"Le moi est haïssable." Ce n'est pas de moi, mais de Blaise Pascal. Il a aussi dit j'aime la soupe, j'aime la pluie et je suis fatigué. Cependant, ces phrases-là ne sont jamais reprises. Pour ce qui est du moi haïssable, ça revient dans tous les devoirs de philosophie depuis le XVIIIe siècle.
Puisque je vais vous parler de moi, une fois de trop, permettez-moi d'être un tant soit peu haïssable.
Hier, c'était la Journée nationale des Patriotes. Un congé férié à la mémoire des fils et des filles de la liberté de 1837. Une raison pour organiser ça et là des événements commémoratifs avec des airs de folklore et des ceintures fléchées un tant soit peu surannées qui ne sont rien d'autres que des wampums autochtones déguisés en soirées canadiennes-françaises. Passons la leçon d'histoire et revenons à mon cher petit moi.
Je me trouvais avec ma douce dans le Parc Victoria, à Trois-Rivières, en train d'assister à une fête s'inscrivant dans le cadre de la Journée nationale des Patriotes. Des types prononçaient des discours tandis que d'autres faisaient mijoter une soupe qui semblait être offerte gratuitement à tous ceux qui se trouvaient là, une assistance d'une centaine de personnes à vue de nez.
Tandis que nous observions tout ça une guêpe, communément appelée W.A.S.P. (White Anglo-Saxon Protestant), profita de ma barbe parfumée pour me piquer sur la gorge.
Deux minutes plus tard, j'ai ressenti un malaise. Je me sentais sur le point de m'évanouir pour une raison qui m'échappait. J'ai débarqué de ma bicyclette puis je me suis assis contre un arbre devant le regard paniqué de ma bien aimée qui se demandait ce que j'avais.
-J'file pas... J'me sens pas bien...
-Qu'est-ce que t'as?
-J'sais pas... Un coup de chaleur peut-être...
Elle m'arrose avec de l'eau. Puis des plaques blanches apparaissent un peu partout sur ma peau. Je suis en train de faire un choc anaphylactique. Je suis en train d'apprendre que je suis allergique aux piqûres de guêpe. Cela ne s'était jamais produit auparavant. Mais là, je suis en plein dedans et chaque seconde compte...
Ma blonde appelle une ambulance après m'avoir donné un coup de pompe pour m'aider à retrouver de l'air. Des ambulanciers foncent vers moi et m'injectent de l'épinéphrine (adrénaline). Ce qui m'a sauvé la vie.
Ils me ramènent à l'urgence du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (CHRTR). On m'injecte du chlorure de sodium, de la cortisone, et de la diphenhydramine. La docteure me fait comprendre que j'étais sur le point de mourir.
-Vous pouviez mourir dans la demie heure monsieur Bouchard... Vous devrez toujours porter sur vous une seringue d'épinéphrine...
Tout ça à cause d'une fucking wasp! Le Jour des Patriotes! Quelle infamie!
Ma blonde m'a sauvé la vie. Les ambulanciers m'ont sauvé la vie. Les doctoresses m'ont sauvé la vie. Les infirmières aussi. Les préposés aux bénéficiaires. Et même la préposée au ménage. Je me sentais tellement petit et con que je remerciais tout le monde d'être en vie.
Je ne vous raconterai pas tout le reste. J'ai besoin de repos. Et puis le moi est haïssable, même si je m'aime un peu, moi et cette vie qui coule encore dans mes veines aujourd'hui.
Et aujourd'hui, franchement, je me sens plein de gratitude envers tout ce qui existe ou n'existe plus. Vous pouvez me demander n'importe quoi: ce sera oui tout de suite. Je suis ressuscité une fois de plus. La dernière fois, c'était dans la rivière Yukon, à Whitehorse, où j'ai failli me noyer...
Je suis vivant. Je ne le crois pas encore...
Moi qui me croyais invincible... Terrassé par une petite guêpe... Rien que d'y penser, j'en ai encore froid dans le dos.
Wasp!
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