L'appel de la mer vibrait en nous depuis plusieurs mois. Moi et ma blonde nous sommes longtemps contentés de la vision que nous offre le grand fleuve Magtogoek, qui s'écoule aux abords de Trois-Rivières, pour nous rappeler que la mer pénètre dans son embouchure. Les Trifluviens sont après tout des gens du fleuve et partagent avec Rimouski ces paroles et ces parlures pittoresques avec les goélands qui gouaillent en arrière-fond sonore. Suivre le courant, ici, c'est descendre inévitablement vers la mer.
Il y a deux ans, nous sommes allés en Gaspésie. L'an dernier, nous nous sommes offerts l'Île du Prince Édouard ainsi que la route du littoral acadien du Nouveau-Brunswick. Pour boucler la boucle, il fallait nous rendre en Nouvelle-Écosse cette année. Ce que nous avons fait. Et ce fût un voyage en classe économique, comme d'habitude. C'est moins cher de voyager à Cuba que dans ce qui s'appelle encore notre pays. À moins d'être débrouillards comme nous le sommes: le moins de bagages possible, du camping, des repas préparés à l'avance et vive l'aventure!
C'est à bord de notre camionnette Chevrolet Uplander, qui nous a toujours si bien servis, que nous avons donc pris la route en destination de la Nouvelle-Écosse. Nous avons suivi l'autoroute Transcanadienne jusqu'à Halifax, via Rivière-du-Loup, Edmunston, Fredericton, Moncton, Amherst et Truro. Ma blonde conduisait. Je n'ai pas cette faculté de prendre le volant compte tenu de mes yeux au focus retardataire et de mon désintérêt en matière de conduite automobile. C'est donc ma douce qui s'est claqué tout le trajet tandis que je l'énervais de temps à autres avec le GPS pour tourner à droite, à gauche, en bas ou en haut.
Nous sommes partis vers quatre heures du matin samedi le 16 août. À cette heure-là, la route est libre et l'on peut rouler tranquille pendant des heures en écoutant les plus grands succès des Beatles pour se tenir éveillés. Nous nous sommes évidemment arrêtés en chemin, ça et là, pour pisser et faire le plein d'essence. Nous avons constaté, avec ravissement, que l'essence est dix cents moins chère le litre dans les provinces des Maritimes. Pourquoi est-elle dix cents plus chère au Québec, une province sensément plus riche? Est-ce pour payer notre contribution à la mafia? Je n'en sais trop rien. Cela nous a permis de tenir des discussions sur ce thème tout au long de notre route, chaque fois que nous faisions le plein.
Nous avons passé notre première nuit dans les parages de Hopewell Rocks, au Ponderosa Pines Campground, un endroit que nous avons découvert l'an passé et qui nous permet de contempler les marées de la Baie de Fundy, les plus hautes marées du monde à ce que l'on dit. Tellement hautes que toutes les rives semblent chocolatées par ce sable brun charrié de loin.
Nous y sommes passés deux jours pour nous reposer, marchant dans les sentiers nous donnant la pleine vue sur la baie. Le vent du large et le soleil tannaient le cuir de nos peaux encore trop roses. Puis nous reprîmes la route vers Lawrencetown où se trouve une magnifique plage gratuite d'accès située à dix minutes de Halifax. La plage était jolie mais nous devions, avant toute chose, nous trouver un lieu où camper pour la nuit. Une lifeguard de Lawrencetown Beach m'a dit qu'il y avait un terrain de camping à dix minutes à droite sur la route 7.
Nous n'avons jamais trouvé ce fameux campground. J'ai donc sorti mon GPS pour nous diriger vers Murphy's Campground On The Ocean. Par malheur, le GPS nous entraîna vers l'intérieur des terres... Il devenait clair que nous nous éloignions de l'océan. Le GPS nous dirigeait vers une mine ou bien un type qui s'appelait Murphy. Nous découvrirons, un peu plus tard en lisant le guide touristique de la Nouvelle-Écosse, qu'il ne faut pas se fier au GPS pour certaines parties de la péninsule néo-écossaise.
Nous nous sommes donc arrêtés devant un garage pour demander à un brave homme quel était le terrain de camping le plus près. Il nous fit prendre la direction de Spry Bay à environ trente minutes de route d'où nous nous trouvions. En roulant dans cette direction, nous sommes tombés par hasard sur ce fameux Murphy's Campground On The Ocean, mais avons tout de même décidé de poursuivre notre route jusqu'à Spry Bay pour comparer les prix et les lieux.
Nous avons finalement échoué à Spry Bay, fourbus et affamés. Le terrain de camping avait l'avantage d'être propre. La tenancière avait l'heur d'être sympathique. Mais où se trouvait l'océan? À cinq minutes de route...
Nous nous sommes donc rendus vers l'océan après avoir installé la tente et dîné. Nous n'avons pas regretté ce que nous avons vu, une plage splendide avec une mer aux eaux aussi claires que le cristal. Nous étions au Tailorhead Provincial Park. C'était gratuit, sauvage et peu achalandé. Nous avons marché dans l'eau salée en nous laissant brûler par le soleil. Nous avions enfin cette mer à nous seuls, comme nous l'avions rêvée.
Le lendemain, nous avons visité le petit village de Spry Bay, avec ses maisons typiques et pittoresques. C'est à peine s'il y a 80 âmes dans ce village, dont un pêcheur que nous avons croisé en squattant probablement son quai sans qu'il ne nous réclame quoi que ce soit. On en a profité pour prendre quelques photos, bien entendu. Puis nous avons visité les alentours pour rencontrer toujours ces mêmes visages sympathiques et accueillants de la Nouvelle-Écosse.
Nous sommes partis tôt le lendemain matin pour nous arrêter à Lawrencetown Beach que nous avions pas eu le temps de savourer lors de notre premier passage. Comme il était tôt le matin, nous nous y trouvions tout fin seuls avec un lifeguard et un surfer plus ou moins adroit. Nos pieds ont pris un bain de mer, une fois de plus. Le bruit des vagues et le cri des mouettes nous ont rappelé que nous avions atteint notre but.
Après un détour vers Halifax, histoire de faire le plein d'essence et de voir les vieilles demeures à l'architecture victorienne, nous avons pris la direction de Peggy's Cove où se trouve un magnifique phare ainsi qu'un petit village de pêcheurs qui rappelle Sainte-Marie-la-Mauderne du film La Grande séduction.
Nous avons campé pendant deux jours au King Neptune Campground, aux abords d'une baie remplie de homards. J'en ai même dégusté un pour un prix des plus raisonnable. Un bon homard bouilli vivant dans de l'eau salée.
Le phare et le village de Peggy's Cove nous ont laissés bouche bée. Quelle magnifique journée nous y avons passé à contempler la mer, les maisons multicolores et même un joueur de cornemuse. Le lieu était hautement touristique, mais il était possible de nous y trouver sans avoir à mettre la main dans sa poche.
À quelques minutes de là, sur la route du retour, nous nous sommes arrêtés à un mémorial dédié aux victimes d'un vol de Swiss Air qui s'est écrasé là dans les années '90. Le site rappelait les Highlands de l'Écosse, pour ce que j'ai pu en voir sur les photos.
Le lendemain, nous sommes une fois de plus partis de bonne heure pour nous rendre à Lunenburg, une petite ville maritime où se trouve la fameuse réplique du Blue Nose, le voilier qui apparaît sur nos pièces de dix cents. Beaucoup d'ateliers d'artistes et d'attrape-touristes nous attendaient. Le lieu avait tout de même l'avantage de ne pas être touché et retouché comme c'est le cas sur l'Île du Prince Édouard, où tout semble fait de toc. La Nouvelle-Écosse nous a d'ailleurs semblé beaucoup plus vraie, plus pittoresque et plus authentique que l'Île de Anne et de la maison aux pignons verts...
De Lunenburg, nous nous sommes ensuite rendus à Ovens National Park, notre dernière destination avant notre retour vers le Québec, pour savourer une dernière fois la mer.
Nous fûmes bien servis. Ovens National Park n'offre pas de plages de sable fin, mais a tout de même le mérite de nous permettre d'emprunter un sentier qui longe des falaises de roc sur lesquelles les vagues viennent se briser depuis des millénaires. Il y eut une ruée vers l'or en ce lieu qui dura autour de six ans vers la fin du XIXe siècle. Il reste peu de traces de cette ruée, sinon des sentiers et quelques entrées de cavernes avec vue sur la mer où l'on devine les traces d'une certaine activité d'extraction aurifère.
Après avoir profité une dernière fois de la mer, il fallait bien prendre le chemin du retour. J'ai tapé Moncton sur mon GPS. Puis Fredericton. Puis plus rien. Il devenait facile de se retrouver.
Il a fait beau pendant tout notre séjour en Nouvelle-Écosse. Il y eut quelques courts épisodes de pluie lors de notre dernière journée. Pluie qui nous incita d'ailleurs à reprendre la route.
Je conserve de ce voyage de très beaux souvenirs ainsi que des photographies, bien entendu. Je vous en offre quelques-unes ici. Certaines sont de moi. Les autres sont de ma douce compagne de vie.
Je ne regrette rien de la Nouvelle-Écosse. J'y retournerais demain matin si je le pouvais.
J'en garde l'impression d'un lieu qui ne fait pas mentir la devise que l'on peut lire sur les plaques d'immatriculation de la Nouvelle-Écosse: Canada's Ocean Playground. C'est vraiment le terrain de jeu océanique du Canada. Le paradis des surfers et autres adeptes de la mer.
Beau billet. Et merci de partager ces belles photos. Jamais été dans ces coins-là, mais ça en donne certainement le goût.
RépondreEffacer@Misko: Le Nord-Est de la Nouvelle-Écosse rappelle un peu la Gaspésie. C'est plus sauvage et moins touristique.
EffacerTrès belles photos.
RépondreEffacerJ'y suis allé et ça ressemble à ça.
À ta façon, merci.
@ Yvan: On a pris au moins deux cents photos. Je n'ai retenu que celles-ci pour mon billet afin de ne pas sombrer dans l'excès. Les meilleures images sont encore celles qui vivent dans nos souvenirs... J'ai vu le Yukon, l'Alaska et le Labrador sans prendre une seule photo. Il faut dire que c'était à l'époque des Kodak. Les Iphones nous permettent de prendre des milliers de photos et de vidéos, tellement qu'on finit par en oublier la nécessité d'une vraie contemplation si l'on se laisse happer par la technologie.
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