mercredi 11 novembre 2015
Voyage au bout du jour du souvenir...
C'est aujourd'hui le Jour du souvenir, pour nous rappeler l'Armistice de 1918: le 11e jour du 11e mois à 11h00...
Ce n'est pas une journée pour les héros, mais plutôt une journée pour nous rappeler que tant d'hommes et de femmes sont morts pour rien.
On pourra ergoter sur l'importance de mener tel ou tel combat. Je sais bien qu'on ne pouvait pas mettre fin au nazisme avec des discours à l'eau de rose. N'empêche que celui qui crève avec des bouts de métal dans le ventre doit penser bien plus à sa maman qu'à sa patrie avant que de mourir.
Je ne saurais trop vous recommander de lire ce fameux Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, roman qui n'a rien de patriotique et qui porte même son lot d'anarchie. Voyage au bout de la nuit aurait pu être écrit par tous ces déserteurs de l'armée russe qui fuyaient le front pour ensuite faire naître la révolution dans leur pays pour se venger des tsars, des kaisers et autres césars qui les envoyaient à la boucherie.
Voici un extrait du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. Lola discute avec Ferdinand Bardamu qui revient du front avec cette amertume qui donne le ton à tout ce voyage au bout de la nuit.
"Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand! Vous êtes répugnant comme un rat…
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir.
- Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand! Il n’y a que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie est en danger...
- Alors vivent les fous et les lâches! Ou plutôt survivent les fous et les lâches! Vous souvenez-vous d’un seul nom par exemple, Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent ans? ... Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms? ... Non, n’est-ce pas? ... Vous n’avez jamais cherché? Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papiers devant nous, que votre crotte du matin ... Voyez donc bien qu’ils sont morts pour rien, Lola! Pour absolument rien du tout, ces crétins! Je vous l’affirme! La preuve est faite! Il n’y a que la vie qui compte. Dans dix mille ans d’ici, je vous fais le pari que cette guerre, si remarquable qu’elle nous paraisse à présent, sera complètement oubliée... A peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par-ci, par-là, à son occasion et à propos des dates des principales hécatombes dont elle fut illustrée... C’est tout ce que les hommes ont réussi jusqu’ici à trouver de mémorable au sujet les uns des autres à quelques siècles, à quelques années et même à quelques heures de distance... Je ne crois pas à l’avenir, Lola..."
***
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Je me souviens très bien de ce bout du livre, et où j'étais quand je l'ai lu. C'était il y a presque 20 ans, à l'arrêt d'autobus, en été. Je partais pour jouer dans un tournoi d'échecs sur St-Catherine. C'est un des meilleurs livres que j'ai lu. J'ai tellement ri. Certains diront que ce n'est pas drôle, on dirait qu'ils ne perçoivent pas le côté comique, mais juste le tragique, alors que c'est tragi-comique. La personne qui me disait que c'était pas drôle était justement quelqu'un qui prend l'histoire au sérieux: une maîtrisée en histoire. Je l'ai trouvée très comique. Elle comprend peut-être un peu plus l'histoire, mais elle ne comprend manifestement rien à la litérature. :D
RépondreEffacer@ Eremita: Je lis des tas d'auteurs sulfureux pour la simple et bonne raison qu'une oeuvre littéraire n'est pas une thèse de maîtrise. Louis-Ferdinand Céline en fait partie. D.A.F. de Sade aussi. Et Édouard Limonov... Je ne cautionne pas leurs positions politiques ou bien leur éthique. Ai-je besoin de le faire? L'oeuvre parle parfois plus fort et mieux que son auteur. Beaucoup d'auteurs politically correct, par ailleurs, sont parfaitement soporifiques. Le pire défaut d'un écrivain est de distiller de l'ennui... Règle générale, les gens dits sérieux me semblent lourds et insupportables. Ils me semblent à moitié réalisés. Comme l'Américain d'origine grecque qui ne sait pas sur quel pied danser devant Zorba le fou.
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