou trois coups pour s'éclaircir la voix.
-Ouin, ajoute-t-il, ben on dirait ben qu'là y'est vingt heures cinquante-huit.
Et le moniteur affiche bien vingt heures cinquante-huit.
À vingt-et-une heures pile, voilà que ça sonne à la porte.
-Qui c'est ça à c't'heure-citte? marmonne Ginette.
-M'en va's y'aller voir c'est qui c'est qu'c'est ça tornom! ajoute Raynald en maugréant.
Raynald bouge son gros cul de son fauteuil et ouvre la porte pour voir qui sonne à cette heure-là.
C'est un livreur de pizza.
-C'est pourquoi? demande Raynald au livreur de pizza, un grand maigre au crâne dégarni.
-C'est ben icitte les deux extra-larges avec extra pepperoni, oignons et bacon, deux Pepsi diète pis deux Seven-Up? que lui répond le grand chauve.
-On a jamais commandé ça nous autres! s'exclame Raynald.
Le livreur de pizza, médusé, rappelle à la pizzéria Bravissimo pour en avoir le coeur net.
-On nous a joué un tour m'sieur! On avait bien cette adresse-là pis ça répond pas au numéro de téléphone y'où c'que c'est qu'on rappelle pour voir... J'm'axcuse m'sieur...
Comme le livreur de pizza repart avec sa commande, Raynald l'agrippe par le bras.
-Minute m'sieur! Minute!
-Quoi? dit le livreur.
-Ben j'pourrais-tu vous acheter quand même la commande... M'semble que ça s'rait bon d'la pitze...
-Hee... Ben...
-Rappelle ton boss pis d'mande-lui si ça peut s'faire... Pis s'i' veut pas, passe-moé lé.
-Ok... E'j'le rappelle...
Il rappelle son boss qui ne voit pas d'inconvénient à faire de l'argent. Raynald acquitte le prix de la commande livrée à une mauvaise adresse et revient vers son épouse avec les yeux plus grands que la panse.
-Qu'est-cé ça? lui demande Ginette. As-tu commandé d'la pizza?
-Non, mais i's s'sont trompés d'adresse... Quelqu'un a faitte un coup, j'sais pas trop... Ça fait que j'lui ai racheté les pizzas parce qu'è' z'avaient l'air bonnes... Est bonne en hostie la pitze chez Bravissimo... I' font d'la christ de bonne pitze... Menoum!
Et là, voilà que Ginette et Raynald se lancent dans les pizzas comme des goinfres en arrosant leur collation de larges rasades de Pepsi Diète et de Seven Up. Et ils se mettent à se raconter toutes sortes de pitzes qu'ils ont mangé au cours de leur vie. Et ils rient. Et ils rotent. Et ils ont plein de sauce tomates et de filaments de fromage aux commissures de leurs lèvres.
-Tu parles d'une idée toé chose! dit Ginette, la bouche pleine. Les pitzes étaient même pas pour nous autres pis toé té z'a achetées pareil... Hastie, Raynald, tu m'épateras toujours.
-C'est pas pour rien qu'j'su's ton mari Ginette, moé j'aime l'imprévu pis toé aussi.
-Ouin, pis j'aime la pitze pis toé aussi mon namour.
-Tchine! Tchine! répond Raynald en claquant sa bouteille de Pepsi Diète contre la bouteille de Seven Up que tient Ginette.
-À ta santé mon namour, qu'elle lui répond en réprimant une violente éructation de boisson gazéifiée.
Quelle aventure, les amis. Quelle aventure!
***
CONSEILS PRATIQUES DE LA SEMAINE
Tous les vendredis matins, à heure fixe, question de finir la semaine en beauté.
Il est difficile d'enlever le bouchon de liège d'une bouteille de vin sans tire-bouchon. Il existe cependant une manière de se tirer rapidement d'affaire en cas d'envie subite de se saouler la gueule, sans même avoir à casser le goulot. Il ne suffit que de pousser le bouchon dans la bouteille à l'aide d'un crayon ou d'un objet idoine.
Poussez de toutes vos forces sur le crayon ou l'objet idoine jusqu'à ce que le bouchon baigne dans le vin. Puis ensuite, buvez jusqu'à plus soif en faisant circuler la bouteille parmi les ivrognes avec qui vous partagez ce nectar. Bien sûr, le vin sera un peu bouchonné mais la bouteille sera débouchée, à tout le moins, et vous pourrez boire ce vin, non pas parce qu'il aura été tiré, mais plutôt poussé.
D'où l'expression «Le vin est poussé, il faut le boire.»
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Kessé? On-é-tu s'posé d'tirer su'l'bouchon?
RépondreEffacerC'est effectivement très utile ton truc Gaétan, ça va m'éviter de me lascérer les lèvres sur un goulot fracassé et de me saigner à blanc dans du rouge.
RépondreEffacerMaudites envies subites hein. Je comprends pourquoi j'ai toujours un goût de métal dans' bouche. (J'ai jamais le temps de cicatriser. Fichtre.)