Je partais souvent à la pêche quand j'étais jeune. J'y allais avec des amis ou bien seul. Le matin, quand il y avait de la bruine, comme cette bruine que nous avons ce matin, j'enfourchais mon dix vitesses aux poignées relevées, pédalant de tout mon poids avec mes Kodiak à bouts d'acier vers le Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. je m'y rendais dans l'espoir d'y faire une pêche miraculeuse. J'espérais, naïvement, pouvoir y pêcher un maskinongé géant, quelque chose d'un peu plus spectaculaire qu'un brochet pêché sur les «booms» (quais flottants), extirpé de cette infecte sauce de «pitounes» (billes de bois) naviguant vers les papetières situées dans le delta de la rivière St-Maurice, sur les plus belles plages du Québec...
Heureusement que les temps ont changé. On a arrêté le flottage de bois autour de 1985. L'eau potable, tirée de la St-Maurice, était imbuvable quand j'étais jeune. Elle goûtait et sentait la merde. Vingt ans plus tard, l'eau est presque cristalline. Au robinet, elle goûte le Nord. Un vrai miracle dont on ne parle pas assez. Enfin! Revenons à nos moutons ou, si vous préférez, à nos pitounes.
Plutôt que d'aller pêcher sur les pitounes, pour y attraper du brochet, du doré, du poisson meunier, de l'anguille, de la carpe allemande ou de la barbote, j'allais au Sanctuaire dans l'espoir d'y attraper un énorme maskinongé, un monstre de 20 kilos qui est dans la famille du brochet. Un véritable requin d'eau douce. Une légende urbaine prétend même que des enfants se sont faits dévorer par des maskinongés au Lac-à-la-Tortue. À l'époque, j'y croyais dur comme fer. Et je voulais attraper mon maskinongé, à l'instar de Saint-Georges terressant son dragon, sur les rives du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.
Finalement, il n'y a pas eu de miracle.
Je n'ai jamais attrapé de maskinongé.
J'ai attrapé quelques crapets-soleils et deux ou trois barbotes.
Ma foi s'est mise à vaciller.
Et je me suis demandé quel était ce prétendu miracle qu'avait fait le Bon Père Frédéric pour justifier l'emplacement du sanctuaire. Je tiens de mon père le récit du miracle. Mon père était un bon catholique mais on ne lui faisait pas gober n'importe quoi facilement. Il m'a donc raconté l'histoire. C'était vers la dernière moitié du dix-neuvième siècle. Des bons catholiques bâtissaient une église à l'emplacement actuel du sanctuaire, à 8 kilomètres à l'Est du centre-ville de Trois-Rivières. Les pierres provenaient de Deschambault, situé sur la rive opposée du fleuve. Or, le temps était doux et le fleuve n'était pas gelé. On ne pouvait pas transporter les pierres. Le Bon Père Frédéric a donc prié, avec tous les fidèles rassemblés là. Et le lendemain, ô prodige, le fleuve était gelé. C'est ici que je dois faire intervenir mon père:
-Tabarnak! Un miracle, ok, un miracle là... Mais les hommes sont c'qu'i' sont. Si le fleuve avait gelé en juillet plutôt qu'en février, là, ça, ç'aurait été un vrai miracle!
Comme le dimanche prête à la spiritualité, j'ai cru bon de vous rapporter cette parabole écrite à la bonne franquette, en mangeant des crêpes au sirop d'érable. (Zut! J'espère que je ne vais pas gommer mon clavier!)
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