Le temps pressait. Le monde était en effervescence. On ne savait pas ce qui allait sortir de ce chaos tout autant social qu'existentiel. On passait au bûcher des vanités tout ce qui relevait un peu de la beauté ou bien de la science.
Georges Hamelin, tout fin seul dans sa piaule, n'allait pas laisser le monde sombrer sans rien faire.
Aussi avait-il prévu de nous rédiger l'un de ces textes pas piqués des vers qui allait remettre le monde à sa place.
Il avait accumulé tout un bagage d'exemples et de citations. De quoi jeter assez de poudre aux yeux aux partisans du Magicien d'Oz qui, de toutes façons, ne croient qu'en la qualité du spectacle, jamais en son propos.
Voilà qu'il leur ressortirait Hannah Arendt, Panaït Istrati, Deganawidah, Léon Tolstoï, Maxime Gorki, Nicolas Berdiaev, Tȟatȟáŋka Íyotake alias Sitting Bull, Gilles Latulippe et Dieu sait quoi encore.
Le monde n'attendait que ça même si cela n'était que sa consolation de ne pas pouvoir vraiment changer de mode tout autant que de monde.
Vous croyez sans doute que je me moque de Georges Hamelin, hein? Il y a du Georges Hamelin en chacun de nous, voyez-vous.
Mais revenons à Georges.
Il est dans sa piaule, à moitié nu et en pieds de bas. Le bas gauche est troué. Celui de droite aussi. Georges gère plutôt mal ses bas. Ce n'est pas qu'une question d'argent. Il est moins pauvre que la moyenne.
Les nouvelles sont mauvaises, comme d'habitude.
Ça l'excite. Il va sortir le texte du siècle. C'est certain.
Puis il se gratte la poche.
Puis il ouvre un livre.
Puis il prend une guitare.
Puis il regarde les oiseaux cuicuiter dehors.
Puis il change de bas. Georges a des bas pas de trous. Il les met pour marcher. Marcher avec des bas troués c'est pas une idée de génie. Il devrait d'ailleurs jeter ses vieux bas. S'occuper enfin des priorités.
Il se prend pour Don Quichotte et Sancho Panza en même temps. Il y a un peu de Bilbo le Hobbit qui ne veut rien changer à sa vie et à qui l'on aurait conférer l'anneau du pouvoir via deux ou trois clics sur YouTube.
Georges est aussi nul que vous et moi.
Je sais que ça ne vous fait pas plaisir de vous reconnaître dans Georges.
Comme ça ne me fait pas plaisir.
Et il se peut aussi que vous n'ayez rien à voir avec un malheureux comme Georges, manifestement un peu infatué de lui-même malgré toute sa bonne foi et sa bienveillance tout aussi sincère.
Les délire d'intellectuel, ce n'est pas votre fort. Ce n'est pas moi qui vais vous donner tort là-dessus.
Voilà pourquoi je dois ajouter que Georges Hamelin n'a pas vraiment de moustache. C'est plutôt un duvet qu'il rase de temps à autres. Ne me demandez pas pourquoi c'est comme ça sinon pour vous rappeler que je ne suis pas du tout Georges Hamelin, d'autant plus qu'il est aussi très maigre.
Mes bas n'ont pas de trous.
Je gratte de la guitare mais ne délire jamais longtemps sur Arendt. Je concède à quiconque le droit de le faire. Sinon ce devoir de le faire. On le fait souvent dans le cadre d'un devoir scolaire par ailleurs, mais là n'est pas le vif du sujet.
Le sujet à mettre au vif, c'est Georges Hamelin.
En ce qui me concerne, j'ai dit tout ce que j'avais à dire à son propos.
Voilà!
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