dimanche 27 septembre 2009

Le presse-papier de Ti-Cul Boulamite


Les états de grâce sont nombreux dans la vie de ces foutus rêveurs qui ne sont pas capables d'être sérieux un seul instant. Ces connards de rêveurs gagnent à tout coup, même quand ils sont pauvres, et s'ils croient susciter l'envie d'autrui c'est bien parce qu'ils ne savent pas qu'un tien vaut mieux que deux tu le rêveras.

Quoi qu'il en soit il n'y a pas plus rêveur que Ti-Cul Boulamite, un surnom qui a fini par supplanter son vrai nom, dont personne ne se souvient sinon son facteur et son agente de l'aide sociale.

Ti-Cul Boulamite c'est un hostie de rêveur. Il passe ses journées à s'imaginer une vie toute autre que celle qui s'offre naturellement à nos yeux devenus sévères, mais justes, résultat notoire d'une symbiose avec la réalité tangible. Vous comme moi savons compter quoi. Et nous payons nos taxes, nos impôts, nos dettes, alouette, sans sourciller, avec le regard de fer d'un citoyen romain, tiens, fier de payer son dû à la chose publique.

Ti-Cul Boulamite, c'est comme s'il se calissait de tout ça...

C'est un fucking rêveur. Et il nous emmerde tout le temps avec ses états de grâce. Une putain de bonne raison pour ne pas se chercher un travail honnête et rémunérateur, de quoi payer pour ses obligations sans lesquelles nos libertés ne sont que des privilèges de naissance qui nous rapprochent bien plus de la brute que de l'État de droit.

Doncques, Ti-Cul Boulamite est aussi un hostie de paresseux.

Il passe toutes ses journées à assembler des trucs qu'il trouve dans les poubelles, le seul travail qu'on lui connaisse. Il ne sort jamais de son minable studio, Ti-Cul Boulamite, sauf le lundi, le soir des poubelles, vous vous en doutez bien.

Et l'innocent rentre chez-lui avec des bouts de métal et des trucs en plastique pour faire de la sculpture moderne. Il n'a pas compris que ceux qui réussissent à vendre de l'art moderne sont généralement issus de la bourgeoisie. Les pauvres n'ont aucune chance de ce côté là. Et ils crèvent dans des logements minables à rêver une vie toute autre, comme Ti-Cul Boulamite, une vie où ils seraient reconnus pour leur art et la blancheur de leurs dents.

Ti-Cul Boulamite, en passant, n'est pas très gros. Il est monté sur un frame de chat. Cinq pieds trois pouces cent douze livres. Chauve depuis sa dix-neuvième année, chauve depuis trente ans. Ce qui lui donne quarante-neuf ans. Né en 1960. Baptisé en la paroisse de je ne sais pas trop où. Joseph-nom-de-son-parrain-alias-ti-cul-boulamite. Je le sais parce que lui et sa famille vivaient juste en face de chez-nous quand j'étais petit.

Quarante-neuf ans d'aide sociale, je vous jure. C'est presque pas croyable et c'est pourtant vrai.

Le pire c'est que Ti-Cul Boulamite croit vraiment en ces assemblages de restants de poubelles qu'il construit de ses propres mains et ne vend jamais. Il atteint même des états de grâce. Des états de grâce tabarnak!

Comment tu peux être heureux avec rien? Ceux qui se contentent de peu vous diront de l'argent qu'il est trop vert, juste parce qu'ils sont trop nabots pour l'atteindre, comme le raisin de la fable de Borne-Fontaine... Hostie que l'monde est maillet!

Franchement, c'est des hosties de trous du cul comme Ti-Cul Boulamite, qui travaillent pas pis qu'i' sculptent des quossins pas vendables qui me pousse à penser que les états de grâce, ouais, ça ne fait pas sérieux.

Sérieusement, hein? Entre vous et moi... Des é-tats de grrrr-âce! J'ai mon sacrement de voyage!

Tenez, je l'ai croisé ce matin au dépanneur, Ti-Cul Boulamite. Il avait les cheveux ébréchés. Ébréchés comme du tabarnak. Je ne dirais pas qu'il relevait de brosse parce qu'il ne boit pas. C'est juste qu'il n'a pas assez d'argent pour s'acheter du savon, faut croire.

Il m'a encore parlé de ses putains d'états de grâce et de ses sculptures laides. Il me faisait pitié. Je l'écoutais et j'entendais sa voix d'enfant immature, d'adulescent attardé, de paresseux qui à force de paresse est devenu asocial, malpropre et impropre au travail.

Eh bien, vous ne me croirez pas, mais je lui en ai acheté une, une de ses foutues sculptures. J'ai pris Ti-Cul Boulamite en pitié, eh oui. J'ai un coeur, quoi. Je suis normal.

Ça ressemble à rien, sa sculpture. Du vomi ça ressemble à quelque chose. Mais ça, franchement, c'est juste pesant et ça ne ressemble à rien.

Sa sculpture, sorte de ready art pitoyable, me sert de presse-papier. Je n'en ressens aucun état de grâce. Juste une forme d'énervement. Une charge sociale de plus. Soutenir un putain de rêveur qui ne veut pas travailler et qui s'amuse comme un enfant dans les vidanges. C'est ça que ça représente, son hostie de presse-papier. Un enfant qui joue dans les poubelles. Et dix dollars en moins dans mon portefeuille.

Et dire qu'il voulait me la vendre cinquante!!! C'est dix dollars ou rien, que je lui ai dit. La pitié a tout de même des limites.

Bon, je dois vous laisser. Je dois prendre mon vol pour Francfort dans quelques instants. Pour affaires. Business as usual, y'know? Il faut bien qu'il y en a qui travaillent pendant que d'autres ne font rien.

Hosties de trous du cul! Pourquoi dois-je toujours les prendre en pitié, moi? Moi et moi seul...

Aucun commentaire:

Publier un commentaire