vendredi 27 mars 2020

Ce n'est pas la fin...

Tout a débuté un certain vendredi si je ne m'abuse. J'apprenais en même temps que tout un chacun que le coronavirus avait frappé notre pays. Je travaillais ce soir-là à ma résidence pour aînés reconnue en tant que ressource intermédiaire (RI), dont la moitié des lits sont réservés par le CIUSSS. (Nous sommes en quelque sorte une zone tampon pour les convalescents entre l'hôpital et leur retour possible dans leur milieu.)

François Legault décrétait des mesures d'urgence pour la crise sanitaire dans laquelle nous sommes encore plongée. Tout le monde fût saisi de stupeur bien entendu. Dont nos bénéficiaires.

Un pauvre monsieur venait tout juste de sortir de l'hôpital avec le coeur plutôt fragile et l'esprit affaibli par sa maladie.

Il était alité et n'avait qu'une phrase en bouche:

-C'est la fin... C'est la fin...

J'ai bien tenté de le consoler, vous vous en doutez, mais c'était carrément surréaliste compte tenu des circonstances.

Cela ressemblait vraiment à la fin et je ne trouvais rien d'autre à lui redire que des banalités d'usage quand c'est la fin du monde ou bien une tempête de verglas.

***

Quelques jours plus tard, je suis encore au travail et n'ai pas besoin de me pincer pour savoir que je suis toujours vivant.

Le pauvre monsieur a été transféré ailleurs.

Entre temps, Le Nouvelliste a cessé d'être imprimé et distribué quotidiennement aux portes. Du jamais vu depuis 100 ans en Mauricie. Le drame.

-Il paraît qu'i' a plus d'Nouvelliste! de s'exclamer nos résidents et résidentes.

Une dame dans son coin exprime son désarroi de bizarre manière:

-J'aime autant mourir! Plus d'Nouvelliste! C'est la fin...

Évidemment, nous lui rappelons que Le Nouvelliste sera distribué le samedi seulement en version papier. Cela n'est pas pour la réjouir.

***

Je pourrais vous sortir encore mille anecdotes de gens qui sont convaincus que c'est la fin.

Eh bien, vrai comme j'essuierai là, ça ne l'est pas. Du moins pas encore.

Cette cochonnerie va passer. On sortira de ce Moyen-Âge que l'on s'impose par précautions sanitaires. Ce sera le recommencement du monde. Comme d'habitude.

On fera le bilan de ce qui aura marché et de ce qui n'aura pas marché.

On pleurera nos morts ou bien conspuera les vivants.

C'est dur à dire.

Tous les scénarios sont ouverts.

Mais ce n'est pas la fin. Pas encore.

C'est seulement autre chose.

Et, bien sûr, ça fait peur.


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