Éphrem était Rwandais comme d'autres sont Australiens ou bien Martiens. Il était aussi un Hutu et avait passé la majeure partie de son enfance dans un village où il n'y avait ni électricité, ni télévision, ni lave-vaisselle.
C'était un bon étudiant et les missionnaires avaient tout de suite remarqué qu'il savait mieux lire et compter que tous les autres. Ce qui fait qu'il pût bénéficier d'une bourse d'études. Éphrem fit ses études dans la capitale, Kigali, puis on récompensa une fois de plus ses bonnes notes en l'expédiant au Canada afin d'y poursuivre sa formation académique.
Éphrem passa sa première nuit au Canada au Miami Motel, à Trois-Rivières, situé à trois ou quatre kilomètres de l'université. Il arriva complètement fourbu et ne prit même pas la peine d'allumer la télévision. Il se coucha tout habillé sur le lit et ronfla en moins de deux.
Le lendemain matin, Éphrem se leva de très bonne heure. Jamais il n'avait eu accès à une télévision pour lui-même. Au Rwanda, il n'y avait aucune station de télévision et Éphrem devait se rendre dans un restaurant pour écouter la télé officielle de l'Ouganda avec tous les autres clients. Ici, au Canada, chaque chambre semblait dotée d'une télévision. Il y avait même un bain, un lavabo et une toilette par chambre. Un vrai luxe auquel il ne s'était pas encore accoutumé.
Éphrem ouvrit donc la télé pour tomber sur la diffusion d'une vidéo pornographique en circuit fermé. Cette vidéo montrait un Noir en train de copuler férocement avec trois femmes de type caucasien.
Éphrem croyait, à tort, que c'était les émissions du matin de Radio-Canada.
-Mais c'est le parrr-radis ici! qu'il se dit en lui-même en calculant à l'avance les chances qui se présenteraient à lui de copuler du matin jusqu'au soir avec des tas de déesses à la peau blanche.
Mal lui en prit. Les femmes s'avérèrent distantes, froides et pas du tout réceptives à ses avances.
Au cours des mois qui suivirent, Éphrem se mit à déchanter sur notre pays d'hypocrites.
-Les femmes, qu'il me disait quand il était un peu saoul, ne veulent rrrr-rien savoir de moi! Et, de plus, elles crrr-roient toutes que j'ai un grrr-ros zozo. Et pourrr-rtant, dès que je me déshabille, elle se moque de moi parrr-rce que je n'ai qu'une petite allumette!
Éphrem finit tout de même, un soir, à se rapprocher de son rêve.
Une femme, qu'il surnommait Petite Éléphante, succomba à son charme africain.
Éphrem la noya de compliments et de belles paroles, en lui disant qu'elle sentait l'ambre et le benjoins alors que, pour dire vrai, elle était plutôt moche et puait la cigarette.
Petite Éléphante demanda à Éphrem de l'accompagner chez elle et l'entraîna dans son lit.
Le lendemain, Éphrem était décontenancé.
-Hier, j'ai fait l'amour avec Petite Éléphante... Tout allait bien au début, carrr-resses et petits baisers d'amourrrr-reux. Puis, Petite Éléphante est embarrr-rquée surrr moi et elle a fait pipi surrr moi. Est-ce norrr-rmal, dis-moi, de fairrr-re pipi comme ça sur les gens ici au Québec?
Je me suis esclaffé, évidemment, puis j'ai payé une bière à Éphrem pour le consoler.
Comme je rédige cette histoire, je me demande si je ne vous l'ai pas déjà racontée.
Je me répète souvent, comme Varlam Chalamov se répète dans ses Récits de la Kolyma.
Un jour, je ne conserverai que la meilleure version des aventures de Éphrem.
J'en aurais encore long à dire, évidemment, puisque je suis bavard comme un Trifluvien, un vrai gars du fleuve Magtogoek, une créature portuaire qui s'amuse à raconter toutes sortes d'histoires abracadabrantes, comme celle de la guitare de Jos Sinotte, une guitare à huit cordes qui n'avait que trois cordes. C'est une autre histoire que je dois à Ti-Ben, mon mentor, une histoire que je vous raconterai un jour si ce n'est pas déjà fait.
Tes histoires se terminent bien , m^me quand elles se terminent mal car il y a ta bonne humeur !
RépondreEffacerAinsi d ' Ephrem qui m^me s ' il a été surpris par le pipi de la damoiselle a tout de m^me l ' air d ' être enchanté de se retrouver au pays des belles blondes qui vaut largement autant que de rester au pays où on tranche pieds et bras dans des guerres de bains de sang - M^me le froid ne l ' effarouchera-t-il pas - J ' avais un ami brésilien qui s ' était retrouvé pris dans une tempête de neige en pleine nuit de Noël , en train de faire de l ' auto-stop , en Finlande - Il racontait ça en riant - Peut-être était-il un peu inconscient ? Que dieu bénisse mon ami Diogènes ( Didi ) - D ' autres ne supporteront pas la chaleur tropicale -
Longue vie à Ephrem et , qui sait , peut-être découvrira-t-il m^me les charmes du pipi-shower ? Notre monde est plein d ' étonnements .