lundi 1 juin 2020

«Tiens, tiens...» ou l'histoire tout à fait invraisemblable de Louis Hubert

Un oiseau volait au vent en sifflant du mieux que le lui avait enseigné ses géniteurs ainsi que ses camarades volatiles. 

Il était difficile de savoir de quelle espèce il était. Comme il volait toujours très haut, on distinguait à peine ses couleurs. Mais on savait que c'était un oiseau. D'autant plus qu'il avait l'habitude de prendre son vol au lever du soleil. À la hauteur du soleil pour les yeux d'un homme. Ce qui fait que l'on n'avait de lui qu'un portrait en ombre chinoise. Ou presque.

L'important, c'est qu'il volait.

Un jour, l'oiseau ne volait pas.

En fait, il n'était plus là.

-Tiens, tiens... se dit Hubert en lui-même. Louis Hubert de son nom complet.

Allait-il revenir le lendemain?

On n'en sait rien.

Quant à Louis Hubert, ce n'est pas le gars le plus savant du monde.

Ni le plus loquace. 

C'est moi qui en rajoute toujours plus que lui.

Parce que lui, Louis Hubert, ça tient toujours en deux «Tiens, tiens...». 

-Tiens, tiens... Un oiseau qui vole en sifflant tous 'es matins... Un m'ment d'nné on l'voit plus... Tiens. tiens...

Pis c'est tiens, tiens pour ceci ou cela.

-Tiens tiens... Pour cela ou ceci, dit-il, Louis Hubert.

L'oiseau dont il parlait, selon un de mes amis ornithologue amateur d'origine serbo-croate-juive-européenne, eh bien ce serait un moineau commun.

Il ne m'a pas vraiment dit pourquoi. Sinon que c'est l'oiseau commun que l'on trouve le plus souvent près du Bureau de Poste où Louis Hubert voyait si souvent ce moineau voler.

Vous verrez encore Louis Hubert ce matin, assis sur son banc.

Il est petit. Plutôt maigre. Cancéreux en phase terminale depuis quinze ans. Un vrai résistant. Enfin, si l'on veut. 

-Tiens, tiens, le bon Dieu m'a oublié... 

Ceci pourrait expliquer cela.

Je veux dire que Louis Hubert, que ce soit un oiseau ou un moineau, ça ne change rien au fait que depuis plusieurs matins il ne le voit plus.

Un autre a pris sa place.

Mais ce n'est pas pareil.

C'est un gros corbeau. Plutôt gras.

Il voit ça comme un mauvais cygne...

Pas moi. Les cygnes n'embarrassent personne. Idem pour les corbeaux, hormis les fermiers.

Les corbeaux sont des oiseaux très intelligents.

S'ils volent devant les yeux de Louis Hubert, eh bien c'est mieux que rien.

Même si on ne nourrit pas les corbeaux à l'eau claire.

Enfin! Louis Hubert est bien fatigué de tout ça.

-Tiens, tiens... C'est p'u pareil pantoutte...

Non. Ce n'est plus idoine.

Les corbeaux croassent.

Les oiseaux sifflent.

Et Louis Hubert, si c'était moi, je me remettrais à chanter.

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