Il est dommage qu'il n'y ait plus de marchés aux puces à Trois-Rivières. Je plongeais dans cet univers comme un enfant dans une fête foraine. Je renouais avec la culture et la musique de mon enfance. Je n'y allais pas tant pour y trouver des puces que pour décrocher des pressions inhérentes à l'intellectualisation des événements, une maladie pernicieuse que j'ai malheureusement attrapée au cours de mes études dites supérieures. J'y allais, à vrai dire, pour me laver l'âme des cochonneries savantes et autres formes de mépris de ce qui fait trop peuple. J'y allais pour me permettre d'être pleinement ce que je suis.
J'avais un camarade d'université qui partageait et partage encore avec moi cette même passion pour les gens que l'on dit simples. Robert Rebselj, alias Robob, m'aura permis d'aimer sans vergogne les chansons de La Bolduc, Soldat Lebrun, Oscar Thiffault, Paul Brunelle et j'en passe. Il me fallait sans doute ce regard d'un type de Winnipeg d'origine yougoslave pour mieux apprécier ces artistes que l'on souhaitait enfouir dans le rayon de la nostalgie pour analphabètes.
Avec Robob, qui court encore les bars avec son band et son ukulélé, j'aurai même appris à jouer les chansons des susnommés.
Je nous revois encore, dans la vingtaine, dans ce petit appartement que nous partagions ensemble à l'époque. Tout commençait avec un petit drink et un peu de fumée qui fait rire. Puis on faisait tourner Le train qui siffle de Paul Brunelle pour bien commencer la journée et défier l'esprit du temps.
Une station de radio de la Rive Sud, située à Bécancour, fait jouer tous les dimanches après-midis des airs de country, pour ne pas dire de western. On peut y entendre les Paul Daraîche, Georges Hamel, Renée Martel et combien d'autres dont les noms me sont inconnus.
Les auditeurs appellent l'animateur Claude Lefebvre pour lui demander de jouer telle ou telle chanson qu'ils souhaitent dédier à Pierre, Jeanne ou Jacqueline. C'est un peu ridicule. Mais c'est aussi touchant. Touchant comme seul le peuple peut l'être dans toute cette splendeur que n'aurait pas reniée Dostoïevski ou Tchekhov.
Je vous avoue que j'écoute parfois cette émission. Comme ma mère l'écoutait. Comme Robob l'écouterait sans doute s'il était encore dans la région.
Cette musique simple constituée de trois accords sur un rythme tout ce qu'il y a de plus fondamental défie les standards de l'industrie musicale. Les radios en diffusent fort peu et pourtant les fantassins du country parcourent le pays d'un bout à l'autre pour répandre ce bonheur presque coupable.
J'imagine que le country est aux Blancs ce que le blues est aux Noirs. On leur préfère d'autres genres en hauts lieux. On prend ses distances face à ces airs de péquenauds.
J'assume pourtant mon amour pour ces airs simples, cette poésie à la syntaxe aléatoire, ces inversions, ces diphtongues et autres sons nasaux.
Je les assume d'autant mieux qu'on les méprise.
Je les aime parce qu'on ne les aime pas.
Je les porte dans mon coeur pour témoigner que je n'ai pas honte de ce que je suis et surtout d'où je viens.
" je n'ai pas honte de ce que je suis et surtout d'où je viens. "
RépondreEffacerVous avez bien de la chance d ' avoir encore le country -
Il ne faut pas ne pas avoir honte d ' être ce qu ' on est : il faut en être FIER -
Sois fier de toi-m^me Gaétan , tu as tout pour cela -
Ici en France nous n ' avons m^me plus de musique populaire -
Quand j ' étais jeune , existait encore l ' accordéon bal-musette , et ses émissions télévisées ( la chance aux chansons ) - il a pratiquement totalement disparu .
Il n ' y a plus qu ' une immonde soupe de musique de " variétés " ultra-libérale -
Quelques vrais authentiques rebelles au milieu de tout ça -
Fier -