dimanche 26 octobre 2008
UNE SEMAINE À NORTH BATTLEFORD, SASKATCHEWAN
MY NAME IS CRAZY HORSE!
Les Prairies ne sont pas toujours ennuyantes, je veux dire plates. Je les vois bien de mes yeux vues. Un Indien Blackfoot m'a pris à ses côtés et, à moitié ivre, il roule à vive allure par monts et par vaux. Je sais bien que c'est un Blackfoot mais je me sentirais presqu'au pays des Sioux. De fait, il y a des Sioux dans le coin, et des Cris des Plaines, sans compter les Métis et les Ukrainiens.
Le Blackfoot a les traits typés de l'Indien que nous ont vendus les films de cow-boys américains. C'est cette tête d'Indien-là qui a fait le tour du globe. Ma pauvre gueule de Métis du Nord-Est est moins connue. Il y avait des Européens depuis quelques milliers d'années chez les aborigènes du Nord-Est, des Européens de l'âge de pierre qui ont longé la côte glacée qui reliait les deux continents. Cela expliquerait les cheveux châtains et le teint plus pâle des Hurons, Iroquois et Algonquins, tellement pâle qu'ils pouvaient facilement s'assimiler aux visages pâles en moins de deux générations. Et prétendre ensuite qu'il n'y avait pas de Sauvage dans leur sang...
Bref, j'étais avec mon frère aborigène, un Blackfoot, et il ne m'adressait pas la parole, pas du tout, jusqu'à ce qu'il se tourne vers moi, l'oeil tremblotant de l'ivrogne et la bouche grouillante du coké des Prairies.
-Y'know... My name is Crazy Horse, qu'il me dit.
Crazy Horse, c'est celui qui a résisté aux visages pâles américains, dont la légende rapporte qu'il aurait lui-même tué de ses propres mains le général Custer à la bataille de Little Big Horn.
Je pense que Crazy Horse me provoque. J'ai l'air d'un visage pâle, malgré mon collier de griffes d'ours, et il veut m'impressionner, c'est évident.
-Y'know, que je lui réponds, my name is Mickey Mouse...
Crazy Horse est surpris et furieux! Il arrête l'auto sur le bord de la route, tourne la clé, stoppe le moteur et me regarde fixement dans les yeux.
-Are you an Indian?
-Yes I am. Louis Riel was my grand-grand-dad, que je lui mens.
Crazy Horse est saoul et gelé raide. Il renifle. Sa mâchoire de coké se promène de tous bords tous côtés. Va-t-il me planter son tomahawk dans la gueule?
-You mean, your name is Louis Riel, huh?
-No. Gaétan Riel. But we used to call me Sasquatch.
-Sasquatch!
Et là le regard de Crazy Horse s'illumine. Il me regarde et il part à rire.
-Sasquatch! Ho! Ho! Ha! Ha!
Ouais, je suis un sasquatch, un abobinable homme des neiges perdu dans la prairie, en Sasquatchewan, aux côtés de Crazy Horse qui pourrait bien me scalper.
Il redémarre sa voiture. Il rit encore de bon coeur. Il m'offre un de ses sandwiches au jambon que je ne refuse pas. Puis il me demande de rouler un joint. Cela semble tout naturel, dans l'Ouest, d'embarquer des auto-stoppeurs juste pour rouler des joints. C'est du moins ce que j'en conclus. Et je lui en roule un beau gros. Il me demande de fumer le premier. J'allume donc le calumet de paix et le tends à mon frère Blackfoot.
-Woga!!! qu'il dit.
-Woga!!! que je réponds.
Pfffff... Pffff.... J'inhale la fumée qui lentement monte en moi comme une vague de sons et d'images plus vraie que nature. La vague déferle. La vague me submerge. Je fais du surf sur mon surmoi pour en déterrer quelques archétypes jungiens en compagnie de Crazy Horse.
-Thanks man.
-You're welcome, ajoute Crazy Horse en se décrottant le nez.
Crazy Horse aime Stevie Ray Vaughan. Et il l'écoute jusqu'à ce que ces hauts-parleurs fassent de la distorsion. Je suis plus musicien que ça et, franchement, ce bruit m'horripile. J'aime le blues, mais je n'aime pas que la musique soit distordue.
Heureusement pour mes oreilles, il m'abandonne en plein centre-ville, dans une ville inconnue jusqu'alors: North Battleford, Saskatchewan.
NORTH BATTLEFORD, SASKATCHEWAN
Je me sens comme dans un western. Je suis un coyote qui débarque au Last Chance Hotel, sauf que c'est le Windsor Hotel, encore une fois, comme si tous les hotels miteux du Canada s'appelaient Windsor.
Il pleut à boire debout en cette soirée mystérieuse. Des éclairs déchirent le ciel, des éclairs comme je n'en avais jamais vus auparavant. Il y en a partout, sur trois cent soixante degrés. J'ajuste ma calotte de chasse à la Fidel Castro et je mets mon sac à l'abri sous le balcon du Windsor Hotel. J'assiste au spectacle. Je n'ai pas d'appareil-photo. Il faut que je retienne ça pour mes vieux jours, que je me dis. Et chaque coup de tonnerre me transperce comme une incitation à plus d'audace, plus d'énergie, plus de mépris pour tout ce qui n'est pas ce que je suis intrinsèquement: un Sauvage.
Je suis Makwa Grizzli. Je ne crains rien, ni les hommes ni la foudre.
Mais j'ai froid et je sens l'humidité me transpercer les os... Finalement, je suis Gaétan Bouchard et j'ai besoin d'un bon lit moelleux!
J'entre dans le lobby de l'hôtel. Une grosse rousse écoute la télé. Elle m'accueille sans trop d'éclats, comme si je la dérangeais. Il est vrai que je n'ai pas l'air très présentable. Je suis mouillé comme un chat mort et sens probablement la même chose. Le coyote a besoin d'un bon bain...
-It's twenty-three dollars, qu'elle me dit.
Je fouille dans mes poches. Il me reste quoi? Soixante-huit dollars et trois sous. Va pour vingt-trois dollars. Mais je ne passerai pas deux jours ici, à moins d'un événement exceptionnel.
Je monte à ma chambre. Je prends un bain chaud, après l'avoir nettoyé scrupuleusement avec du peroxyde que je traîne sur moi. Je suis un peu scrupuleux, c'est vrai, je dirais même puritain en matière d'hygiène corporelle. J'ai besoin de me laver tous les jours dans un environnement propre... Et je voyage dans les pires conditions qui soient pour satisfaire mon puritanisme.
Une fois lavé, bien que fourbu, l'idée me prend d'aller prendre un verre dans un bar.
Les lundis soirs sont tranquilles à North Battleford, surtout au milieu du mois.
Ce qui fait que je me retrouve seul dans un bar miteux, avec le barman, un grand sec dans la cinquantaine avec une grosse verrue poilue sur le nez. Rien d'inspirant.
Puis deux Indiennes rentrent dans le bar et viennent s'asseoir à mes côtés. Une grosse et une grande maigre. Toutes les deux ont les traits typés. Sioux? Blackfeet? Plains Cree? Aucune idée. Elles ont à peu près mon âge. Ce sont des soeurs jumelles non-identiques. Et à part boire et se geler, je ne sais pas ce qu'elles font dans la vie.
Elles s'étonnent que je vienne du Québec et que je parle français. Il n'y a pas beaucoup de francophones dans les parages. Je suis tout ce qu'il y a d'exotique en ce lundi soir assommant pour ces deux Indiennes qui, d'ailleurs, n'ont plus d'argent pour boire. Moi aussi.
-Come with us... qu'elles me disent.
Comme la nuit est triste et que je ne trouve rien de mieux à faire, je les suis. On arrive devant un refuge de la Salvation Army. Elles crient.
-Brad! Open the door! Brad!!!
Et Brad ouvre la porte. On monte par l'escalier de secours. Et on arrive au centre de désintox de la Salvation Army de North Battleford.
Elles me présentent à leur frère Brad. Brad vend du pot et en donne à ses soeurs quand elles sont en manque. À l'intérieur du centre, tout le monde est gelé raide. Ça sent le pot à plein nez. Et certains s'amusent à faire chauffer au briquet une drôle de mixture contenue dans des cuillères. Ils récupèrent de petites boulettes qu'ils fument ensuite dans une canette de Coke trouée et travaillée de manière à servir de pipe. Il n'y a là que des Indiens. Au moins huit.
Brad me serre la pince et me tend un joint. Allons-y puisqu'il le faut...
-Welcome in North Battleford... What are you doing here, dude? It's a hole! qu'il me dit.
-I come from a hole too... Trois-Rivières...
-Trwiaawa-rwiviawhé???
Brad ne sait pas où c'est, Trois-Rivières. Il a déjà entendu parler de Montréal et de Guy Lafleur, mais sans plus. C'est trop loin pour lui, Trois-Rivières. Et il est déjà rendu trop loin. La veillée s'achève. Il passe son temps à s'enfarger dans les tapis et les bottes. Il tombe, se relève et retombe encore, joint en main.
Tout le monde a des joints en main. Un moment donné, j'en ai trois dans mes mains. Ils me disent de les continuer.
-We're flying out man!
Ok. Je leur explique un peu d'où je viens, qui je suis, et tout de suite je suis leur grand copain. La tribu m'accepte et me surnomme Sasquatch. Je serai donc Sasquatch, l'abobinable homme des Prairies, rien que pour eux.
Brad se révolte de savoir que je me suis payé une chambre au Windsor Hotel.
-We've got everything here, even food! D'you want some?
Il n'attend pas que je réponde et il ouvre son frigo pour me tendre des sandwiches au poulet, une bière, et même une soupe. Sacré Brad, gentil comme tout.
La plus grosse des soeurs de Brad, qui s'appelle Fay, se colle sur moi tandis que j'engouffre mes sandwiches. Brad sort sa guitare. Et un autre un tambour. J'en profite pour sortir un harmonica de ma poche.
-May I jam with you? que je leur demande.
Et on jamme. N'importe quoi sous le tonnerre qui continue encore de gronder dans la prairie.
-You play very well, dude, me dit Brad.
Je lui retourne son compliment. Fay feint de dormir contre mon épaule. J'espère que Brad ne surprotège pas ses soeurs, autrement je suis dans de beaux draps.
Puis Brad s'endort. Fay en profite pour me prendre par la main et m'entraîner vers une chambre vide qui deviendra ma chambre pour la semaine qui suivra. Il n'y a rien d'autre qu'un matelas, pas de sommier, pas de draps. Et nous nous enlaçons. Nous nous lovons. Nous nous entrelaçons. Nous faisons l'amour, remerciant ma vigilance de traîner toujours deux ou trois condoms pas trop secs dans mon portefeuille.
Elle me demande au matin si je veux avoir des enfants plus tard.
Je ne réponds rien.
Elle me regarde sans amour ni haine, comme si je faisais partie des meubles. Dans ma situation plus que précaire, l'amour est hors de question. Elle le sait. Je le sais. Mais elle s'arrange tout de même pour que j'occupe cette chambre pendant une semaine, pour recharger mes piles d'ici à ce que je reprenne la route.
-General Custer is there. You just have to tell him that you could work to pay your room for a week... Sure he would agree...
Le général Custer s'appelle plutôt Thompson. Il porte son uniforme de l'Armée du Salut et m'a tout l'air d'un bonhomme pas compliqué. Je lui explique ma situation. Il me demande de participer aux travaux ménagers et m'offre une chambre en plus des repas gratuits. Je l'en remercie du fond du coeur et je vais chercher mes affaires au Windsor Hotel ou je n'ai même pas passé la nuit.
J'entrepose mon sac en lieu sûr. Il ne faut pas tenter le démon. Je pourrais me faire voler, c'est certain. Je traîne toujours sur moi mon argent et mes cartes d'identité.
Je remonte à ma chambre. Fay est disparue. Brad a mal à la tête. Tous les autres Indiens se réveillent pour subir une autre session de désintoxication du général Custer. J'apprends que c'est le juge qui les a envoyés ici. Ils avaient le choix entre la prison ou le centre de désintox de la Salvation Army. Ils ont choisi le centre. Et ils se droguent tous les soirs en se moquant du juge et du général Custer.
SHAWN: UN GARÇON PAS COMME LES AUTRES...
Parmi ceux-ci, il y a Shawn. Shawn est tout petit et a de grosses lunettes. Il est la risée de tout le monde parce qu'il parle avec un cheveu sur le bout de la langue. Ils le traitent de faggot, de little sissy en lui donnant des coups de poing sur l'épaule. Ça finit par me tanner. J'interviens.
-Don't bother him tabarnak! que je leur dis. Let it be.
Brad et quelques autres se sentent un peu cheap. Deux autres voudraient seulement que je me batte. Je les regarde avec mépris. Je n'ai pas peur. J'en ai vu d'autres. Si je n'ai pas tremblé devant Crazy Horse, je ne tremblerai pas devant des loques humaines bourrées de crack, de pilules et de produits de nettoyage.
-Fuck you! que je réponds.
Et là, de m'entendre dire fuck you, tout le monde rit. C'est à cause de mon accent. Je ne sais pas ce qu'il a mon accent, mais ça les fait marrer à tout coup. Le plus teigneux de la bande, celui qui bûchait sur Shawn en le traitant de tapette, me serre la main. J'apprends plus tard qu'il a déjà été l'amant de Shawn et que Shawn est mieux de se la fermer à ce sujet s'il ne veut pas se faire défoncer l'anus avec un balai.
De fait, le soir même, le teigneux s'en va rejoindre Shawn et on entend des drôles de bruits de pénétration derrière la porte fermée... Brad et les autres font semblant de rien. Ils tendent le joint, la caisse de bière et se disent qu'il vaudrait mieux aller voir les filles...
On laisse Shawn et le teigneux à leurs ébats. Puis on croise Fay et sa grande soeur maigre, puis d'autres filles, toutes plus gelées les unes que les autres. Je suis dans un bunker, j'imagine. Des seringues traînent partout. Fay vient se coller encore contre moi, sans trop y mettre de sentiments. Elle veut juste baiser.
-I like Frenchmen, qu'elle me dit. I like them because they eat!
Bon, elle voudrait que je la mange. Je veux bien, mais l'environnement ne s'y prête pas.
Il me reste de l'argent. On quitte la tribu sans qu'elle ne s'en rende compte. Je loue une chambre au Windsor Hotel. Et on fait trembler la prairie pendant quelques heures, quelques heures entrecoupées de la même question: «D'you have something to drink? I mean something with alcohol?»
Je n'ai rien à boire. Elle s'impatiente. On quitte la chambre et on retourne au refuge.
-Brad! Open up the door!
Brad ouvre la porte. On grimpe dans l'escalier de sécurité. Et on les retrouve tous, défoncés raides, les gars et les filles entremêlés, Shawn qui jouent du tambour, le teigneux qui est écrasé dans son coin, un filet de vomi sur son tee-shirt.
Puis c'est samedi, le jour de l'office religieux. Brad et Shawn me prient de les accompagner, pour rire.
-Come with us Frenchie! Come on Sasquatch! Come with us!
Ok. J'y vais donc, à l'office religieux de la Salvation Army.
Il doit bien y avoir une centaine de personnes, presque tous des visages pâles, sauf la dernière rangée où je me trouve, la rangée des repris de justice et des toxicomanes obligés d'être là. Le juge les a aussi condamnés à aller à l'église...
L'église consiste en une salle sans trop d'art sacré, une salle toute blanche avec le logo de la Salvation Army collé un peu partout.
Le général Thompson demande aux participants d'ouvrir telle ou telle page dans le livret des cantiques. L'orchestre se met à jouer les premières mesures de Morning Has Broken. Les participants entonnent le chant sacré. Et tandis que tout le monde chante, Brad crache dans le livret des cantiques! Il crache de la glaire verte et gluante! Shawn l'imite. Puis je fais la même chose...
-It's not our god, déclare Brad. I'm an Indian!
-I'm Indian too! ajoute Shawn.
-Me either, que je conclus en refermant le livret sur mon crachat.
On en rigole un coup! Tellement que le général Thompson se sent obligé de venir nous voir pour nous dire de ne pas déranger la cérémonie.
DERNIERS MOMENTS À NORTH BATTLEFORD
Après ces cantiques, Shawn me dit qu'il connaît quelqu'un qui pourrait m'emmener à Winnipeg, puisque c'est dans mon intention de partir. Il m'entraîne vers une buanderie où il n'y a manifestement personne.
-He's not there, qu'il me dit.
Et il me demande si je veux prendre un café avec lui au MacDonald's, près des silos à grains.
J'accepte. Shawn en est ravi. Il en glousse presque comme si j'acceptais une demande en mariage...
Et là, Shawn le Cri des Plaines me raconte toutes sortes de trucs, qu'il dessine, et qu'il veut quitter North Battleford pour aller vivre dans le quartier gay à Vancouver ou Toronto, voire à Montréal. Je bois mon café calmement. De jeunes pisseuses semblent se moquer du zézaiement de Shawn. Je continue de boire mon café.
Puis nous repartons vers le refuge, en longeant le chemin de fer, puis en se retrouvant finalement dans la direction opposée, au beau milieu des champs vallonneux.
Shawn s'arrête subitement. Il se tourne vers moi et me dit: «Give me a hug.»
Sur le coup, je pense qu'il veut que je lui dise hugh, mon anglais accusant parfois quelques secondes de retard.
-Hugh?
-Yes, a hug...
Et là, Shawn simule une étreinte avec ses bras...
Gulp! No fucking way!
-I'm not gay Shawn, que je lui réponds sur un ton ferme.
Il en est tout attristé, comme une fiancée éconduite.
-I could wear a dress if you want...
Ah oui... Il pourrait s'habiller en femme. Il est déjà laid en homme, je ne crois pas qu'il s'améliorerait en femme!
-Forget it! No way.
Shawn semble pleurer.
Subitement, j'en ai assez de North Battleford. Je vois Shawn pleurnicher et cela me dégoûte.
Nous retournons au refuge pour vivre une autre nuit d'intoxication au centre de désintox. Cette fois-là, Fay se fait plus douce, plus roucoulante, plus humaine. Elle voudrait partir avec moi. Elle voudrait elle aussi quitter ce trou, voir le monde, parcourir les routes, jusqu'au Québec s'il le faut. Mais je ne me vois pas lui offrir la misère et l'insécurité. Là où je vais, seul moi peux y aller. Je ne sais pas où je m'en vais ni comment je vais m'y rendre. Je suis comme Dante qui traverse le Purgatoire et l'Enfer, seul, sans Virgile.
Le lendemain, je plie bagages. Je salue Brad, le seul qui soit debout avec Shawn. Je salue Shawn qui veut encore me coller aux baskets et m'accompagner jusqu'à la gare d'autobus où je me suis acheté un billet pour me rendre vingt kilomètres plus loin sur la route, au milieu de nulle part, l'endroit idéal pour commencer de nouvelles aventures d'auto-stoppeur.
J'achète mon billet. Shawn m'attend dehors. Pour clore sur une belle note, je lui offre de fumer ce joint que Brad m'a donné avant de partir. On se cache derrière la gare, loin des regards curieux et, par hasard, on tombe sur un petit roux de Toronto qui vient tout juste de sortir d'un wagon de train de marchandises de la Canadian Pacific Railroad, juste devant nos yeux.
-Hi folks! How're you doing? Hum... It smells good! Can I've some?
-Yeah, sure... et je tends le joint au petit lutin roux qui fume quelques poffes.
Évidemment, je lui raconte qu'il y a une chambre pour lui au centre de désintox de la Salvation Army. Shawn aussi, d'autant plus qu'il le trouve de son goût, le petit roux.
Et le petit roux disparaît avec son sac. Shawn a un air rêveur, a glimpse in his eyes.
-I prefer to make love with White people... When I do it with a Native it's like i'd do it with my own brother, y'know?
Je ne dis rien. L'autobus est sur le point de partir. Je ramasse mon sac et, comme je monte dans l'autobus Greyhound, faisant la file parmi une vingtaine de passagers, voilà que Shawn me crie quelque chose en portant sa main à sa bouche, comme s'il simulait une pipe.
-Thank you Gitan for... y'know what! qu'il dit avec son plus beau cheveu sur la langue.
Il me remercie pour le joint, en fait, mais tout le monde pense qu'il me remercie plutôt pour une pipe et ils me regardent tous plus ou moins de travers. Fucking frenchmen... doivent-ils se dire. Perverted people...
Shawn a peine à retenir ses larmes.
L'autobus démarre enfin.
Fay m'a laissé quelques gommes Bazooka Joe en guise de cadeau d'adieu. Je défais l'emballage et lis la petite histoire stupide tout en mâchant sans appétit. L'histoire n'est même pas drôle. Bazooka Joe vend de la limonade 5 cents le verre et à la troisième case il a bu toute la limonade sans vendre un seul verre.
Je m'en crisse de Bazooka Joe et de la limonade!
J'ai hâte de revenir au Québec, finalement. Hâte de mener un projet concret. Hâte de mettre fin à ma traversée du Canada sur le pouce...
S'abonner à :
Publier des commentaires (Atom)
Je me demande ce que Shawn est devenu. Je l'ai trouvé touchant, moi.
RépondreEffacer"Stivi Ré Vau-ganne".
C'est de même qu'on prononce ça à la française. Ça m'avait pris une coup' de minutes certain avant de comprendre de qui ou de quoi il était question.
Shawn doit s'habiller en femme, quelque part entre Montreal et Vancouver.
RépondreEffacerStivi Révaône... ben, y'est mort.