Lundi matin, le roi, la reine et le petit prince sont venus chez-moi pour me serrer la pince. Mais comme j'étais parti, le petit prince a dit: puisque c'est comme ça nous reviendrons mardi.
Mardi matin, ils revinrent tous trois à bord d'une grosse Cadillac jaune fluo.
Évidemment, c'était le roi de la patate, avec sa femme et son petit qui s'appelait Prince. Prince Galarneau. Puisque le roi de la patate s'appelait Galarneau et qu'il était encore coutume dans cette famille d'associer le nom du père à celui des enfants.
Roger Galarneau, le roi de la patate, souhaitait que je devienne cook dans son casse-croûte portant son titre éponyme: Le Roi de la patate.
C'était en fait une roulotte transformée en casse-croûte, installée quelque part sur la route 138, entre Trois-Rivières et Baie-Comeau.
-Veux-tu devenir cook pour Le Roi de la patate? me demanda le petit Prince qui se préparait déjà à prendre la relève du roi qui souffrait d'un cancer incurable de l'oreille gauche.
-Patate que oui, patate que non, lui répondis-je, puisque je ne connaissais rien en matière de patates frites.
-Je ne peux pas t'offrir plus que le salaire minimum continua le roi de la patate.
-Ça ne fait beaucoup, ajouté-je.
-Par contre, tu peux manger autant de frites que tu veux, prononça l'épouse. En autant que tu paies si tu rajoutes du fromage en crottes. Ça coûte cher le fromage en crottes. On n'a pas les moyens de voir manger tous nos profits, tu comprends?
-Mais c'est que je n'y connais rien en patates frites et en hamburgers! Pourquoi vous tourner vers moi pour cet emploi? J'ai déjà une job et on me paie un peu plus que le salaire minimum... Comment voulez-vous que je change une piastre pour deux trente sous?
-T'apprendras que c'est un honneur de travailler pour Le Roi de la patate! s'enflamma le petit Prince.
-L'honneur, ça paie pas les factures, osé-je lui répliquer.
-C'est à prendre ou à laisser! J'ai le cancer de l'oreille gauche! Je n'ai plus le temps de niaiser! Veux-tu oui ou non devenir cook pour Le Roi de la patate? me lança Roger sur un ton menaçant.
-Noooon! que je lui ai crié de toutes mes forces, regrettant ensuite de l'avoir fait compte tenu de son cancer d'oreille incurable.
Les trois m'ont regardé d'un air triste, déconfit et désespéré.
-Il n'y a donc rien à faire! Allons-nous en! déclara le petit Prince.
Le roi, sa femme et le petit Prince embarquèrent dans la Cadillac jaune fluo. Le petit Prince me regarda d'un air teigneux une dernière fois avant de démarrer la voiture. Il fit crisser les pneus sur l'asphalte tout en me tendant le majeur pour signifier tout son mépris pour mon refus de faire partie de leurs sujets.
C'est là que je me suis réveillé, évidemment.
Tout cela n'était qu'un rêve.
Voire un cauchemar.
Enfin, il n'y avait rien de réel dans tout ça.
Ce qui se transforma en littérature, par souci d'économiser mon imagination et mon génie.
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