Winsor McCay, Little Nemo in Slumberland, 1908 |
J'étais encore loin de chez-moi. Peut-être à cinq ou six kilomètres. J'ai donc marché aux côtés de mon vélo au pneu crevé. Tous les deux, la bête et la machine, nous en allions cahin-caha vers la maison.
C'est là que je vis une maison pauvre dans un quartier pourtant chic. Ils avaient transformé leur modeste taudis en piscine avec de grandes bâches de plastique bleues savamment agrippées aux murs pour retenir les eaux.
-Viens t'baigner el' gros! me criaient une cohorte de gens pauvres, bouteilles de bière à la main.
Je vins les voir et, à mon grand étonnement, m'empara d'une bière qu'ils me tendaient et pataugeai avec eux quelques minutes. Puis je repris la route sous les pleurs de ces pauvres gens qui s'attristaient de mon départ, comme si j'eusse été un quelconque chevalier errant avec sa Rossinante Peugeot qui semblait destinée elle aussi pour l'équarrisseur.
Je marchai tout le long d'un dépotoir à ciel ouvert pour une raison qui m'échappe puis m'étonnai d'être arrivé au parc portuaire de Trois-Rivières. Un énorme bateau de croisière occupait tous les quais. Il n'y avait pourtant pas âme qui vive. Mais je comprenais en mon for intérieur que Tonio avait besoin d'une pizza...
Qui est Tonio? Eh bien c'est un gars qui avait le malheur de sortir avec une fille qui racontait tous les travers de sa sexualité peu conventionnelle dont personne n'oserait se vanter. Il avait coutume, en outre, de se rentrer des légumes dans le fondement après les avoir tiédis dans un bac d'eau presque chaude. Pas besoin de vous dire que personne ne voulait des salades et des mijotés de légumes de Tonio.
Je ne sais pas pourquoi je lui apportai de la pizza. sur le bateau de croisière. Pourquoi je pris en pitié cet abruti. Et pourquoi je réussis à passer mon corps énorme par un tuyau d'à peine six pouces de diamètre pour lui remettre une pizza. Il me sembla ému. Il prit ma pizza et s'enferma dans le garde-robe de sa petite cabine pour la dévorer. Je sortis par un hublot d'à peine six pouces de diamètre lui aussi.
Mon vélo n'était plus là. Il y avait un dépotoir à perte de vue. Et l'un de mes amis grattaient sa guitare électrique sur un tas de détritus.
-Ça te tente-tu de jammer Boutch? qu'il me demanda.
Je sortis mon harmonica de ma poche et jammai avec lui, comme si de rien n'était.
Puis je me réveillai dans mon lit...
La réalité est le reflet de nos merveilleux rêves ( et-non l ' inverse ) .
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