dimanche 23 novembre 2008
TOUT NU COMME LES PHILOSOPHES GRECS!
Le plus fucké d'entre tous, au département de philo de l'Univarsité du Quabec à Twois-Wivièwes (UQTW), c'était Planète. Et il planait en sacrement, croyez-moi.
C'était à la mi-décembre. Une neige fine tombait sur la ville déjà enfouie sous la neige depuis quelques jours. Et nous nous amusions de voir les flocons tomber, tout en nous demandant pourquoi la ville les ramassait aussi vite, alors que c'était si beau, un tapis de neige tout blanc...
-Pour moé t'as trop fumé toé, man... I' faut ben qu'la ville la ramasse, la neige, autrement les cols bleus seront en calvaire! Les cols bleus ou les cols verts, calvaire! Huhuhu! m'avait répondu Planète en tirant à nouveau une poffe d'herbes puantes de son chillum finement décoré de motifs aborigènes.
Rob-Bob jouait du tamtam tandis que Planète poursuivait son délire. On se préparait pour se rendre au souper de Noël du département de philo. Un souper qui aurait lieu dans un restaurant grec, Le Sirtaki.
Nous avions tous revêtu une toge, parce que nous étions saouls et gelés raide, une toge pour faire comme les philosophes grecs avec lesquels on arrêtait jamais de nous emmerder: Aristote, Platon, Socrate...
Y'a pas que les Grecs bon sang! Et Lao-Tseu? Et Sitting Bull? Évacués! Personne n'en parlait au département de philo sinon Kleemoffski, notre prof préféré, qui ressemblait à un Jos Dassin trop nourri et qui nous faisait lire Dostoïevski et les autres Chinois. Kleemoffski nous payait aussi la traite tous les lundis soirs après les conférences de son cercle de philo, où nous nous déplacions souvent pour le vin d'honneur et parfois pour les conférenciers. Il savait comment se rendre populaire auprès des ivrognes et des intellectuels du département, ce sacré Kleemoffski.
-Kleemoffski parle de liberté dans ses cours, man. Tous les autres profs nous parlent juste de trucs que j'comprends pas! déclara Planète en calant d'un trait sa quatorzième bouteille de bière. Pis en plus, Kleemoffski sert du vin à ses conférences! Pas des verres d'eau maudit sacrement! Comme l'autre là, Pomerleau, pis ses maudits cercles de philo analytique mon cul! De l'eau hostie! I' nous prend pour qui? Wooo! I'm flying out man! Heille man, feriez-vous du buvard, man?
J'ai sorti mon harmonica et j'ai poussé quelques notes tandis que les joints et les bouteilles de bière circulaient en s'entrechoquant.
-It's too crazy, man, ajouta Mark, un gars de Colombie-Britannique qui apprenait le français à l'université. I'm flying out too!
-C'est le temps de flyer, les boys... que j'ai dit, au bout d'un long silence. Le souper est à six heures au Sirtaki.
Planète bourra un autre chillum d'herbes puantes et aspira largement plusieurs bouffées. Puis il cala deux bières d'affilée, termina un dix onces de vodka à peine entamée, et s'envoya quelques buvards par derrière la cravate pour soigner sa présentation pour le souper de Noël des philosophes, au restaurant grec Le Sirtaki.
AU RESTAURANT GREC LE SIRTAKI
Il devait bien y avoir tout près de trois cents personnes ce soir-là au restaurant grec Le Sirtaki. Nous fîmes fureur avec nos toges. Ou bien avec l'odeur d'herbes puantes qui se dégageait de nous. Quoi qu'il en soit, on pouvait lire l'étonnement sur plus d'un visage.
-Pourquoi qu'i' s'habillent de même avec des draps pis des nappes? déclara une madame dans la soixantaine à son mari. Elle venait de se servir une troisième assiette au buffet, des crevettes qu'elle écossait lentement en dénigrant les gens autour d'elle.
C'est du moins ce que nous nous imaginions dans la montée de notre trip.
-Check-là, elle, la commère du village qui écosse des crevettes...
Les profs de philo, même Kleemoffski qui en avait pourtant vu d'autres, restèrent tous ébaubis devant nos toges de philosophes grecs, que nous portions d'ailleurs par-dessus nos vêtements. Ce qui fait que nous nous en sommes vite débarrassés une fois la blague retombée.
Planète n'était pas encore là. Il était passé chez un type pour chercher quelques produits euphorisants avant de se présenter au Sirtaki.
Son entrée fût encore plus remarquable que la nôtre. Comme nous étions dehors à fumer un splif près des poubelles du resto, voilà que Planète est arrivé en taxi avec Véronique, une fille pas rapport dans l'histoire qui n'était là que pour se geler et manger en se faisant passer pour une étudiante en philo. Elle portait une toge, elle aussi, mais par-dessus ses vêtements.
Planète, lui, trouvait que ce n'était pas assez. Il s'est donc déshabillé dans le taxi, tout nu pas de bas, avant de payer le chauffeur et de ressortir de la bagnole avec un drap blanc autour du corps qui n'était pas bien noué, ce qui fait que l'on voyait son cul et ses parties génitales.
-Tu peux pas rentrer d'même Planète! qu'on lui a dit. Voyons don' man!
Mais Planète était boosté, du fait de son ivresse mais aussi parce que Véronique était là, une fille, et qu'il voulait lui montrer qu'il était un excentrique, un vrai de vrai, un philosophe grec quoi.
-Man! La liberté c'est trop important pour que j'la laisse à quelqu'un d'autre! hurla Planète en riant de folie ou de rage. Si j'décide de rentrer dans le restaurant en toge, j'va's rentrer en toge!
-Ben, Planète... C'est parce qu'on voit tes couilles dépassées... Hee....
-J'm'en sacre! J'suis un vrai, moé, man! J'suis pas une imitation! LI-BAR-TÉ!
Et Planète, bien sûr, fit son entrée dans le restaurant, une entrée qui claqua encore plus que la nôtre, vingt minutes auparavant. Son drap était tombé devant trois cents personnes complètement ébahies. Planète ne s'en formalisa pas trop. Il ramassa son drap et se le noua tant bien que mal autour du corps, sans trop serrer les noeuds, comme un ivrogne sur le point de défaillir.
Les profs et les étudiants de philo les plus conventionnels ressentaient une forme de honte ou d'amusement difficile à décrire. Moi, je capotais pour Planète. Je me disais qu'il était en train de se crisser dans la marde.
-Ça va mal finir tout ça... Hostie... C'est pas créyable!
Comme c'était un buffet libre-service, Planète alla se placer dans la file, juste derrière Kleemoffski et quelques soixante autres personnes. Planète était maintenant nu comme un ver, dans la file. On ne trouvait plus son drap. Où l'avait-il mis?
Pendant qu'on cherchait son drap, je veux dire sa toge, eh bien Planète discutait philosophie avec Kleemoffski, sous l'oeil outré de trois cents clients. Les employés du restaurant Le Sirtaki se sentaient dépassés par les événements. Ils ne faisaient et ne disaient rien.
-Heille man, tu parles souvent d'liberté dans tes cours hein, man? demanda Planète à Kleemoffski, en lui tapotant l'épaule pour signifier qu'il s'adressait à lui.
-Man, c'est quoi pour toé la liberté? poursuivit Planète, toujours aussi nu comme un ver.
Kleemoffski bien qu'impassible, ressentait tout de même une petit gêne devant ce nudiste qui lui adressait la parole devant tant de regards qui convergaient tous vers cet homme à la verge à l'air, le clou de la soirée.
-Vous savez, cher ami, la liberté c'est tout et rien... Et hee... je veux dire... bredouilla Kleemoffski.
-Non man! La liberté, c'est tout'! répliqua Planète, en vacillant sur ses pattes. Pis pour te l'prouver, faudrait qu'tu viennes chez-nous écouter mon disque de Gentle Giant... Ça man c'est d'la musique, Gentle Giant...
-Je n'y manquerai pas, bredouilla Kleemoffski, comme pour s'en débarrasser.
-Tu n'y manqueras pas? s'émerveilla Planète. Parfait! Emmène ta gang de chums chez-nous, man, tu coucheras su' l'divan. On va s'jaser ça autour d'une bière ou d'un chillum, man, pis on va être libres comme la liberté! Ouais! Libres comme la liberté, man! Freedom! Freedom man!
-Je n'y manquerai pas, répéta Kleemoffski.
Ils étaient maintenant rendus à l'emplacement du buffet. Les plats de présentation étaient à la hauteur des couilles de Planète, qui ne s'est servi qu'une montagne de salade de macaronis avec une dizaine de petites pains...
Revenant vers nous, tout nu, Planète s'arrêta subitement devant la même pimbêche qui nous avait dévisagés lors de notre entrée fulgurante en toge philosophale.
-Quoi madame? lui demanda Planète. Vous n'avez jamais vu ça, un PÉNIS? C'est juste ça madame: un PÉNIS. Avons-nous besoin de vêtements quand Dieu nous a conçu un habit rien que pour nous?
-Ok Planète. Come on, qu'on lui a dit. Remets ton drap et r'viens t'asseoir pour manger ta salade de macaronis...
-Non, non, man. La liberté c'est plus important que la salade de macaronis! La madame elle n'a jamais vu ça, un PÉNIS! Tout le monde a déjà vu ça un PÉNIS! HEILLE TABARNAK! Y'A-T-IL QUELQU'UN ICITTE DANS LA SALLE QUI N'A JAMAIS VU ÇA UN PÉNIS!
C'est alors que les flics firent leur entrée, deux agents de la farce de l'ordre qui s'étaient dépêchés sur les lieux à la demande du gérant du restaurant, Kostas, un grec qui pratiquait son joual.
-Ma! Cé tabarnak-là cé christ dé fou cé tabarnak-là! Ma! Eucharistie! Pas maudite allure ça tabarnak! leur dit Kostas. Sortez-mé ça d'icitte tabarnak! Cé tabarnak-là! Mes clients tabarnak!
C'est là que j'intervins. Je suis allé voir les policiers et le gérant pour leur expliquer que Planète avait trop bu et que nous nous chargerions personnellement de le ramener chez-lui.
Les policiers étaient parlables. Ils ne voulaient pas vraiment s'occuper de Planète, qu'ils emmenaient coucher au poste au moins une fois par semaine.
-Ok, me dit le plus grand des deux policiers, un gars qui me ressemblait étrangement, avec moins de cheveux. Ramenez-le tout d'suite, maintenant, monsieur.
Comme il me disait ça, Planète péta les plombs.
Il se leva de sa chaise, tout nu, pour leur faire un discours.
-Mes hosties d'tapettes de tabarnak! Vous êtes pas assez homme pour fourrer vos femmes! C'est pour ça qu'vous voulez m'arrêter, hein mes hosties d'fascistes sales à marde! Gang de nazis! Si j'fourrais ta femme, A' m'dirait marci! A' me r'mercierait, hostie! Merci d'avoir été baisé par un Dieu et pas par un maudit tapette qui se promène avec une matraque pour s'penser homme! Vous êtes pas des vrais hommes! Vous êtes pas des vrais!
Véronique crut bon d'en rajouter, pour se mettre au diapason.
-Vous vous pensez forts avec vos matraques pis vos guns, hein? Vous aimez ça l'pouvoir, hein, gang de fascistes? Vous êtes pas des vrais hommes! Vous êtes pas des vrais!
Pendant ce temps, nous avions retrouvé le drap de Planète et c'est maintenant les policiers qui s'en servaient pour cacher les parties intimes de Planète devant les clients. Planète qui continuait à insulter tout un chacun.
-Vous autres, en philosophie, vous êtes pas des vrais! Pis vous autres, qui mangez comme des porcs, tandis qu'un homme libre est sur le point de perdre sa liberté, je vous dis pipi de chat! Vous n'êtes que du pipi de chat! J'suis un homme libre, moé! J'suis un vrai!
Et là, du renfort est arrivé. Trois autres policiers se sont emparés du vrai qui résistait énergiquement pour lui passer les menottes.
-Gang d'hosties de fascistes! hurlait Planète, à donner des coups de pieds à droite et à gauche. Vous êtes pas capables de bander! Couilles molles! Pea soup! Heil Hitler!
Nous n'avons rien fait, comme les apôtres, pour résister à l'arrestation de ce christ de fou.
-Man, Planète devrait faire une désintox j'pense, a probablement dit l'un d'entre nous. Mais je n'en suis pas si sûr, parce qu'aucun d'entre nous ne croyait en Dieu et encore moins aux douzes étapes des AA.
Quelques minutes plus tard, comme nous nous sentions de trop au Sirtaki, nous avons appelé un taxi afin de poursuivre notre beuverie au centre-ville.
J'étais avec Rob-Bob, Mark et Véronique. Nous étions pas mal amochés mais nous n'allions pas nous arrêter là. Il restait encore d'autres bouteilles à vider en ville.
Le chauffeur de taxi synthonisait CHLM 650, le poste de radio AM local. C'était l'heure du bulletin de nouvelles. Et on y parlait d'un étudiant en philosophie qui aurait été arrêté par les policiers pour s'être promené flambant nu au Centre d'achats Les Wivièwes.
-Sacrement, man! dis-je. Ils parlent de Planète ces hosties-là mais i' sont même pas foutus de raconter l'histoire comme du monde! Qu'est-cé que vient faire le Centre d'achats là-dedans? C'est au Sirtaki qu'c'est arrivé! Christ d'incompétents de CHLM!
DEUX JOURS PLUS TARD
Deux jours plus tard, alors que nous sirotions un pichet de bière aromatisé à la vodka, moi et Rob-Bob, voilà que Planète fit irruption dans le bar, le visage et les bras tuméfiés. Il venait d'être libéré de prison.
-Pis man? Qu'est-ce qui s'est passé? que je lui ai demandé en lui versant un verre.
-J'en ai mangé une tabarnak! ria Planète. I' m'en ont calicé toute une! Houhouhou! Hahaha! Hohoho!
Planète était encore gelé raide. Il riait, avec ses deux yeux au beurre noir et ses bras poqués.
-J'ai pas arrêté d'les traiter de fascistes, dans l'char, tout l'long du trajet... J'me souviens p'us exactement c'que j'leur ai dit... Mais c'que j'sais, man, c'est qu'j'en ai mangé une tabarnak! Houhouhou! Hahaha! Hohoho! Pour le prochain souper de philo, man, j'mettrai pas de toge! Houhouhou! Hahaha! Hohoho!
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Une divinité exempte d'apparat, debout à côté du buffet d'un resto grec... ça c'est d'la mise en bouche pragmatique!
RépondreEffacerY fait quoi, Planète, maintenant?
Si ça dl'allure!
RépondreEffacerMaudite Planète fuckée.
AVEC NOS TAXES!
Sandra, je ne sais pas ce qu'il fait maintenant, Planète, mais je peux t'en raconter jusqu'à demain matin sur ce qu'il a fait ou n'aurait pas dû faire.
RépondreEffacerYvan, je suis content de ton intervention. Je ne peux pas concevoir qu'un auteur puisse s'amuser sans vergogne à présenter des personnages aussi peu présentables. Ce Bouchard exagère!
salle.
RépondreEffacerce mac est incroyable, j'ai peine à croire que ce soit réellement passé, tout comme son histoire incroyable.
j'aimerais vraiment me prendre une bière pour que tu continues à m'en raconter, depuis que j'ai lu sur lui, j'ai personnalisé dans mon esprit ce que c'était un "real fucked up".
toujours un plaisir de lire ces histoires.
Planète, esti le nom en plus.
Braincras, je vais te dédier le prochain épisode des aventures de Planète, rien que pour toé. Mais j't'avouerai que les plus gros morceaux sont sortis. Quoique...
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