lundi 8 octobre 2012

Ahanu

Ahanu n'est pas allé à l'école longtemps. Mais il rit doucement. D'ailleurs son prénom, Ahanu, signifie «il rit» dans la langue des Anishnabés.

Rire, c'est déjà toute une école. J'en connais qui ne rient jamais et c'est triste de savoir qu'il y en a parmi eux qui sont allés à l'école pour avoir aussi mauvaise mine, voire pour finir dans une mine, quelque part dans le bout de Rouyn-Noranda.

Ahanu ne travaille pas dans les mines. Il chasse, trappe, pêche et encaisse des chèques sur la réserve. Ahanu est le gardien héréditaire du sol qu'il foule. Il est le protecteur naturel de la faune et de la forêt aux yeux de Kitché Manitou.

Ahanu a appris de ses parents et grands-parents tout ce qu'il faut savoir pour bien jouer son rôle de vrai humain parmi toutes les âmes qui circulent dans le Grand Cercle de la Vie: moustique, araignée, sapin, bleuet et roche.

Ça ne s'explique pas, un métier comme celui de Ahanu. L'important c'est de ne pas devenir l'esclave de ces malheureux qui détruisent tout sur leur passage et qui ne savent pas faire du feu avec simplement ce qu'il faut de combustible. L'important, c'est de vivre parmi les âmes de la forêt, du ciel et des eaux.

Bien sûr, Ahanu revient sur la réserve de temps à autres pour s'acheter des clous, du café et autres petits luxes comme une motoneige. Néanmoins, on peut dire que notre ami Ahanu vit au moins trois cent quarante jours par année presque seul, au milieu de nulle part.

Il vend des fourrures, de la viande fumée et autres herbes pour une boutique de Montréal. C'est son cousin Bob, à Maniwaki, qui a établi le lien via l'Internet. C'est une boutique de trucs grano et nouvel-âge. Bob a mis la photo de Ahanu sur les emballages. Les produits s'appellent Ahanu. Et ça se vend pas si mal du tout.

Ahanu rit doucement du matin au soir.

Il siffle de vieux airs anishnabés, métissés de chansons country américaines et même d'airs québécois à la Paul Piché. Enfin! Il siffle de tout ce qu'il peut capter par la radio communautaire où travaille aussi son ami Bob.

Il rit doucement en se partant un feu avec quelques feuilles d'écorce de bouleau. Cela flambe même quand c'est mouillé, l'écorce de bouleau. Imaginez quand c'est sec. Woof! Et la flamme est déjà vive. Il ne reste plus qu'à se faire bouillir de l'eau pour le premier café de la journée. Ensuite, ce sera la tournée des pièges et l'inventaire des castors.

Ahanu a de quoi s'occuper toute la journée.

Le ciel est dégagé.

L'air du mois d'octobre est frais et vivifiant.




3 commentaires:

  1. Belle façon de vivre ça!...mais je soupçonne presque un néologisme dans "Ahanu"..."aha!"+"innu" = rire hhhmmmm... :¬)

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  2. ça fait du bien de savoir qu'il y a encore des gens qui ne vivent pas comme des c***....:)

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  3. Misko: Ni teb gitimagis kawin inikahiciken... (J'ai assez de ma misère ne vient pas l'augmenter!) :)

    ***

    Anne: Asakami inwewin ainwenaniwan enigokwak aking! (Que de langues différentes on parle dans toute l'étendue de la terre!)

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    Migwetch. (Merci)

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