« La liberté n’est pas une marque de yogourt. »
Pierre Falardeau
On fait dire
tout et n’importe quoi à la liberté parce que sa définition elle-même se passe
de contraintes. Au nom de la liberté d’un peuple, on prive un individu de sa
liberté. Au nom de la liberté d’un individu, on condamne un peuple à la survie.
Certains vont même jusqu’à se réclamer de la liberté d’expression pour
promouvoir une idéologie qui mettrait fin à la liberté d’expression. La liberté
s’avère donc un mot fourre-tout que
chacun semble s’arroger pour faire taire les autres.
Pourtant,
comme le laissait entendre cette saillie de Pierre Falardeau, la liberté n’est
pas une marque de yogourt.
Il y en a
encore qui meurent pour elle, un peu partout dans le monde. Il suffit de lire le
rapport
annuel d’Amnesty International pour s’en faire une juste idée.
Des gens
sont jetés en prison, torturés et parfois assassinés pour s’être tout
simplement exprimés. Ces héros, qui nous sont souvent inconnus, sont occultés à
l’intérieur de nos frontières par des événements mineurs qui relèvent du
libelle diffamatoire et de la propagande haineuse, sinon d’une décision d’affaires.
Récemment,
des humoristes québécois se sont insurgés contre la décision d’un commanditaire
de retirer un sketch produit par Guy Nantel et Mike Ward pour le Gala des
Olivier 2016. Ce gala récompense les artisans du milieu de l’humour québécois. On
reprochait aux deux humoristes de tenir des propos inconvenants, des
peccadilles selon les deux lurons, des gags sur la liberté d’expression, des
blagues sur les Juifs et ceux qui se tournent vers la Mecque.
La compagnie
d’assurances n’a pas souhaité se diriger vers un procès, à tort ou à raison,
mais ce n’était certainement pas la fin du monde annoncée et dénoncée par tout
un chacun sur les médias sociaux. C’était, pour tout dire, une décision d’affaires.
Le sketch a pu être vu et entendu par tout le monde dès le lendemain via les
médias sociaux. L’État n’a pas emprisonné ni torturé Mike Ward et Guy Nantel.
Mike Ward s’est même mérité l’Olivier de l’année, un prix décerné par le vote
du public. On peut dire qu’il ne s’en tire pas si mal n’est-ce pas?
Raïf Badawi
est encore emprisonné et menacé de recevoir le fouet pour avoir remis en
question les fondements théocratiques de l’Arabie Saoudite. Il mérite sans
doute plus d’égards. Idem pour tous ces militants et manifestants méconnus qui
se battent corps et âme, jour après jour, pour que nos droits et libertés ne
soient pas réduits comme des peaux de chagrin.
Porter un masque
marqué d’une croix comme si la liberté d’expression était une épidémie de
grippe ne change rien à l’affaire. Cette
petite rébellion contre le commanditaire du Gala des Olivier est d’autant plus
pathétique que les humoristes ont tout de même participé à l’événement. On se
serait cru à une mutinerie à la salle de quilles Chez Bouboule.
La liberté d’expression
transcende, de loin, ces décisions d’affaires qui ne sont que des banalités.
Je n’apprendrai
rien à personne. La liberté absolue est une illusion. On ne peut pas dire que l’on
violerait telle artiste au joli minois plusieurs fois d’affilée. On ne peut pas
prétendre que les propos d’un Juif nous font regretter la disparition des fours
crématoires. On ne peut pas risquer de commettre des millions de morts
supplémentaires pour protéger le droit d’un fasciste à lancer des appels au
meurtre au nom d’une liberté d’expression factice et détournée.
Il est
coutumier sur les médias sociaux de lire des propos orduriers tenus envers les
uns et les autres. L’insulte est souvent la norme et le goujat ne manquera
jamais de se réclamer de la liberté d’expression la plus authentique pour
justifier l’intimidation, la diffamation et même le discours haineux.
Évidemment,
défendre seulement la liberté d’expression de ceux avec qui nous sommes d’accord
ne veut rien dire. La liberté d’expression prend tout son sens lorsqu’on est
prêt à défendre celle de son ennemi. Encore faut-il s’entendre sur le respect
de cette règle commune qui nous tient lieu d’arbitre.
On peut
contester, évidemment, la décision d’un arbitre.
Il serait néanmoins
stupide, selon moi, de croire que la liberté d’expression puisse se passer de l’État
de droit.
Et il
vaudrait mieux que nos humoristes participent aux actions d’Amnesty
International pour être pris au sérieux…
Merci de parler de ça qui parait si simple pour certains - trop simplement oublié pour d ' autres - Le respect de la liberté d ' expression est une chose - Le respect de l ' autre en est une autre - Se faire respecter une autre encore : ce qui fait que lorsqu ' on nous manque de respect , une bonne tarte sur la gueule soulage parfois - si on n ' a pas le talent de savoir répondre par une cabriole acrobatique pleine d ' humour - l ' humour peut parfois faire aussi mal qu ' une insulte crue -
RépondreEffacer@Monde Indien: Dieudonné a été refoulé à nos frontières. On vous l'a malheureusement retourné.J'espère que vous ne nous en voudrez pas trop...
RépondreEffacerVous auriez quand m^me pu le perdre dans une de vos magnifiques forêts - ;)
RépondreEffacer( toujours aussi bavard ) j ' ajoute que la liberté , si elle est une condition indispensable de l ' épanouissement , n ' est absolument pas suffisante pour une société de partage - il faut aussi de la générosité - et du respect , bien sûr -
RépondreEffacerJ ' ajoute encore , à propos de ces dits-humoristes , qu ' il ne s ' embarrassent souvent pas de savoir qui est la personne qui est derrière leurs contorsions de clowns - De plus , les pouvoirs et les médias qui leur sont inféodés s ' arrangent en général bien pour laisser en lisse ceux qui les dérangent le moins et ceux qui les valorisent - Ces humoristes ne sont souvent que des pantins -
Partout sur les réseaux sociaux, les artistes et la gauche victimaire trouve que c'est tellement mauvais le sketch de Mike Ward et de Guy Nantel que ça leur fait pas un pli sur la poche. Alors, maintenant la gauche victimaire va dicter ce qui est de bon goüt ou ce qui n'est pas de bon goüt.
RépondreEffacerJe reconnait qu'il y'a des limites quand il y'a incitation à la haine... Dans le cas de Dieudonné, j'ai du mal à trancher parceque je n'ai pas assez fouillé ce dossier, Mais dans le cas de Ward et Nantel, ça me scandalise que parecqu'ils ont du succès avec des jokes faciles, la bienpensance victimaire leur tombe dessus à bras racourci.
L'état de droit,,,euh...
Pour te dire ça me met hors de moi de fureur.
Et dans la vie, j'écoute quasiment jamais les humoristes.
@Jean-François Thibaud: Tu ne t'attends pas à ce que tout le monde se mette à dire que la marde ça goûte bon? Pour ce qui est de la gauche victimaire, j'ai un peu de misère avec le concept qui, incidemment, provient du camp adverse. Si l'on disait, par exemple, que les Peaux-Rouges dorment plus longtemps si on les enveloppe dans des draps contaminés par la variole, eh bien je pourrais comprendre que ce n'est pas de l'humour mais une minimisation du génocide. Mike Ward et Guy Nantel ne sont aucunement privés de leur liberté d'expression. Ils peuvent encore donner des shows dans toute la province et leurs revenus risquent même d'augmenter. Ce n'est pas parce que ton sketch est refusé pour un gala qu'il faut croire qu'on assassine la liberté. Idem pour un refus de publier un texte dans un journal.
RépondreEffacerCela dit, ce genre d'humour me rappelle le temps où j'étudiais à la polyvalente et où je devais parfois écraser la face d'un baveux qui intimidait les gros, les maigres, les homosexuels et les noirs avec l'approbation de son fan-club d'imbéciles. Sa liberté d'expression, bien honnêtement, je m'en calissais d'aplomb. Tu veux humilier autrui? Fort bien, tu vas me trouver sur ton chemin et j'vais t'crisser une garnotte dans l'front.
Évidemment, se faire justice soi-même n'est pas une très bonne idée.
Surtout après avoir atteint l'âge de la majorité.
Un âge où il nous est loisible de croire qu'un État de droit, malgré ses vicissitudes et ses hommeries, est une garantie pour vivre ensemble dans une harmonie relative sans avoir recours au lynchage et aux claques sur la gueule.
S'il n'y avait pas d'arbitre au hockey on finirait par ne plus avoir besoin de rondelle. On se contenterait de laisser tomber les gants pour achever l'équipe adverse à coups de bâtons.
J'ai trop de respect pour la liberté d'expression pour prendre au sérieux les crises de diva des joyeux lurons du salon de quilles Chez Bouboule...
Je leur concède le droit de dire toutes les conneries de leur cru dans la mesure où ils ne tombent pas dans le libelle diffamatoire et le discours haineux envers les minorités.
Je me concède le droit de dire que c'est de la marde.