vendredi 17 juillet 2020

La pire peur de ma vie à l'été 1980

L'été 1980 fût l'un des plus anxieux de ma vie.

J'allais faire mon entrée à la polyvalente en septembre.

Les récits que m'en faisaient mon frère dont je suis le puîné me glaçaient le sang.

J'allais sûrement en manger une tabarnak. J'étais mieux de bien m'équiper. Et de m'entraîner avec ces nunchakus que nous nous fabriquions nous-mêmes dans l'espoir de devenir Bruce Lee. Nous nous en calissions des coups sur la margoulette plus souvent qu'autrement. L'arme ne servait pas encore en tant que telle. Mais sait-on jamais...

Moi et mon chum le Bief avions été au surplus d'armée acheter ce que nous appelions des «bucks». Mettons que c'était un couteau de chasse repliable avec une grosse lame d'acier inoxydable d'à peu près cinq pouces.

Je ne sais pas comment on a pu acheter ça à douze ans. Mais bon, nous nous sommes achetés un buck, chacun un, et nous l'avons dissimulé dans nos bottes Kodiak à embout d'acier. Ces bottes allaient aussi servi d'arme de dissuasion. Nous serions prêts à piquer tous les baveux qui viendraient s'en prendre à nous parce que nous n'avions pas encore de gang pour nous soutenir. Notre gang, c'était nous deux, plus mon frère dont je suis le puîné en cas d'extrême nécessité. Cela me servait d'être son frère. Ceux qui savaient que j'étais son frère n'auraient pas osé toucher à un seul de mes cheveux. Il se pouvait néanmoins qu'on ne le connaisse pas. Il se pouvait aussi que je ne sois pas du genre à brandir le nom de mon frère pour les stupéfier. Après tout, j'avais un buck, des Kodiak à embouts d'acier, des nunchakus...

Heureusement que je n'ai jamais eu à me servir de ceux-là. Sinon une seule fois de mes Kodiak à embouts d'acier. J'avais botté le cul à un gros niaiseux qui me traitait de «grosse plote» pour je ne sais trop pourquoi. J'y avais mis beaucoup d'amour dans le swing. Je lui avais littéralement défoncé le trou du cul. Il ne m'a plus jamais insulté ensuite.

C'était épeurant la polyvalente. Il devait bien y avoir plus de mille étudiants qui devaient s'entasser dans cette boîte béton où la moitié des salles de cours était dénuée de fenêtres, un vrai calvaire pour moi qui avais l'habitude d'être dans la lune.

J'ai survécu à la polyvalente.

J'étais grand et gros et un peu fou dans la tête.

Quand on me bavait je réagissais follement.

Genre en levant un banc de huit pieds d'une seule main en le brandissant comme un cure-dent.

Ou en arrachant des planches après des clôtures pour impressionner mes potentiels agresseurs.

Il m'arrivait aussi de courir derrière eux avec une énorme roche pour les assommer. Ou bien avec un pic à glace. Je l'ai fait aussi. Comme je courais moins vite qu'eux, rien de malheureux n'est advenu.

Bref, je suis un survivant de la violence en quelque sorte.

J'ai mangé quelques coups.

J'en ai donné quelques-uns pour me défendre.

Que voulez-vous?

Mais je n'ai jamais battu une femme.

Parce que la femme, même du temps de la polyvalente, je me la représentais comme l'espoir de l'humanité.

Parce que les gars, somme toute, étaient caves.

Ils s'achetaient des couteaux.

Ils s'étranglaient.

Ils se bousculaient.

Pas moyen de lire Shakespeare tranquille genre.


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