dimanche 16 août 2009

C'était pas mal chaud pour un 16 août


C'était pas mal chaud pour un 16 août.

Il y avait eu un coup d'État au Honduras quelques jours auparavant mais ça ne leur disait pas grand chose, le Honduras, puisqu'ils n'en avaient jamais entendu parler jusqu'à ce jour. Enfin, je dis ils et ça devait bien en intéresser un ou deux. Denis, par exemple. Il avait toujours le nez dans les livres à la recherche de quelques vieux trucs même plus à la mode. Un original ce Denis. Idem pour Jean-Luc. Le Honduras, c'était un pays lointain où il y avait des arbres. Ça le faisait rêver.

-Plus tard, je serai tueur à gages, qu'il disait, Jean-Luc, tout en se confectionnant des bâtons de baseball au-travers desquels il faisait passer des clous de six pouces.

À part de ça, le pape Paul VI était mort le 6 août dernier. The Ramones avait sorti son album Road to Ruin. Barry Manilow chantait Copacabana. John Irving présentait son roman The World According to Garp. Spielberg nous faisait rencontrer son troisième type.

Bon, assez d'histoire. Tout ce que voulaient faire ces jeunes en ce 16 août 1978, c'était voir s'il est possible de faire cuire un oeuf sur l'asphalte comme le dit le dicton «i' fait tellement chaud tabarnak qu'on pourrait s'faire cuire un oeuf su' l'aspha'te!»

L'oeuf était cassé et franchement il ne cuisait pas fort. Bien qu'il passait de la translucidité à la blancheur, très lentement, on ne pouvait pas dire que l'affaire était ketchup.

-Ça cuit même pas ces hosties d'oeufs-là! hurla Denis. Tabarnak!

-C't'une hostie d'farce... Les oeufs ça s'cuit pas su' l'aspha'te! cria Jean-Luc et tous les autres voyous de dix ans en rajoutèrent.

-On d'vrait chier d'ssus! disait le grand Lafrenière. Il disait tout le temps ça. À l'entendre, il chiait sur tout presque tout le temps.

-Laisse faire ton chiage Lafrenière! Sens-toé pas obligé d'baisser tes culottes chaque fois qui arrive que'que chose!

-Va donc chier toé!

Et voilà que ça s'engueulait autour d'un oeuf. Quelques claques. Rien de sérieux. Tout le monde s'était habitué à en donner et à en recevoir.

Il faisait chaud en sacrement dans le faubourg à m'lasse, à deux pas de la Wabasso Textile. Ça ne serait pas long que toute la bande aurait fui la ruelle brûlante pour se réfugier à l'ombre, à suffoquer de chaleur dans un logement étroit du centre-ville de Trois-Rivières.

Denis retournerait lire ses livres. Jean-Luc irait plutôt se cacher dans son hangar pour cogner des clous ou préparer des mauvais coups. Ses parents seraient saouls et peut-être en train de se battre, comme d'habitude.

Il faisait chaud comme le christ en ce 16 août 1978. Il n'y avait pas d'air. Pas de piscine. Pas d'arbre dans la rue. Pas d'ombre. Rien qu'un oeuf sale recouvert de mouches qui cuisait vraiment sur l'asphalte somme toute.

Les autres, je ne sais pas trop où ils s'en iraient. Ils devraient essayer de survivre, comme tout le monde dans le patelin.

Anyway, on s'en calice.

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