Qu'est-ce que l'art? C'est tout ce que vous voulez bien en dire. Je ne serai même pas là pour vous reprendre. Je refuse de m'imposer en tant que maître du bon goût. Si vous vous cantonnez à une définition plutôt qu'à une autre, eh bien c'est votre affaire. La mienne n'a rien à voir avec les affaires. L'art, pour moi, c'est tout ce que je suis. Et je le dis sans aucune forme de prétention. Que suis-je d'autre qu'un artiste et pourquoi devrais-je m'en excuser? Je suis un artiste et c'est comme ça. L'art est la meilleure et sans doute la plus complète partie de moi-même.
Je me suis réfugié dans l'art dès que j'ai pu mettre mes doigts dans de la gouache.
Grâce à mes barbouillages, je réussissais à créer un espace qui m'était propre pour me préserver des saletés de ce monde.
Ma mère croyait que c'était pour me rendre fou tous ces dessins et bientôt tous ces mots que je faisais au lieu de regarder la télé. Elle m'avait tout de même acheté une table de jeu de cartes pliante pour me permettre de m'abandonner à mes passions. Elle ne comprenait pas que je ne fasse mes dessins que sur un seul côté du papier. Je gaspillais du papier... De son point de vue, c'était sans doute vrai. Du mien, cette remarque me semblait incompréhensible.
Puis je me suis mis à lire. Plus je lisais et plus j'avais l'envie d'écrire. Je me suis donc acheté un dactylographe de marque Brother pour produire mes travaux scolaires et me lancer dans la littérature. À l'instar de Kerouac, j'écrivais directement à la dactylo et empilais les feuilles dans des chemises. J'ai sorti deux romans, trois pièces de théâtre et trois recueils de poésie en un rien de temps pour témoigner de mon nouveau statut d'écrivain. Ça ne valait pas de la crotte. J'ai fini par perdre ou déchirer tout ça. Le monde n'y a rien perdu. La pire chose qui aurait pu m'arriver c'est bien d'avoir réussi à publier ce fatras de lamentations prétentieuses de jeune con.
La musique est venue ensuite me surprendre. Rien ne me semblait plus hors d'atteinte que de jouer d'un instrument de musique. Mon professeur de musique au secondaire m'avait dit que je n'avais aucun talent. C'est vrai que je détestais le xylophone... Par contre, je commençais à jouer n'importe quoi avec mes flûtes achetées dans le cadre d'un cours de musique. Même du jazz. Si j'étais capable de jouer My Favorite Things à l'oreille, c'est donc que j'avais sans doute un autre talent caché. Je me suis donc procuré un harmonica dans l'espoir d'en jouer un jour comme Guy Marchamps et le gus qui accompagnait le guitariste Steve Hill au Pub 127. J'ai commencé par jouer Oh When the Saints de Louis Armstrong. D'autres airs se sont ajoutés lentement mais sûrement. Au bout de deux ans, je pouvais jouer à peu près n'importe quoi dont Après ma brosse de Oscar Thiffault.
Il manquait la chanson. Comment chanter avec un harmonica dans la bouche, hein? Ça prenait donc une guitare. La première que je me suis achetée m'a déçu. Je n'y comprenais rien. Je peinais comme un chien pour l'accorder. J'étais à peine capable de sortir quelques misérables notes. Je l'ai abandonnée et j'en ai fait mon deuil. Je ne chanterais donc jamais. Comment pourrais-je chanter des sérénades à l'élue de mon coeur?
Puis un ami surnommé Phil Good m'a vendu sa guitare cinquante dollars avant que de filer vers l'Ouest. Je fumais pas mal de bon stock à l'époque. Mon coloc Robob passait ses journées à jouer du tamtam. Je me suis donc remis en tête de jouer de la guitare. Et cette fois-là, la magie s'est produite. Je me suis mis à jouer un blues, un air de rock, un autre de reggae. Avant la fin du mois, je m'accompagnais à la guitare pour chanter des chansons de mon cru, des chansons sales et vulgaires bien entendu. Moi et mon coloc recrutions Marc Cavanaugh, guitariste et prof de musique, pour mettre un peu d'ordre dans tout ça. Marc m'a tout montré pour dire vrai. Il m'a appris à accorder ma guitare sans jamais me dissuader de faire des accords qui n'en étaient pas... Ce gars-là est trop gentil.
J'ai ajouté un support à harmonica et me suis mis à me prendre pour Neil Young.
J'ai continué mon apprentissage en solitaire dans un modeste studio de Québec.
Puis j'ai lancé mon premier band et, vogue la galère, nous nous sommes mis à faire le tour des bars. Grizzli que ça s'appelait. J'étais accompagné des frères Cavanaugh et de Dany Massicotte qui jouait sur un tambour doté d'une seule cymbale. Un drummer se proposa de le remplacer parce qu'il trouvait qu'on faisait dur avec ce seul tambour et cette seule cymbale. Je lui ai signifié qu'il lui manquait quelque chose d'essentiel: une grosse barbe. Or, Dany avait une grosse barbe.
Le groupe s'est dissous après un an. J'ai formé un nouveau groupe avec le guitariste Daniel Langis. Un groupe qui s'est appelé Wabasso. On a joué trois ou quatre fois et nous sommes passés à autre chose.
J'ai tout de même continué de jouer tous les jours. J'ai jammé un bon moment avec Robob. J'ai même enregistré ces jams délirants.
Par contre, je ne fréquentais plus les bars et ne comptais plus y remettre les pieds. La musique devant public est remise aux calendes grecques. Elle berce tout de même mes soirées. Je n'ai pas cessé d'apprendre.
D'autres guitares se sont ajoutées au fil des ans. J'ai aussi acheté un accordéon, une harpe de Madagascar, un clavier, un ukulélé et j'en passe.
Vint ensuite le tour de la peinture. C'était en 2004. J'ai ramené du Dollarama des petites toiles, des pinceaux et des pots de peinture. Ma blonde m'encouragea à poursuivre sur de plus grands formats. Ce que je fis. Tant et si bien que je ne pourrais pas vous dire combien j'en ai peintes depuis.
J'ai toujours continué à écrire. J'ai rédigé des billets radiophoniques pour CKIA. Puis j'ai conçu un recueil de nouvelles qui n'a pas trouvé preneur. J'ai créé des webzines morts-nés. Et enfin, en avril 2007, j'ai fondé ce blogue dans lequel j'ai téléversé un peu plus de 2800 billets, dont des contes, des nouvelles, des récits, des anecdotes, des points de vue.
Qu'est-ce que l'art? Pour moi, c'est un peu tout ça. C'est écrire, dessiner, peindre et jouer de la musique sans jamais s'arrêter. C'est consubstantiel. C'est viscéral. C'est moi.
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