jeudi 17 juillet 2008

VIE ET MORT DE KOWA, CÉLÈBRE IVROGNE TRIFLUVIEN


Il était petit et laid, une tête de René Lévesque auquel il aurait manqué la moitié du cerveau. Point de fuite plutôt que point de mire, si vous voyez ce que je veux dire.

Sa principale occupation dans la vie était de boire. Et il buvait tout le temps, n'importe quoi, n'importe comment, n'importe quand. Pour payer son boire, il disposait de deux sources de revenus stables: l'aide sociale et le travail au noir. Son travail consistait essentiellement à faire le ménage dans son bar préféré où il était payé en boissons alcoolisées: un pichet, quelques verres de fort, parfois un joint. Bref, il faisait l'affaire et ne coûtait pas cher. C'était le pochtron de service.

Je n'ai jamais su son nom. On le surnommait Kowa. Cela faisait référence au célèbre lutteur Vladek «Killer» Kowalski, du temps où les meilleurs spectacles de lutte au monde se tenaient ici, au Québec. Peut-être que Kowa Kowalski était d'origine Tchèque ou bien qu'il avait pété les plombs un jour où il n'avait pas reçu son chèque le premier du mois... Toutes les hypothèses demeurent ouvertes.

En plus d'être un ivrogne fini, à deux doigts du delirium tremens, Kowa aimait aussi s'habiller en femme pour faire sa tournée des bars. Et croyez-moi, il était bien plus beau en femme qu'en homme!

Évidemment, une fois bien saoul, qu'il soit déguisé en homme ou en femme, Kowa mettait sa queue sur la table, à côté de son pichet de bière. Et il se mettait à gueuler des insanités incompréhensibles, la queue à l'air, jusqu'à ce qu'on lui paie un autre pichet pour l'inciter à commettre encore plus de niaiseries innommables.

Fatalement, il finissait par tomber les quatre fers en l'air, la robe par-dessus sa tête de Ti-Poil, la queue sortie de sa petite culotte, baignant dans une flaque de vomi frais.

Quelques bons Samaritains le ramenaient à la maison, que dis-je, à sa chambre.

Kowa créchait dans une maison de chambres baptisée Le Foyer des coeurs brisés par ses chambreurs, tous des types défoncés, polytoxicomanes, cassés, prêts à tout pour un verre de bière et une bonne cigarette. Cela pourrait expliquer pourquoi Kowa se déguisait parfois en femme...

Ce qui devait arriver arriva.

Un jour, c'était au printemps de 2001 si je ne m'abuse, Kowa, saoul comme une enclume, a déboulé l'escalier du Foyer des coeurs brisés et s'est pété le crâne. Il en est tombé raide mort.

Comme Kowa n'avait pas de famille connue, il a été enterré dans une fosse commune, avec d'autres pochtrons, sur le bras des contribuables. Il est mort comme il a vécu, un doigt dans l'oeil et l'autre dans le cul, comme on dit par chez-nous.

Bien qu'il soit mort depuis longtemps, sa légende lui a survécu.

Tous ceux et celles qui ont vu Kowa au moins une fois dans leur vie ne l'oublieront jamais, pour de bonnes mais surtout de mauvaises raisons.

Paix à ton âme Kowa.

J'espère que tu pourras faire le ménage au Ciel pour te la saouler
ferme.

2 commentaires:

  1. Cher Gaétan,

    J'aime beaucoup cet hommage rendu à un homme que personne ne louangerait mort ou vif. Tu me sembles le plus chrétien des impies; je lis ton texte comme la seule prière digne du repos de son âme.

    Amen,

    Christian

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  2. c'est un peu comme un dédomagement à titre posthume. comme pardonner à cet homme (que je ne connaissais pas), d'avoir eu à vivre sa vie.
    cependant... rien. c'est très bien comme ça. paix à son ame.

    Amen.

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