mercredi 27 juillet 2016

Insérer trente sous dans le gorille

Il est rare que je n'aie rien à dire. Puisque je ne peux pas me passer d'exercice, dont celui de faire glisser mes doigts sur le clavier de mon ordinateur, je finis toujours par trouver quelque chose à vous raconter.

Ma blonde, qui a le malheur de supporter mes propos intarissables du matin jusqu'au soir, et parfois au milieu de la nuit, a coutume de prévenir mes interlocuteurs en les priant "de ne pas mettre trente sous dans le gorille."

Vous déposez un mot, à l'instar d'une pièce de monnaie, et voilà que je remue ciel et terre pour vous livrer ma vision débridée des choses. Je saute du coq à l'âne puis de l'âne à l'âme, de l'âme à l'homme, de l'homme aux tartes aux pommes...

-Blablabla ble bli blo blu!!! que je déblatère.

J'abuse ensuite d'anecdotes et d'histoires insolites. Je brandis des citations. Je recommande de lire des livres. Je parle d'un film, d'un documentaire, d'une niaiserie découverte sur les médias sociaux. Puis c'est déjà l'heure de se coucher. J'ai mal à la mâchoire. J'ai la bouche sèche. Je vois des points scintillants. Bref, j'ai encore trop parlé... J'ai épuisé tous mes interlocuteurs. Je me suis épuisé moi-même.

Je me tiens pourtant coi dans la plupart des rencontres sociales.

Comme mon père, je suis un timide qui peut devenir exubérant si d'aventure on le pique dans le bedon avec un bout de bois.

Comme un ours, débonnaire, camouflé la plupart du temps dans la forêt, tout en représentant toujours une source potentielle de danger.

Certains trouveront que ce sont là de vilains défauts.

D'autres se diront qu'il vaut mieux fréquenter des ours que des protonotaires.

Et moi, eh bien je ne dirai rien qu'y vaille la peine d'être écrit.

Mes doigts ont obtenu leur part d'exercice.

Je puis me reposer de ce besoin impérieux de noircir des pages, de barbouiller, de semer à tout vent.

***

J'ai détruit des tas de dessins, des tas de textes, des romans, des poèmes, des trucs pas racontables.

Il m'en reste pourtant des tas.

Un jour, quand j'aurai tout dit, quand j'aurai pressé le citron jusqu'à la dernière goutte, il ne suffira que d'ouvrir ma boîte de Pandore pour découvrir d'autres facettes de mon écriture et de mon art.

D'ici là, je ne vais tout de même pas me reposer.

Chaque jour apportera son lot d'impressions et d'expressions.

Je vais encore partir d'un mot pour aboutir à un discours-fleuve.

C'est comme ça.

Que voulez-vous que j'y fasse, hein?

3 commentaires:

  1. J ' ai longtemps redouté d ' un jour ne plus avoir envie de dessiner -
    Pourtant m^me s ' il m ' est arrivé , et m ' arrive encore , d' avoir des moments de " blanc " , vient toujours assez vite un moment de grâce où je trouve dans les gribouillis des magies que je n ' avais pas encore visitées - cela fait presque 60 ans que ça dure - tant mieux ! -

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  2. Et puis si je mets pas deux sous dans le gorille , alors je piquerai l ' ours avec le bout de bois , pour le plaisir de l ' entendre parler - Désolé pour madame ! ...

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  3. @Monde indien: Je suis Métis, comme tu le sais. La part anisnabé/algonquine de mon identité est taciturne et tournée vers la contemplation des oeuvres de Kitché Manitou. C'est ma part française qui est loquace et intarissable... Avec un zeste d'humour et de flegmatisme anglais que je tiens de la grand-mère de ma grand-mère, une Blanchone originaire de Londres...

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