Crédit Photo: Jonathan Claudia |
J'y vais souvent à contrecoeur. J'y vais parce que je veux être en paix avec ma conscience de citoyen. J'y vais afin de pouvoir me regarder dans le miroir et pour me dire sans vergogne que je n'accepte pas que mon peuple soit gouverné par des escrocs, des menteurs et des corrompus.
Cela se passe essentiellement entre moi et ma conscience.
Ma conscience m'a dicté de ne pas m'y rendre les mains vides. J'ai donc investi quelques dollars pour fabriquer une pancarte où j'ai reproduit en substance une carte du jeu de Monopoly. Au lieu du chauve moustachu, on y voit Couillard.
La manif avait lieu à deux pas de chez-moi, au Palais de Justice de Trois-Rivières. D'autres villes étaient dans le coup. Je ne parlerai pas pour elles. Permettez-moi de me concentrer sur la mienne.
Je me suis donc pointé vers 13h45 avec ma pancarte bien en vue.
Je fus accueilli par un jeune homme qui m'a dit tout de go qu'il en avait plein le cul d'être gouverné par une bande de fourbes.
-Pour moé, on s'ra pas nombreux, qu'il ajouta l'air un peu dépité.
-Entre trente et quarante j'imagine, que je lui ai répondu.
Les manifs véhiculés uniquement par les médias sociaux n'ont pas coutume de rejoindre les Gentils Organisateurs de Club Med qui ne voient pas ce qu'ils y feraient en tant que simples citoyens.
Cela explique pourquoi j'y étais. Je ne suis pas chaud avec les manifs trop bien organisées. Il y manque souvent l'essentiel: du coeur...
Il ne manquait pas de coeurs pour cette manif devant le Palais de Justice. Il y eut environ une trentaine de personnes.
Je ne les nommerai pas toutes, je risquerais d'en oublier.
Il y avait, entre autres, un retraité de l'industrie papetière qui avait fait le trajet de St-Élie-de-Caxton à Trois-Rivières avec son chien. Il y avait une serveuse de restaurant. Il y avait deux commis de dépanneur. Il y avait un assisté social. Il y avait un citoyen qui souhaite partir un nouveau parti politique. Il y avait toutes sortes de gens, le peuple quoi, le peuple sans médailles ni flaflas.
La police n'était pas au rendez-vous. Ni les médias. Tout s'était passé sur les médias sociaux avec un amateurisme bon enfant qui ne manquait pas de m'émouvoir.
J'ai participé à des tas de manifs au cours de ma vie. Des manifs où nous étions cent milles. Des manifs où nous étions deux. Des manifs où j'étais seul. Et je n'aurai jamais accusé quiconque de ne pas avoir participé. Tout simplement parce que ça se passait entre moi et ma conscience.
Nous étions trop peu nombreux pour prendre la rue. Alors nous avons tenu une vigile devant le Palais de Justice.
Nous avons discuté, avec un peu de fougue et beaucoup de passion.
-Pourquoi les Québécois ne descendent-ils pas tous dans la rue? Nous sommes gouvernés par des crosseurs! Tout le monde le sait!
On a brodé sur le sujet. J'ai mis mon grain de sel pour dire que j'étais bien content d'être là, parmi de vrais braves qui n'ont pas craint de gâcher leur dimanche après-midi pour réclamer la destitution du Premier Ministre Philippe Couillard.
Au bout d'une heure et demie de discussions, de discours improvisés et de harangues, tout un chacun a pris son bord.
Je suis retourné à la maison en portant ma pancarte. Des automobilistes ont klaxonné pour signifier leur approbation à mon Dehors Couillard!
Sur la rue Royale, un jeune homme assis du côté du passager baissa sa fenêtre pour me crier quelque chose après avoir vu ma pancarte.
-On s'en bat les couilles!!! qu'il m'a crié en riant.
J'étais presque rendu chez-moi.
J'ai remisé ma pancarte au sous-sol.
Je me suis préparé une soupe aux lentilles.
Puis j'ai écrit ce petit texte pour rendre hommage aux quelques braves qui osèrent se tenir debout devant le Palais de Justice de Trois-Rivières pour dire à leurs concitoyens qu'ils n'approuvaient pas la corruption élevée au rang des vertus politiques.
À la prochaine manif, puisqu'il y en aura d'autres.
D'autres manifs où nous serons trois personnes, trente ou bien un million.
Je ne suis pas devin mais je me doute que le couvercle de la marmite finira par sauter.
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