Il est né à Trois-Rivières le cinq mars mil neuf cent soixante-huit.
Il était le troisième enfant d'une famille de quatre garçons.
Sa mère était couturière, femme de ménage, préposé aux bénéficiaires.
Son père était opérateur de chariot roulant dans une aluminerie qui était en grève ou en lock-out aux deux ans. Son papa était aussi agent de sécurité, concierge et père Noël de centre d'achats dans les temps durs.
Il aurait aimé avoir vingt ans l'année où il est né. Le destin en décida autrement. Il nourrira cette nostalgie des années '60 toute sa vie par pure forme de protestation métaphysique. Son époque n'avait pas d'âme. Il y en avait une en 1968...
C'était sans doute à calculer au nombre de ses conneries de rêveur auxquelles s'ajoutaient celles de dessiner toutes sortes de bonshommes aux yeux exorbités dans les marges de ses cahiers d'écolier.
Diable qu'il dessinait ce gars-là...
Il s'ennuyait tellement à l'école. C'était trop lent. Trop répétitif. Il comprenait du premier coup et devait encaisser des journées d'aide-mémoire inutiles. Pouvait-on passer à autre chose, hein?
Puisqu'on ne le pouvait pas, eh bien il dessinait ou lisait ou glandait.
Parfois, lorsqu'il riait trop fort d'avoir dessiné son prof avec un étron sur la tête, on l'envoyait en pénitence à la bibliothèque où il lisait les manuels de pédagogie de son niveau et des autres niveaux pour faire encore plus chier ses professeurs au retour.
Il se comportait comme s'il était l'enfant Jésus parmi les docteurs du Temple alors qu'il n'était, somme toute, qu'un crétin parmi d'autres crétins qui se croyaient intelligents en s'appropriant des poncifs pour en faire l'exégèse.
Il était souvent seul. Parce qu'il était solitaire, contemplatif, méditatif. L'univers lui sembla tout croche très tôt et plus il tenta d'en apprendre sur l'univers plus il finit par en savoir sur la méchanceté des hommes.
Il était doux, rêveur, pacifique. Mais pas son milieu.
Alors il apprit à se battre. Comme il était grand et gros il adopta une technique toute particulière de projection des agresseurs. Une technique qui lui valut d'ailleurs une médaille d'or au lancer du poids aux Jeux du Québec alors qu'il était en secondaire 3 dans une école-polyvalente dénuée d'amour et de fenêtres. Il ne se battait pas vraiment. Il les crissait littéralement au bout de ses bras les baveux et autres chiens sales.
Évidemment, il se tenait toujours avec ceux et celles qui ne se tenaient avec personne.
Sa bande était toujours formée de marginaux et marginales qui n'en avaient rien à foutre des bandes.
Il en allait autrement des bands...
Il fit donc de la musique, dans un band.
Il y racontait des histoires qui lui étaient arrivées, dans la langue de Plume Latraverse.
Les gens riaient. Il se démenait sur scène comme une baleine dans un magasin de porcelaine. Il était malheureusement plus Charles Bukowski que Jim Morrison.
Un jour, au bout de nombreuses saouleries et évasions de l'autre côté du miroir, il finit par rencontrer un peu l'amour.
D'abord un doux baiser, une douce romance, une naïveté presque attendrissante venant de ce gros animal bourru...
Puis toutes sortes de baisers. Le corps qui se libère autant que l'esprit et même plus. Enfin. Boule de graisse était devenu un homme.
Il a bossé. Il a chômé. Il a voyagé d'un océan à l'autre.
Il a mis une partie de sa vie en chansons et en images parce que ce fou se croit encore un artiste.
Chu un jobber des grands chemins
J'sais pas où je s'rai demain
J'va's travailler dins z'usines
Dins bureaux pis dins cuisines
Et c'est ce qu'il fit. Préposé aux bénéficiaires un jour. Journalier dans une usine de production de supports de bois pour l'entreposage le lendemain. Aide-cuisinier dans une pizzeria. Concierge. Croupier de Black-Jack. Manutentionnaire. Aide-déménageur. Animateur de radio. Directeur de radio. Agent de développement. Agent aux communications. Rédacteur en chef d'un journal de rue. Transcripteur. Traducteur. Rédacteur. Pelleteur. Déblayeur. Et coetera.
Et il a fini par atterrir dans la vie d'une femme qui lui a électrocuté le coeur il y a presque 20 ans de cela et avec qui sa vie continue de s'écouler sous les heureux et parfois abrupts rivages de l'existence.
Il, c'est qui il?
Il vit encore anyway.
Vous le croisez sans doute souvent au centre-ville de Trois-Rivières.
Il est si facile à reconnaître.
C'est un gros et grand bonhomme de six pieds deux pouces trois cents livres.
Il a le dos toujours un peu recourbé. Comme s'il portait le poids du monde sur son dos. C'est pas lui qui a dit ça mais un chroniqueur du Nouvelliste. Un certain Jean-Marc Beaudoin qui aime faire son smart avec ses effets littéraires éculés lorsqu'il décrit la faune trifluvienne avec ses politiciens corrompus adulés et ses quelques sans-culottes que l'on traite de malades mentaux.
Bref, vous le verrez peut-être marcher sur la rue des Forges aujourd'hui.
Ou demain.
En tout cas, aujourd'hui il a cinquante-deux ans.
J'ai bien aimé ce texte ! Je vais continuer à vous lire. Joyeux Anniversaire malgré tout avec quelques jours de retard.
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