Je me trouvais en un lieu que je ne réussissais pas à situer sur ma carte routière. J'étais dans l'Ouest canadien et cela me suffisait. L'automobiliste qui m'avait embarqué sur le pouce dut m'abandonner là afin de poursuivre sa route vers une autre direction.
Il devait être autour de midi. Je n'entendais aucun bruit, sinon ceux des criquets qui frottaient leurs ailes l'une contre l'autre dans les champs de blé qui s'étendaient à perte de vue devant moi.
Je me faisais à l'idée que j'attendrais longtemps sur le bord de la route, perdu quelque part entre Lloydminster et North Battleford.
Je me suis donc décidé à marcher avec mon sac à dos pour me délier les jambes.
Je goûtais à une liberté totale en me promenant d'une ville à l'autre, sans toit ni loi, avec le sentiment de vivre enfin une aventure spirituelle digne de ce nom. Je n'avais rien, mais en même temps j'avais tout. J'avais du temps pour contempler le ciel et la terre. Du temps pour voir cette longue chevelure de blé se faire caresser par le vent. Du temps pour mordiller une brindille tout en méditant.
Au bout d'une heure, je suis tombé sur un petit restaurant perdu au milieu de nulle part. Le seul véhicule qui était stationné devant ce snack-bar était celui de la serveuse des lieux, une fille d'à peu près mon âge qui se demandait d'où je pouvais bien venir avec ce thick french accent que j'avais. J'ai commandé un café et un grilled cheese. Je lui ai expliqué vaguement mon périple sur le pouce de l'Alaska au Yukon, puis de la Colombie-Britannique à l'Alberta. Elle devait trouver que j'étais un drôle d'oiseau. Elle me proposa même une place pour dormir si je souhaitais me reposer. Je déclinai son invitation pour ne pas m'empêtrer dans une histoire qui freinerait ma trajectoire. J'ai rempli mes bouteilles d'eau puis j'ai repris la route après l'avoir payée et remerciée pour tout.
Un agriculteur qui s'en allait lentement sur un tracteur m'embarqua dans la remorque de foin qu'il traînait derrière lui. Il me laissa une dizaine de kilomètres plus loin. Puis ce fût au tour d'un autre fermier de me prendre à bord de son véhicule. J'ai bien dû connaître une dizaine de bons Samaritains au cours de cette journée chaude. J'ai attendu plus d'une heure à chaque fois. Tant et si bien que j'ai dû me résigner à me trouver un campement pour la nuit après avoir bénéficié d'une dernière ride avec un type qui conduisait une voiture de luxe.
Je ne sais pas où j'étais. C'était un parc public loin de tout. Il y avait des chalets vides qui n'étaient pas cadenassés. Personne à plusieurs kilomètres à la ronde. Seulement moi et une pluie fine qui s'est mise à tomber. Au lieu de planter ma tente, je me suis risqué à dormir dans un des chalets abandonnés. Il y avait des mûres, des bleuets et des cerises sauvages tout autour. Je me suis fait cuire du riz. Puis je me suis endormi après avoir fait tremper mes pieds dans l'eau pour guérir mes ampoules.
J'étais seul et ne savais pas où j'étais. C'était, somme toute, le lieu idéal pour me retrouver moi-même et faire le point sur mes plus récentes aventures d'auto-stoppeur. J'ai saisi mon calepin et j'ai écrit quelques trucs que je n'allais probablement jamais relire. J'ai joué un peu d'harmonica. Puis je me suis endormi.
J ' ai pratiqué l ' auto-stop - moments inoubliables de bonheur -
RépondreEffacer@Monde indien: je n'en fais plus depuis longtemps mais ce fût formateur...
RépondreEffacerTa photo me rappelle de mes souvenirs de mes traversées du canada su'l pouce. Les prairies du manitoba et de la saskatchewan ressemblent à ça, selon ce que je m'en souviens.
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