mercredi 25 avril 2007

La chair est triste

«La chair est triste et, hélas, j'ai lu tous les livres.» C'est tout ce que j'ai retenu du poète Mallarmé, un lieu commun, pour lequel je me permettrai de faire un peu d'exégèse.
Laissons les livres de côté. La grande majorité des gens ne lisent pas de livres. Ça leur colle la migraine tous ces signes qu'ils arrivent péniblement à décrypter. Quatre-vingt-dix pourcent des Québécois échoueraient un exercice simple de compréhension de texte. C'est à se demander pourquoi écrire. Enfin! Là n'est pas la question - et ce n'est certainement pas là que je voulais en venir. Au fond, il y a peut-être lieu de placer ce texte dans le domaine de l'incompréhensible...
Oublions donc les livres.
La chair est triste, point.
Elle est d'autant plus triste quand la chaleur et le beau temps reviennent. La chair, qui doit aussi faire figure d'objet de désir, est blême, flasque, grasse, bref triste. Les femmes, surtout les femmes, s'inventent des défauts: un sein trop petit, des lèvres trop minces, des sourcils trop hauts. Puis elles passent au bistouri ou aux injections de cochonnerie, comme s'il était possible de transformer tous les vilains petits canards du monde en cygnes resplendissants. Mademoiselle Duck veut alors devenir Mademoiselle Swan, et elle ne deviendra peut-être que Mademoiselle Swamp, une plaie ouverte que l'on charcute d'une année à l'autre, à grands coups de 1000 dollars, pour ressembler à quelque chose d'à peu près conforme aux normes en vigueur dans le domaine de l'esthétique. Le plus drôle, et ce n'est pas vraiment drôle, c'est que ces chirurgies esthétiques ne fonctionnent pas toujours. De nombreux incidents malheureux sont survenus dans ce domaine et plusieurs femmes aux lèvres minces et aux petits seins sont devenues des monstres aux lèvres gercées, avec des seins artificiels qui ont glissé sous les aisselles. Quel «beau» gâchis!
La chair est triste et ce n'est pas une raison de détester son corps. Chaque torchon trouve sa guenille. Vous êtes laids? Tant mieux. Vous n'en serez que moins superficiels si vous pouvez assumer pleinement votre laideur. Bien des gens laids, et ça inclut des femmes laides, ont plus de charme que ces créatures de latex qui ont un sourire figé, avec la peau du visage toute ramassée derrière les oreilles et retenue par quelques sutures. Les Mademoiselle Swamp, généralement, n'ont rien à dire. Elles n'ont que leur chirurgie esthétique et leurs biens personnels à raconter. Tout passe par le cash, ce qui est soporifique et dénote un manque total de personnalité, voire d'existence. L'Être passe au second plan. Tout est concentré sur l'Avoir. Nous ne sommes rien? Ayons quelque chose alors, mettons un beau visage ciré et des totons de plastique: ça compense pour la vacuité de son âme.
Bon, c'était ma montée de lait.
Tiens, je vous quitte sur cet article de Annie Lafrance parue aujourd'hui dans la Cyberpresse. Vous en saurez plus sur les Mademoiselles Swamp. Bonne journée !



http://www.cyberpresse.ca/article/20070425/CPACTUEL/70424121/1015/CPACTUEL


 

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